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Libye: les combats dans le croissant pétrolier perturbent la production de brut

Nouvelle dégradation de la situation en Libye. Des combats ont éclaté dans la région du croissant pétrolier contrôlé par l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL). Des groupes rivaux à l’homme fort de l’Est, Khalifa Haftar, ont attaqué deux sites, mettant le feu à un réservoir et perturbant la production de brut. Une confusion règne toutefois sur l’identité des assaillants et leur objectif.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Forage pétrolier et torchère dans le secteur de Jalu, dans le désert libyen de l'Est en Cyrénaïque. (PHILIPPE ROY/Aurimages/AFP)

L'ANL a accusé les «Brigades de défense de Benghazi» (BDB), formées de combattants chassés de la ville de Benghazi (est) par les pro-Haftar, tandis que la Compagnie nationale de pétrole (NOC) affirmait dans la soirée que l'offensive avait été menée par une force dirigée par Ibrahim Jadhran.

Le retour d'Ibrahim Jadhran sur la scène pétrolière 
Ce dernier était à la tête des Gardes des installations pétrolières (GIP) en charge de la sécurité du Croissant pétrolier. Il a régulièrement défié les différents pouvoirs libyens, à Tripoli ou dans l'Est et a bloqué les exportations durant près de deux ans dans la région, avant d'en être chassé par l'ANL en septembre 2016.
 
Jadhran avait disparu depuis, avant de réapparaître le 14 juin 2018 dans une vidéo sur les réseaux sociaux, affirmant avoir formé une coalition baptisée «la Force de libération du croissant pétrolier», pour reprendre les sites pétroliers.
 
Les combats ont éclaté le même jour au sud du terminal de Ras Lanouf et Al-Sedra, déjà endommagés par des violences similaires en 2016 et 2017.
 
La NOC a annoncé dans un bref communiqué avoir évacué son personnel de ces deux terminaux «en raison des affrontements armés», mettant en garde contre une perte de production de l'ordre de 240.000 barils/jour.

La Compagnie nationale de pétrole travaille à rétablir la production de brut 
Un peu plus tard, elle annonçait l'arrêt des exportations dans les deux ports de Ras Lanouf et Al-Sedra, déclarant l'état de «force majeure» sur les deux sites.
 
«Nous continuons à surveiller la situation sur le terrain. Nous travaillerons avec des partenaires locaux et gouvernementaux pour rétablir l'ordre et la pleine capacité de production dès que possible», a déclaré Mustafa Sanallah, le patron de la NOC.
 
Selon un porte-parole de l'ANL, «cette attaque vise à alléger la pression sur les terroristes à Derna», ville située plus à l'Est, où l'ANL mène une offensive pour chasser une coalition de milices djihadistes et islamistes.
 
Le ministère français des Affaires étrangères a condamné «avec la plus grande fermeté» l'offensive contre les sites pétroliers, qualifiant les assaillants d'«extrémistes».
 
Les combats fragilisent les engagements pris à Paris par les protagonistes
Le président français Emmanuel Macron avait réuni à Paris les principaux protagonistes de la crise libyenne qui ont endossé une déclaration orale prévoyant l'organisation d'élections législatives et présidentielle le 10 décembre.
 
Des analystes estiment toutefois que la fragmentation du pays rend les promesses fragiles. Khalifa Haftar, soutenu par des autorités basées dans l'est libyen, s'oppose toujours au gouvernement d'union nationale (GNA), basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale et l'ONU.
 
Les forces pro-Haftar ont pris en septembre 2016 le contrôle des quatre principaux sites pétroliers de Libye – Zoueitina, Brega, Ras Lanouf et Al-Sedra – qui assurent l'essentiel des exportations libyennes d'or noir, permettant une reprise de la production.
 
Dans un communiqué, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, a dénoncé «un acte susceptible de menacer la sécurité et la stabilité du pays et raviver la discorde».
«Cette escalade irresponsable pousse le pays vers une guerre civile», a-t-il mis en garde.

La crainte d'un conflit généralisé 
Mais dans l'autre camp, le gouvernement parallèle basé dans l'Est a accusé le GNA d'être «derrière l'attaque». Elle «vise à (...) empêcher toute progression dans l'entente» entre camps rivaux en Libye, après la rencontre de Paris, a-t-il estimé dans un communiqué.
 
Cet exécutif bis a fait état par ailleurs d'une «alliance» entre les BDB et «les milices d'Ibrahim Jadhran». Une hypothèse que n’écarte pas Claudia Gazzini du Crisis Group. «La violence, les abus et les meurtres perpétrés par l'ANL renforcent le sentiment (d'hostilité) parmi d'autres groupes qui peuvent s'allier» face au même ennemi, explique-t-elle.
 
De son côté, la mission de l'ONU en Libye (Manul) a condamné l'attaque, estimant sur son compte Twitter que «cette escalade dangereuse» met en péril l'économie libyenne et risque de provoquer un conflit généralisé.
 
La Libye dépend essentiellement de la manne pétrolière. Elle produisait 1,6 million de b/j avant la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Depuis, la production avait été divisée par cinq avant de revenir, malgré les perturbations, à un million de b/j fin 2017.

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