Cet article date de plus de six ans.
Les startups sont-elles l’avenir de l’Afrique?
Le LAB (Land of African Business), qui se définit lui-même comme un «think tank dédié à l’Afrique», organise depuis trois ans les African Rethink Awards («prix pour repenser l’Afrique»), qui «célèbrent l’esprit d’entreprendre de la jeunesse africaine». Et récompensent des startups africaines. Rencontre avec le fondateur du Lab, Eric Bazin, un ancien journaliste.
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Dans le dossier de presse des African Rethink Awards, vous expliquez que «72% des jeunes Africains se disent attirés par l’entreprenenariat». Un chiffre étonnant. D’où vient-il?
Il émane de la Banque Africaine de Développement (BAD) qui couvre l’ensemble des pays du continent. Effectivement, il peut paraître étonnant. Il est à la fois légitime et paradoxal. Légitime parce que l’entreprenariat est une échappatoire pour des jeunes souvent non diplômés et qui n’ont pas de porte de sortie. Paradoxal parce que ces jeunes n’ont pas forcément la possibilité de créer une entreprise.
Personnellement, ce chiffre ne me surprend pas. Car quand on est au contact de cette jeunesse, on voit qu’elle a envie de faire bouger les choses. Elle est gourmande, elle représente une force de proposition. Elle a envie de réaliser des projets. De fournir des offres par rapport à des demandes non satisfaites.
Regardez ce que dit le «baromètre d’opinion des chefs d’entreprise» de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones: 12% des chefs d’entreprise interrogés ont moins de 30 ans!
Qui sont ces jeunes?
Des jeunes de milieux urbains, éduqués, qui n’ont pas forcément un parcours universitaire. Une jeunesse émergente qui se sent parfois un peu perdue.
Et qu’en est-il de tous ceux qui migrent en Europe?
Ils appartiennent à une jeunesse d’origine rurale, totalement abandonnée, complètement perdue, qui tente le tout pour le tout. Pour autant, cela ne veut pas dire que les jeunes entrepreneurs délaissent les milieux ruraux. Ils portent une attention particulière à l’agriculture. L’agro-business est d’ailleurs le domaine numéro un des startups qu’ils créent.
Les startups sont-elles vraiment une structure économique d’avenir pour le continent?
Personnellement, j’en suis persuadé. Les startups sont des structures qui correspondent bien à ces jeunes. Autonomes dans leur tête, ils peuvent être freinés dans leur développement par les Etats de leurs pays. Dans le même temps, ils sont aidés par les institutions internationales et des Etats étrangers: BAD, Banque Mondiale, Allemagne, Etats-Unis, Union européenne, France (au travers d’organismes comme BPI France, l’AFD…).
Pourquoi les Etats africains sont-ils réticents?
Ils ne sont pas conscients ou convaincus du problème. Ils regardent avec crainte cette jeunesse rafraîchissante, brillante. Dans ce contexte, les projets des jeunes peuvent se retrouver entravés. Regardez l’initiative Boost Africa, lancée par la BAD et la Banque Européenne d’Investissement (BEI) en novembre 2016. Les fonds sont là: 30 millions d’euros sont ainsi disponibles. Mais le projet est bloqué par la bureaucratie, le manque de conviction des dirigeants africains.
Dans ce contexte, comment les startups de ces jeunes parviennent-elles à percer?
Face au manque de compétences et d’appétences de leurs pouvoirs publics, il faut souligner le rôle solide et essentiel des incubateurs. Il s’agit de structures dédiées à l’entreprise, financées par des entreprises internationales, la BAD, la Banque Mondiale... Ce sont des partenaires qui ont des racines vraiment locales, qui sont diplômés. A leur tête, on trouve beaucoup de «repats», ces jeunes partis étudier à l’étranger qui reviennent dans leur pays. Ils créent, bâtissent, font des propositions à des jeunes en manque d’accompagnement.
Pourquoi en parle-t-on si peu?
C’est tout le problème ! Ils ne sont pas connus aussi parce qu’ils ne savent pas se vendre, se valoriser. Pourtant, rien qu’à Abidjan, il y a trois incubateurs.
A-t-on une idée du nombre d’emplois créés par les startups en Afrique?
Il est difficile de répondre à la question. Mais je vous citerai un chiffre fourni par la chambre de commerce et d’industrie ivoirienne: en Côte d’Ivoire, on estime à 100.000 le nombre d’emplois créés. C’est infime quand on considère le taux de chômage. Mais c’est important quand on sait qu’on sort là de l’économie informelle.
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