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Coronavirus et chute des prix du pétrole, l’Algérie est dans la tourmente

Particulièrement touchée par l'épidémie et soumise au confinement, l’Algérie s'inquiète également de l’effondrement des prix du pétrole et du gaz.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Un agent de santé désinfecte un abribus dans les rues d'Alger. L'Algérie est le pays africain qui compte à ce jour le plus grand nombre de décès liés au Covid-19. Photo prise le 20 mars 2020.  (Billal Bensalem / NurPhoto / NurPhoto via AFP)

Ecoles et marchés fermés, au moins 330 décès, l'Algérie n'est pas épargnée par l'épidémie de coronavirus, même si la situation reste sous contrôle, comme l'affirme le président Abdelmadjid Tebboune dans le quotidien El Watan, ce qui n'est pas toujours l'avis des médecins. Tout aussi inquiétante, la crise économique et sociale qui s'annonce aggravée par la chute vertigineuse des exportations (et des prix) des hydrocarbures, qui représentent tout de même 90% des recettes d'exportation du pays.

Transports aérien et terrestes quasiment à l'arrêt, la pandémie est en train de paralyser l'ensemble des activités productives à l'échelle de la planète. Avec cette crise sanitaire et économique, l'économie algérienne montre toute sa fragilité et son hyper dépendance aux hydrocarbures.

Avec un baril oscillant entre 22 et 33 dollars depuis le 30 mars 2020, les réserves monétaires du pays s’épuisent rapidement, alors que la Loi de finance 2020 tablait sur un prix du pétrole autour de 50 dollars.

L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), présidée par Alger, a bien annoncé une diminution de l'offre mondiale de dix millions de barils de brut par jour (mbj) à partir du mois de mai 2020, afin de freiner la dégringolade des cours, mais vu la très faible demande, cela ne sera pas suffisant pour redresser les cours du Brent.

Le président Abdelmadjid Tebboune a reconnu "la vulnérabilité" de l'économie algérienne "en raison de notre négligence pendant des décennies à la libérer de la rente pétrolière".

"Fainéantise" et "surconsommation"

M. Tebboune juge "impératif de mettre un terme aux mauvaises pratiques prises pendant la période de l'aisance financière, à l'exemple du gaspillage et de l'esprit de fainéantise et de surconsommation".

L'économiste algérien Ahmed Dahmani énumère les dangers de la situation : assèchement rapide des réserves de change, aggravation du déficit budgétaire et de la balance des paiements, forte dévaluation du dinar et poussée inflationniste. Au bout du compte, la récession économique et son corollaire : le chômage de masse.

Les réserves de change sont tombées sous les 60 milliards de dollars fin mars 2020, contre 80 milliards (73 md EUR) fin 2018. Selon certains économistes, ces réserves pourraient s'épuiser à très court terme.

"Le gouvernement n'a d'autre choix que d'élargir l'assiette fiscale, de recourir à l'endettement public et de négocier des prêts. Avec le reste des réserves de change, cela devrait lui permettre de tenir jusqu'en 2021. Mais après ?", s'interroge Luis Martinez, spécialiste du Maghreb au CERI-Sciences Po de Paris.

Coupes drastiques dans les dépenses

Pour faire face à cette situation alarmante, le gouvernement n'a pas encore enclenché la planche à billets, mais a annoncé une baisse de 30% du budget de fonctionnement de l'Etat (sans toucher aux salaires des fonctionnaires et au financement du système de santé), ainsi qu'une réduction des importations du pays de 41 à 31 milliards de dollars (38 à 28 md EUR).

Et le géant public des hydrocarbures Sonatrach va réduire son budget 2020 de 50%, soit l'équivalent de 7 milliards de dollars (6,5 md EUR).

Le plus difficile sera de maintenir les dépenses publiques et reconstruire un nouveau système politique

Luis Martinez, spécialiste du Maghreb au CERI-Sciences PO de Paris

à l'AFP

Sortir de la dépendance aux hydrocarbures

Les solutions plus structurelles, préconisées sans succès depuis des années, sont connues : diversifier l'économie afin de réduire la dépendance au pétrole et au gaz et développer l'attractivité de l'Algérie. 

Mais nombreux sont les sceptiques qui, comme le professeur d'économie Aderrahmane Mebtoul, doutent de la capacité de l'Algérie à attirer les investissements directs étrangers en raison de "la bureaucratie, d'un système financier sclérosé et de la corruption". M. Mebtoul ne croit pas davantage à la possibilité de récupérer les capitaux qui ont fui le pays. "Les autorités algériennes pourront arguer du fait que la situation économique et financière n'est pas meilleure dans les autres pays", observe l'économiste Luis Martinez. Selon lui, "ce n'est pas l'année 2020 qui est en procès, mais les vingt années de clientélisme, népotisme et corruption du règne de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika".

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