Ce que l'on sait du triple lynchage à Madagascar
Un Français, un Franco-Italien et un Malgache ont été tués lors d'une chasse à l'homme sur l'île. Ils étaient soupçonnés de trafic d'organes.
Deux Européens et un Malgache ont été tués, jeudi 3 octobre, par une foule en colère sur l'île touristique malgache de Nosy Be, théâtre de violences depuis la veille. Les agresseurs les soupçonnaient d'avoir tué et mutilé un enfant. L'une des victimes européennes est de nationalité française, l'autre est franco-italienne. Elles ont été décrites par des habitants de l'île comme des marginaux. Francetv info déroule le fil de cette affaire.
Torturés et jetés au feu
L'agression survenue jeudi matin choque par sa violence. Selon un officier de police, cité par Le Parisien, "des petits groupes ont été cueillir [les suspects] dans leur logement respectif avant de les amener sur la plage, à l'endroit même où le corps du jeune garçon a été retrouvé". Là, les deux Européens, vraisemblablement employés d'un hôtel, sont frappés et torturés par une foule en délire.
Un témoin raconte la scène au quotidien : "Cela m'a réveillé. J'ai vu une foule énorme arriver, je dirais entre 3 000 et 4 000 personnes, y compris des femmes et des enfants. Les deux hommes ont été tabassés puis jetés sur un brasier. C'est quelque chose d'atroce à vivre. Malheureusement, il était impossible d'intervenir."
Dans la soirée, et dans une atmosphère d'émeute, un troisième suspect, un Malgache, a lui aussi été violenté, après avoir été amené dans une Renault 4 dans un quartier périphérique de Hell-Ville, dans le sud de Nosy Be. Ses agresseurs ont jeté son corps dans un brasier devant quelque 300 personnes en délire. Impossible de savoir si l'homme était encore vivant ou déjà mort lorsqu'il a été jeté au feu.
Le corps d'un enfant à l'origine du lynchage
Les raisons de ces agressions remontent à mercredi soir. "Le corps sans vie d'un garçon de 8 ans disparu vendredi a été retrouvé" sur une plage de l'île, sans ses organes génitaux, et sans sa langue, affirme l'adjoint du commandant de la gendarmerie nationale. Depuis quelques jours, la population locale s'inquiétait de la disparition de plusieurs enfants, neuf selon la rumeur. Des avis de recherche avaient été placardés.
Après cette découverte, la rumeur enfle concernant un possible trafic d'organes. "Il paraît qu'un étranger aurait avoué les faits devant les habitants après la découverte d'un corps d'enfant inanimé sur une plage de Dar es-Salam [un village de Nosy Be] et il aurait désigné deux complices", explique le directeur général de la police, cité par Reuters. "Les habitants ont retrouvé un des deux présumés complices, un autre étranger. Ils les ont emmenés devant le corps de l'enfant pour les brûler."
Doutes et versions divergentes
"Aucun élément" ne permet "d'accréditer cette thèse" d'un réseau de trafiquants d'organes, indique le Quai d'Orsay, cité par Le Parisien dans son édition de vendredi. Le consulat de France indique que "d"autres hypothèses pourraient voir le jour au fil de l'enquête". En outre, la gendarmerie n'a pas clarifié la nature des soupçons, et n'a pas indiqué si cet éventuel "trafic d'organes" pouvait être lié à un trafic à but médical ou à des pratiques locales de sorcellerie.
"Ces histoires de trafic d'organes ou de corps découpés ne sont que des rumeurs, renchérit un Français habitant sur place dans Le Parisien. Le corps de l'enfant disparu a été retrouvé [mercredi soir] sur la plage après avoir été ramené par la mer. Il était habillé."
Un appel à la prudence
"C'est un événement malheureux et regrettable, mais il ne vise ni les touristes, ni même les étrangers, mais des individus bien identifiés", a tenté de rassurer la directrice de l'Office du tourisme de Madagascar. Les plages de Nosy Be et leurs eaux cristallines sont la principale destination touristique de l'île. Le consulat de France a enjoint aux Français de rester confinés à leur domicile ou à leur hôtel, faisant état d'un "risque de violences à Hell-Ville". Les autorités ont envoyé des renforts de gendarmerie sur place.
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