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Le monde littéraire africain salue la mémoire et l’œuvre de Toni Morrison

Plusieurs écrivains nigérians ont rendu hommage à Toni Morrison. L’auteure afro-américaine avait désigné l’un de leurs plus illustres compatriotes, Chinua Achebe, comme une source d’inspiration majeure.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'écrivaine afro-américaine Toni Morrison écoute l'auteur mexicain Carlos Monsivais lors d'une conférence à l'université de Guadalajara au Mexique le 25 novembre 2005.  (GUILLERMO ARIAS/AP/SIPA / AP)

De nombreuses personnalités de la littérature africaine ont fait leurs adieux à l’écrivaine américaine Toni Morrison, première Afro-Américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature, décédée dans la nuit du 5 au 6 août 2019. D'autant qu'elle n'a cessé de mettre en avant la contribution du continent à une œuvre consacrée aux Afro-Américains, et plus largement au monde noir. 

Les traditions et la cosmogonie africaines sont prégnantes dans les textes de Toni Morrison qui dit devoir l'affirmation de sa personnalité littéraire à l’une des plus illustres plumes africaines, le Nigérian Chinua Achebe, auteur du célèbre livre Things Fall Apart (1958, Heinemann).

Dans un entretien repris par l’homme de lettres nigérian lke Anya, auteur notamment d’un essai sur Chinua Achebe, dans un tweet où il souhaite "un bon voyage au lion" Toni Morrison, cette dernière revient sur cette influence majeure.

Chinua Achebe, une incitation à s'affirmer 

"J’ai essayé tout au long de ma vie d’écrivaine de m’assurer que la perspective blanche ne soit pas celle qui domine dans mes livres et les gens qui m’ont le plus aidé (dans cette démarche) sont les auteurs africains". Parmi eux, outre Chinua Achebe, Bessie Head, née en Afrique du Sud d’une mère blanche et d’un père noir, et considérée comme la plus grande écrivaine botswanaise. L’intellectuelle américaine soulignait que certains critiques "l'avaient accusé de ne pas écrire sur les Blancs".

"Ces auteurs, dit-elle, qui pouvaient assumer la centralité de leur race (concept américain, NDLR) parce qu’ils étaient africains, n’ont rien eu à expliquer aux Blancs. Ces questions leur étaient incompréhensibles, ces questions auxquelles moi, je (dois répondre) en tant que membre d'une minorité vivant dans un pays blanc, les Etats-Unis".

Dans un texte consacré à Chinua Achebe, elle explique comment lui et son célèbre ouvrage lui ont ont permis "de découvrir la manière de faire fi, de triturer la perspective eurocentrée afin de distordre et de sonder (sa) propre imagination". Dans le document, elle dit avoir "dévoré" à partir de 1965 la littérature africaine, entre autres, les mots de Léopold Sédar Senghor, Camara Laye, Wole Soyinka ou encore Mongo Beti. 

"Une figure emblématique, l'espoir du monde noir"

L’hommage rendu par lke Anya est l’un des nombreux hommages émanant du monde littéraire nigérian et compilé par son compatriote Nwachukwu Egbunike, également homme de lettres. Dans son article, il rapporte que le poète et linguiste Kọ́lá Túbọ̀sún "décrit Morrison comme une 'force' qui a octroyé aux Noirs une existence 'dans le monde aussi valable et authentique que (celle des autres)'".

Une autre admiratrice nigériane de Toni Morrison, Chimamanda Ngozi Adichie (l’auteure d’Americanah), souligne dans un texte collectif publié dans le New York Times qu’ "elle était noire et (qu’) elle ne s’(en) est pas excusée, elle n’a pas adouci et elle n’a pas atténué la douloureuse réalité de l’histoire des Noirs américains, dans un pays qui semblait souvent vouloir la minimiser".

S’ils sont pléthore, les Nigérians ne sont pas les seuls Africains à honorer la mémoire de la femme de lettres. "Toni Morrison était une figure emblématique, l'espoir du monde noir. Elle a été une référence à travers ses écrits, notamment ses romans, ses essais, ses poèmes, sa comédie musicale, etc. Elle a montré le chemin à la communauté américaine et africaine", a déclaré, selon l’Agence de presse sénégalaise (APS), Ousmane Sène, professeur de littérature africaine et américaine à l'Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. 

Le poète sud-africain Zakes Mda, note dans un tweet que Toni Morrison, à l'instar de Shakespeare, est "immortelle". Au micro du média sud-africain Eyewitness News, il constatait par ailleurs que l'écrivaine avait laissé "une Amérique pire que ce qu'elle n'aurait jamais imaginé". En l'occurence ces trois dernières années où avait ressurgi tout ce que l'intellectuelle afro-américaine avait combattu, entre autres, la suprématie blanche. Les suprémacistes ont trouvé, a poursuivi Zakes Mda, le "courage" de sortir du bois grâce au président américain Donald Trump. Une problématique traitée dans son second essai et ultime ouvrage The Source of Self-Regard" qui sera publié en octobre 2019 par l'éditeur Christian Bourgois en France.   

C'est d'ailleurs en France qu'un tweet hommage a été jugé tout simplement "raciste" par de nombreux internautes. Le message, censé saluer la contribution littéraire de Toni Morrison, a été publié par la ministre française du Travail, Muriel Pénicaud. Il a été retiré depuis et remanié dans une seconde publication. La responsable politique française avait d'abord évoqué une auteure grâce à qui "les Noirs (sic) ont enfin pu entrer par la grande porte dans la littérature". Plusieurs voix se sont élevés sur la Toile et ailleurs pour lui démontrer le contraire. 

Dans le texte annonçant sa mort, son éditeur Alfred A. Knopf citait l'écrivaine américaine: "Nous mourons. C'est peut-être le sens de la vie. Mais on parle le langage. C'est peut-être la mesure de nos vies". C'est à son langage et à son premier livre, The Bluest Eye (L’Oeil le plus bleu), publié en 1970 que renvoie, quant à lui, l’écrivain togolais Sami Tchak dans ses adieux. "La grande dame est partie, dit-il. Morrison a fini, comme aurait écrit Kourouma (Ahmadou). Le Ciel aura ce soir l'œil le plus bleu pour l'accueillir !"

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