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Ghana: «Potato Potahto», film symbole d'un cinéma qui aspire à être reconnu
Le dernier film de la Ghanéenne Shirley Frimpong-Manso, en salles sur le continent, s'est offert une projection au marché du film de la 70e édition du Festival de Cannes. La démarche illustre un phénomène de plus en plus prégnant à Nollywood et dans ses industries sœurs: nombre de cinéastes africains souhaitent que leurs films existent aussi sur la scène internationale.
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Depuis quelques jours, les cinéphiles, notamment au Ghana, au Nigeria ou encore en Afrique du Sud, peuvent voir sur leurs écrans la dernière comédie romantique de la cinéaste ghanéenne Shirley Frimpong-Manso, Potato Potahto.
Quelques mois plus tôt, c’était sur la Croisette, dans une des salles destinées aux films présentés au marché du film du Festival de Cannes que l’on pouvait le découvrir. La salle était clairsemée, mais remplie de proches et d'amis de la profession, comme le réalisateur nigérian Kunle Afoloyan.
Mais ici, c'est le symbole qui prime. La démarche est le signe d’un cinéma africain, celui notamment produit au Ghana mais s'inscrivant dans la vague Nollywood, qui espère se faire (aussi) une place sur les écrans internationaux.
#PotatoPotahtoFilm is still showing in cinemas across Nigeria, Ghana and SouthAfrica. Go check it out Today!!!. Have a fab week ahead! pic.twitter.com/JwMUDPUD2S
— Potatopotahtofilm17 (@PotatoPotahtoFM) December 11, 2017
«C’est très cher de faire des films pour le cinéma»
«Nous travaillons à cela. C’est pourquoi nous sommes présents à Cannes. C’est un défi d’être ici et c’est une incitation supplémentaire à mieux faire», confiat la cinéaste, scénariste et productrice ghanéenne lors de la projection cannoise de sa dernière œuvre, bien évidemment en format cinéma.
Car en dépit du fait que Nollywood, l'industrie du cinéma nigérian auquel Potato Potahto s'apparente, soit la première industrie cinématographique du monde, son poids est minoré. Pourquoi? Les films sont majoritairement produits en format vidéo.
«C’est très cher de faire des films pour le cinéma, note Shirley Frimpong-Manso. En outre, les salles de cinéma projettent vos films si vous avez les moyens de faire déplacer le public. En somme, il faut avoir et le public et un budget conséquent. La plupart des films que nous produisons sont néanmoins diffusés dans des salles de cinéma aussi bien au Ghana qu’au Nigeria. En Europe, aux Etats-Unis et en Occident en général, c’est une autre histoire.»
Distribuer les films, un casse-tête permanent
La distribution n'est effectivement pas seulement un défi à l'international, c'est également un challenge à relever sur le marché national, où les productions locales sont souvent mises en concurrence avec les blockbusters américains. Shirley Frimpong-Manso a ainsi mis en place Sparrow Station, un site de vidéo à la demande dédié à faire voir ses propres productions.
«C’est difficile de distribuer les films au Ghana. Nous avons deux complexes cinématographiques, soit environ une dizaine de salles. Quand on fait un film, on souhaite qu’il soit vu par le maximum de personnes sur le continent et au sein de la diaspora qui ne sait pas souvent où trouver nos productions. Je pense que nous n’en avons pas encore assez fait pour rendre nos productions accessibles. Même si nous avons déjà plusieurs accords de distribution avec des partenaires comme M-Nnet (la chaîne sud-africaine), Irokotv (offre de vidéo à la demande spécialisée dans les films Nollywood) ou certaines compagnies comme Air France ou Emirates.»
The CEO (Le PDG), le film de Kunle Afoloyan, avec la chanteuse béninoise Angélique Kidjo dans le rôle principal, s'était offert une avant-première à bord d'un vol de la compagnie aérienne française ralliant Paris à Lagos en 2016.
A la recherche de nouvelles sources de financement
Etre présent au marché du film à Cannes, c'est aussi l'occasion de trouver de nouveaux partenaires.
«Voyez ce que nous produisons avec le peu de ressources dont nous disposons, imaginez ce qu’on pourrait faire si nous avions plus de soutiens ! Nous avons besoin de gens qui investissent dans le cinéma. Et de nos gouvernements. En Afrique, les professionnels du cinéma doivent être davantage soutenus dans leur pays, plaide la comédienne ghanéenne Joselyn Dumas et productrice exécutive de Potato Potahto dont elle tient le principal rôle féminin. Nous aurions aimé que des structures comme le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée) français existent également chez nous. Si nous avions l’aide nécessaire, notre cinéma s’envolerait.»
Joselyn Dumas espère revenir sur la Croisette avec un film, qui aura, sait-on jamais, les honneurs du Festival de Cannes.
Pour l'heure, la ville pourrait être le décor d'un des prochains longs métrages de Shirley Frimpong-Manso. «Nous travaillons sur un thriller dramatique que nous espérons tourner à Cannes, confiait la cinéaste en mai 2017 sur la Croisette. Nous espérons que ce type de projet nous ouvrira certaines portes, notamment de ce côté-ci du monde.»
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