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COP 21 : les Etats africains exigent des pays riches une aide chiffrée

Les pays industrialisés ont promis d'aider les pays en voie de développement à faire face aux effets du réchauffement climatique. Aucun engagement financier précis n’a été pris pour l’heure, au grand dam des représentants des pays africains présents à Bonn, en Allemagne, lors de l’avant-dernier round de négociations avant la prochaine conférence de l'ONU sur le changement climatique (COP 21).
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une pièce d'un euro sur une pile de dollars. Photo prise le 13 mars 2015 à Godewaersvelde (France).  (AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN)

A moins de trois mois du rendez-vous de Paris, les pays en voie de développement et leurs homologues des pays riches, réunis à Bonn (Allemagne) du 31 août au 4 septembre 2015, sont loin d’avoir trouvé un accord sur l’un des points essentiels de la Convention cadre des Nations Unies pour les changements climatiques (CCNUCC). A savoir, le financement des mécanismes d'attenuation et d'adaptation des pays les moins nantis et les moins pollueurs au changement climatique. Le Fonds vert, mis en place en 2009, ne dispose que de 10% des 100 milliards de dollars, sa dotation annuelle à compter de 2020. 

«C'est sur la question du financement que tout va se jouer», a prévenu le président français François Hollande le 7 septembre lors de sa sixième conférence de presse semestrielle, au lendemain de cette rencontre. «Il n'y aura pas d'accord parce que notamment des pays s'y refuseront (pays émergents et pays du Sud) s'il n'y a pas d'engagement ferme sur les financements.» 
 
Au sortir des négociations de Bonn, le délégué du Togo Jules Azankpo, avait déjà tiré la sonnette d'alarme. «Pour nous les pays en développement (…), un accord à Paris sans le financement serait un échec. Malheureusement, c’est ce qu’on est en train de constater. Les pays industrialisés n’entendent pas s’engager sur le financement de l’adaptation qui reste une priorité pour nous», a-t-il confié à Kossivi Tiassou de la Deutsche Welle, la radio internationale allemande.

«En coulisses», poursuit-il, certains des représentants des nations industrialisées ont mis avant «les crises économiques qui ne leur permettent pas de garantir des ressources financières pour les pays en voie de développement pour la période post-2020».

Affiche officielle de la COP 21 (Site officiel de la COP 21)

Pas d’engagements chiffrés pour les pays riches à cause de la crise
Par ailleurs, souligne le responsable togolais qui s'appuie sur l'article 4 de la convention, «ce financement doit être adéquat, prévisible et additionnel, c’est-à-dire que ces aides sont distinctes de celles perçues dans le cadre de l’aide au développement». «Malheureusement, déplore Jules Azankpo, la plupart du temps, ces ressources financières sont souvent comptabilisées» dans l’aide publique.
 
Des financements spécifiques pourtant nécessaires «pour accroître notre résilience» au réchauffement climatique dont les nations industrialisées «sont à l’origine», insiste le représentant du Togo. «Sur cette base (…), c’est à eux de financer les pays en développement (...) qui ne sont pas responsables des changements climatiques mais qui (en) subissent les fléaux». Et Jules Azankpo de préciser que le taux d’émission de l’Afrique ne représente que «3-4%» de l’émission mondiale. La Chine, qui émet à elle seule 25% des gaz à effet de serre, et les Etats-Unis sont les deux plus gros pollueurs de la planète

Emission de CO²  par région du monde en 2013 (Global Carbon project)

La RDC inflexible sur les compensations 
La République Démocratique du Congo se veut inflexible sur la question financière. Elle fait partie des rares pays africains qui se sont déjà pliés à l’exercice demandé aux 195 Etats parties de la convention-cadre de l'ONU. Avant la la COP 21, chacun d'eux doit soumettre une contribution (seulement une soixantaine ont été réunis au 7 septembre 2015 selon François Hollande) où ses engagements pour lutter contre le réchauffement climatique sont explicités. Dans le document, la RDC estime les coûts d'atténuation et d'adaptation au réchauffement climatique à plus de 21,5 milliards dollars. Une somme qu'elle souhaite obtenir dans le cadre de la COP 21 d’autant qu’elle met déjà à contribution ses forêts pour préserver la planète.

«L'Indonésie et le Brésil ont bénéficié d'importants financements pour la gestion durable de leur forêt (…)», a déclaré Emmanuel Tabange Bissele délégué de la RDC, au micro de Kossivi Tiassou. Contrairement à son pays. «On a jamais jusque-là, à ma connaissance, eu de financement de plus de 100 millions de dollars alors que les deux pays que j'ai cités ont obtenu chacun un milliard de dollars pour leurs forêts. Mais quand le Congo fait une demande, cela traîne toujours et on ne sait pas pourquoi.»

«Nous sommes aujourd'hui le seul pays qui accepte le moratoire sur la gestion de sa forêt (il empêche notamment l'attribution de nouveaux permis d'exploitation) mais aucun effort  n'est fait  pour que nos populations (…) puissent bénéficier des avantages (liées à ce processus) puisqu'elles sont les propriétaires naturelles de ces forêts. (Au contraire), elles croupissent dans une misère indescriptible», s'indigne le responsable congolais. 

Forêt dans le Nord-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), à la frontière du Rwanda. Photo prise le 5 novembre 2013.   (AFP PHOTO / Junior D. Kannah)

«Risque d'échec» de la COP 21
«Il reste encore beaucoup à faire, concernant les problèmes qui nous préoccupent le plus : le financement des actions dans les pays en développement pour leur permettre de s’adapter au changement climatique, ou encore la question des compensations pour ceux qui subissent déjà des dommages», résume Jaco Dutoit, responsable du Fonds mondial pour la nature (WWF) en Afrique du Sud, interrogé par la Deutsche WelleCes problèmes font l’objet de discussions, mais les options qui sont sur la table sont encore très larges.»

L’article 4 de la convention-cadre prévoit une aide aux pays qui souffrent déjà des effets du réchauffement climatique. «Il ne s’est rien passé, s’est insurgé Lloyd Gabriel Pascal, le representant de l’île de la Dominique ravagée en août 2015 par la tempête ErikaTous ceux qui ont parlé après moi lors de la session d’ouverture (de la réunion de Bonn) ont exprimé leur solidarité, a-t-il admis sur les antennes de la Deutsche Welle. Mais ils doivent comprendre que la solidarité dont ont besoin les Dominicains, elle est financière. Nous avions emprunté de l’argent aux banques régionales de développement pour financer des infrastructures : des ponts, des hôtels. Maintenant tout est détruit, mais nous devons quand-même rembourser nos prêts.»
 
Le communiqué officiel de la rencontre préparatoire se veut pourtant optimiste. «Nous sommes sur le chemin pour être à l’heure à Paris», ont déclaré Ahmed Djoghlaf et Daniel Reifsnyder, les coprésidents du groupe de travail de la plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP), en charge de préparer «le nouvel instrument» qui sera proposé à Paris aux parties à la CCNUCC pour signature et mise en œuvre à compter de 2020.

Les négociateurs se retrouveront de nouveau à Bonn, en octobre 2015. Avant Paris, «il faut qu'il y ait un pré-accord sur le financement», a insisté le président français qui a rappelé que les pays en voie de développement réclamaient un financement «mesurable, prévisible, vérifiable, transparent et (qu'il fasse l'objet) d'un mécanisme de révision». Pour conjurer «les risques d'échec» de la COP 21, évoqués par François Hollande, la diplomatie française tentera «une offensive» ultime pour régler la question pécuniaire. 
 
Avec la contribution de Kossivi Tiassou du service français de la «Deutsche Welle».

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