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République centrafricaine : un rapport de l'ONU sur le massacre d'Alindao en novembre 2018

Le 15 novembre 2018, 112 personnes ont été tuées à Alindao (centre de la RCA) par des groupes armés rivaux. Alors que certains s'interrogent sur le rôle joué par la force de l'ONU (Minusca) sur place, un rapport d'enquête de cette dernière, rendu public le 28 février 2018, tente de faire la lumière sur la chronologie des événements. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Casques bleus camerounais de l'ONU dans le village de Bambara en République Centrafricaine, le 15 avril 2017. (BAZ RATNER / X02483)

En République centrafricaine, pays d'Afrique centrale de 4,5 millions d'habitants miné par la violence depuis son indépendance en 1960, une quinzaine de groupes armés se battent pour le contrôle des ressources naturelles et l'acquisition de zones d'influence. Parmi eux, le groupe armé Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), qui contrôle la plus grande partie de la région d'Alindao.

Dans le camp de déplacés de cette ville, de nouveaux affrontements ont opposé le 15 novembre ce groupe armé à des milices antibalaka, qui se présentent comme des groupes d'autodéfense et sont implantées localement.

Le camp, où 17 732 personnes déplacées par le conflit qui dure depuis 2013 avaient trouvé refuge, a été brûlé et pillé.

Accusations

Ces nouvelles tensions ont commencé le 14 novembre, explique le rapport de la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République Centrafricaine), lors d'attaques antibalaka contre des civils musulmans : "Six combattants présumés antibalaka ont tué un agriculteur musulman de 50 ans dans son champ", explique notamment le texte.

Les populations musulmanes d'Alindao et l'UPC ont alors accusé les chrétiens, "en particulier les habitants" du camp de déplacés, tous chrétiens, de protéger des miliciens antibalaka.

A Alindao, 80% des habitants sont chrétiens. La majorité d'entre eux a fui la ville pour se réfugier dans les camps de déplacés en 2017, lors d'une éruption de violences qui avait fait plusieurs centaines de morts en ville.

Le jeudi 15 novembre, à 8h du matin, "entre 200 et 400 personnes", dont des combattants de l'UPC en uniforme, sont entrés dans le principal camp d'Alindao, à pied et en voiture, ont raconté des témoins à l'ONU.

Quelque 35 casques bleus étaient alors présents sur les lieux. Ils ont affirmé n'avoir "initialement vu aucun assaillant en uniforme et aucune arme autre que des machettes". Ils ont ensuite indiqué qu'ils avaient "effectué des tirs de sommation".

Face à l'entrée des combattants par le nord-ouest du camp, une dizaine de miliciens antibalaka, armés de fusils artisanaux, ont "dans un premier temps résisté à l'attaque".

Un groupe "tirait au hasard"

Vers 10h, les quelques miliciens antibalaka avaient "épuisé leur stock de munitions". Ils se sont alors enfui. Et "avant 16h, les assaillants s'étaient retirés", continue le rapport.

Entre temps, un premier groupe d'assaillants "tirait au hasard à l'arme automatique sur les personnes déplacées". Dans le même temps, un autre groupe, "composé principalement de civils musulmans, s'est ensuite lancé dans le pillage systématique des biens des personnes déplacées, ainsi que des biens de l'Eglise et des ONG".

"Enfin, un troisième groupe de renfort de l'UPC en provenance de Bokolobo (à une soixantaine de kilomètres d'Alindao) a incendié le camp en fin d'après midi" et a quitté les lieux, indique le rapport.

Des miliciens antibalaka ont ensuite "refait surface" dans le camp et "ont pillé le peu de biens des personnes déplacées restant des attaques précédentes"

Hommes appartenant aux groupes anti-balaka en train de marcher près de Gambo (sud-est de la Centrafrique) le 13 mai 2017. (ALEXIS HUGUET / AFP)

Quel rôle a joué la Minusca

Les conditions qui ont conduit à ce drame sont "imprécises et provoquent de nombreuses questions, notamment celle de l'action de la Minusca", notait le site de RFI le 21 novembre.

"Beaucoup tentent de comprendre comment un tel drame a pu se produire en présence de la Minusca sur place. Le porte-parole de la mission onusienne (...) assure que de telles échauffourées n'étaient pas attendues et que la Force n'était pas en nombre suffisant pour parer à ces événements", poursuivait le site de la radio

Des actes qui "peuvent constituer des crimes de guerre" 

Les 16 et 17 novembre, la Croix-Rouge a découvert 20 fosses communes dans le camp de déplacés, selon l'ONU. En tout, 100 personnes ont été tuées dans et autour du camp de déplacés, dont 38 femmes et 18 enfants. Les restes de 68 d'entre elles ont été retrouvés dans les fosses. Une "majorité" étaient des civils, note le rapport qui souligne qu'aucun musulman ne vit dans ou autour du camp. Parmi les cadavres découverts à l'intérieur du camp figuraient ceux de personnalités religieuses: le vicaire général d'Alindao, un curé et un pasteur.

12 musulmans, dont six femmes, ont également été retrouvés morts, tués le 15 novembre, sans que les circonstances de leur mort aient pu être déterminées par l'ONU.

En Centrafrique, où le conflit a obligé un quart de la population à fuir son domicile, un accord de paix a été signé début février entre Bangui et les groupes armés. Parmi les signataires figurent l'UPC et les antibalaka, qui ont officiellement acté un cessez-le-feu.

Leurs combattants, acteurs du massacre à Alindao, peuvent être poursuivis pour les crimes commis, indique l'ONU dans son rapport. Celui-ci souligne que "beaucoup" de violations du droit international humanitaire commises le 15 novembre "peuvent constituer des crimes de guerre".

Une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CRVJRR) doit être mise en place dans les trois mois en Centrafrique.

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