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Corruption des chefs d'Etat: les femmes autant que les hommes !

La présidente du Brésil, réélue à la tête du plus grand pays d'Amérique du Sud, accusée par une large partie de la population d'avoir fermé les yeux sur les pratiques de corruption du groupe Petrobras, et le monde entier s'offusque. Quoi ? Le sexe dit faible serait-il capable d'une telle vilenie ? La réponse est oui. Au pouvoir, la femme est un homme politique comme les autres. Tour d'horizon.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Dilma Roussef en plein tangage dans le scandale de corruption au sein du groupe pétrolier étatique Petrobras. Le parquet brésilien enquête sur 13 sénateurs, 22 députés, deux gouverneurs et sur le trésorier du Parti des travailleurs, le parti de la présidente. (AFP PHOTO/EVARISTO SA)

Eclaboussée par le scandale Petrobras, Dilma Rousseff va-t-elle démissionner? Ou, pire encore, se faire chasser du pouvoir par une procédure de destitution, comme l’ont réclamé le 15 mars plus d’un million et demi de manifestants à Rio et Sao Paulo? Cinq mois après sa difficile réélection, la présidente du Brésil traverse en tout cas une terrible zone de turbulences et voit noircir son image. Un grand nombre de ses concitoyens l’accusent d’avoir trempé dans le gigantesque scandale de corruption qui agite depuis quelques mois tout le pays.

Elle ne serait pas la seule. Pendant des années, le géant pétrolier public Petrobras et plusieurs groupes de BTP ont distribué des pots-de-vin astronomiques à des dizaines de dirigeants de son parti (le PT, parti des travailleurs, fondé par l’ancien président Lula) mais aussi à ceux de l’opposition de droite, en particulier du Parti progressiste (PP). Les sommes détournées porteraient sur près d’un milliard d’euros. Certes, aucune preuve de l’implication de Dilma Rousseff n’a pour le moment été apportée. Mais comme elle était ministre de l’Energie sous la présidence Lula, et qu’elle a présidé le conseil d’administration de Petrobras, une bonne partie de l’opinion est persuadée qu’elle ne pouvait pas ne pas être au courant. 
 
Les femmes politiques supposées moins avides que leurs collègues
L’égérie de la gauche brésilienne, qui a fait de la lutte contre la corruption son principal cheval de bataille, a-t-elle mis les mains dans le pot de confiture? En attendant de le savoir, la vieille thèse selon laquelle les femmes politiques sont moins corrompues que les hommes en prend déjà pour son grade. Cette idée est pourtant bien enracinée : il y a quelques années, un sondage réalisé dans 39 pays a démontré qu’elle était universellement partagée par une large majorité de l’opinion. Sous toutes les latitudes, les femmes sont supposées moins avides, plus sentimentales, moins ambitieuses et pour tout dire plus honnêtes que leurs collègues à cravate.
 
La réalité est hélas loin d’être aussi angélique! Certes, les affaires de pots-de-vin impliquant des femmes politiques sont infiniment plus rares que celles qui mettent en cause des hommes. Mais, comme le font remarquer avec malice Justin Esarey et Gina Chirillo, deux chercheurs de l’université Rice du Texas, c’est tout simplement… parce qu’elles sont moins nombreuses à accéder au pouvoir. En proportion, les présidentes en tailleur en croquent tout autant que leurs homologues en costard. Et peut-être même un peu plus, comme le montre notre recensement – non exhaustif – des chef(fe)s d’Etat et de gouvernement fortement soupçonnées d’indélicatesse.

Ioulia Timochenko (Ukraine). Les détracteurs de l’ex-Premier ministre aux tresses blondes ont toujours eu des doutes sur l'honnêteté de sa fortune. Elle est soupçonnée d'avoir dans les années 90 détourné plus d'un milliard de dollars avec la complicité du chef du gouvernement ukrainien de l'époque, Pavlo Lazarenko. Poursuivant sa route, l'ancienne «égérie de la révolution orange» a été ensuite fortement suspectée d’avoir perçu des pots de vin, en particulier dans des contrats gaziers signés en 2009 avec la Russie et jugés préjudiciables pour l'Ukraine. Condamnée en 2011 à sept ans de prison, elle a été libérée à la faveur du coup d'Etat de février 2014. Mais sa popularité s'est évanouie.

Cristina Kirchner (Argentine). Entre 2003 (date de l’élection de son défunt mari Nestor, qui l’a précédée à la tête de l’Etat) et 2011, le patrimoine des époux Kirchner s’est arrondi de 11 millions d’euros, soit une augmentation de 700%. Et il a encore grossi depuis. Entre autres turpitudes, la présidente est soupçonnée d’avoir touché de l’argent à de multiples reprises lors de la signature de contrats, et d’avoir organisé avec son mari un trafic de terrains à bâtir en Patagonie au profit de sa famille. Selon une information de WikiLeaks, l’Argentine aurait refusé de donner suite à une demande de renseignement de la Suisse sur certaines opérations financières des Kirchner.  

- Catherine Samba-Panza (Centrafrique). Il n’aura pas fallu longtemps à la nouvelle présidente (de transition), élue en janvier 2014, pour se tailler une sulfureuse réputation. Selon le site d’information tchadien Alwihdainfo, elle aurait distrait plus d’un milliard de francs CFA (1,5 millions d’euros) d’un fonds de soutien au pays accordé par l’Angola, et fait virer l’argent sur un compte privé. L’intéressée conteste.

- Jayalalithaa Jayaram (Tamil Nadu). La ministre en chef et dirigeante de cet Etat du sud de la Fédération indienne a été condamnée en septembre 2014 à quatre ans de prison pour corruption et enrichissement illégal. Alors qu’elle ne se versait aucun salaire, elle a réussi à se constituer en cinq ans une fortune évaluée à 10 millions d’euros. Cette femme coquette avait accumulé, entre autres, 10.000 saris, 28 kilos d’or et 750 paires de chaussures. C’est certes moins que les paires par milliers d’Imelda Marcos, la femme du dictateur qui a pillé pendant des années les Philippines. Mais assez tout de même pour mettre la puce à l’oreille des juges…

Lise Thibault (Québec). L’ex-lieutenante-gouverneure de la Belle Province, représentante en titre de la reine Elizabeth, a été accusée de fraude, de fabrication de faux documents et d’abus de confiance. Le 8 décembre 2014, lors de son procès, elle a créé la surprise en reconnaissant sa culpabilité pour tous les chefs d’accusation, et proposé de rembourser 320.000 dollars. Elle encourt néanmoins une peine de prison ferme.

- Jana Nagyova (République Tchèque). Elle n’était pas chef d’Etat, mais directrice de cabinet du Premier ministre Petr Necas (et accessoirement sa maîtresse). Cela ne l’a pas empêchée de profiter de la situation pour faire comme si. En 2013, elle a été arrêtée pour corruption politique et abus de pouvoir. Entraîné par le scandale, le Premier ministre, qui n'a pas été poursuivi, a été contraint de démissionner. Tout un symbole ...

La conclusion (provisoire) revient aux chercheurs de l'université Rice du Texas cités plus haut : «La femme n'est pas naturellement moins corrompue que l'homme. Tout dépend du contexte.» Autrement dit, quand l'occasion se présente et que le risque de se faire prendre est minime, elle peut céder à la tentation... tout comme l'ont toujours fait les dirigeants de sexe masculin.


La cartographie de la corruption dans le monde expliquée dans «Le dessous des cartes» sur Arte et sur TV5 MONDE (octobre 2014)

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