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Centrafrique : l’ONU parle de risque de génocide, Hollande d’apaisement

Le président François Hollande a jugé le 17 janvier que la situation en Centrafrique allait vers «l'apaisement». De retour de Centrafrique, John Ging, Directeur du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a évoqué la veille un risque de génocide et invité la communauté internationale à apporter une aide financière massive à la Centrafrique .
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Soldats de la Misca (force africaine) surveillant des partisans d'Emile Gros Raymond Nakombo, le 17 janvier 2014 à Bangui. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Pour le président français, «depuis un mois, il n'y a pas un arrêt de tous les combats, mais une forme d'apaisement, avec l'accès de l'aide humanitaire, et une amélioration encore trop fragile de la situation sécuritaire». Le chef de l’Etat a ajouté : «En Centrafrique, une catastrophe de grande ampleur était redoutée, il y avait déjà des exactions et des violences (...). Il pouvait y avoir un risque génocidaire, j'avais forcément à l'esprit ce qui s'était produit au Rwanda.»
 
Génocide, le mot a aussi été prononcé par le chef du bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU, John Ging. «Il y a là tous les éléments que nous avons constatés ailleurs, comme au Rwanda et en Bosnie. Les éléments sont en place là-bas pour un génocide», a-t-il dit.
 
Sur le terrain, les violences semblent continuer : l'attaque d'un convoi de musulmans par les membres d'une milice chrétienne «anti-balaka» a fait une vingtaine de morts le 16 janvier près de Bouar, ville située 450km à l'ouest de Bangui, rapportent des témoins. La veille, les affrontements politico-religieux, qui se poursuivent en dépit de la présence de 1.600 soldats français et de 4.000 casques verts de l'Union africaine, avaient fait huit morts à Bangui, selon des témoins. Pendant ce temps, en coulisses, se prépare la désignation d'un nouveau président de la République.

Réfugiés dans un camp de personnes déplacées à Bossangoa, au nord de Bangui. De nombreux réfugiés s'entassent ici, musulmans d'un côté, chrétiens de l'autre. (AFP/Fred Dufour)

Reportage de l’AFP «Plus d'Etat, plus d'administration, plus de juge, personne» 
Nous publions ci-dessous un reportage d’une journaliste de l’AFP, Cécile Feuillatre, à Bossangoa, à 250 km au nord de la capitale Bangui :
 
Un clairon de la fanfare  municipale gît dans un lavabo. Il n'y a plus une vitre aux fenêtres, des papiers administratifs jonchent le sol de la cour. La mairie de Bossangoa, à 250km au nord-ouest de Bangui, résume cruellement la situation de la ville.
              
«8 septembre 2011, c'est la journée de l'alphabétisation», proclame une  affiche encore collée sur un mur. Une enveloppe libellée à l'adresse de «Monsieur le directeur général de l'administration» traîne sur un bureau. Autant de reliques d'une époque «normale», avant que tout s'évanouisse dans un tourbillon de violences et de peurs.
              
A Bossangoa, où les violences intercommunautaires à grande échelle ont commencé en septembre, il n'y a plus rien.
             
«Plus d'Etat, plus d'administration, plus de juge, personne», résume  l'évêque de la ville, Mgr Nestor Désiré Nongo Aziagbia.
              
Le préfet, le sous-préfet, le maire sont partis. Il reste bien une dizaine de gendarmes et de policiers, mais ils ont peur, et ne peuvent rien contre les pillards et bandits qui terrorisent la ville. «De toute façon, il n'y a plus de geôles», dit l'évêque.
              
Bossangoa est une ville de déplacés. Les habitants vivent dans deux camps: les chrétiens d'un côté, rassemblés près de l'église, les musulmans de l'autre, près de l'école Liberté. Au total, près de 35.000 personnes, soit la quasi-totalité de la population de Bossangoa.
              
Entre eux, la méfiance, et le cercle vicieux des «rumeurs qui nourrissent la peur et entraînent le conflit», déplore le général Francisco Soriano, chef de l'opération militaire française Sangaris en Centrafrique, en visite (le 16) à Bossangoa.
              
Depuis début décembre, une centaine de soldats français sont basés dans  l'ancienne usine de coton de Bossangoa, et tout le monde s'accorde à dire que leur présence, ainsi que celle d'un contingent congolais de la Misca, la force africaine, ont largement contribué à apaiser la situation. «On est passé du rouge à l'orange», résume un officier français.
              
Les Séléka (les rebelles musulmans qui ont renversé en mars le président François Bozizé et régné en maîtres sur le pays pendant 10 mois) ont été cantonnés. Les anti-balakas (milices chrétiennes) se sont faits plus discrets depuis quelques semaines. Aucune attaque meurtrière n'a été signalée depuis une quinzaine de jours.
              
Mais cela ne suffit pas à éteindre la peur, et les déplacés ne retournent pas chez eux.
              
«Je suis mal à l'aise, je n'ose pas rentrer. Les Séléka, les musulmans, ils savent se faufiler chez nous», explique Justin Andet, un homme de 48 ans dans le camp des déplacés chrétiens. «Dans ma vie, maintenant, je fais rien, rien, rien», soupire ce cultivateur  dont la plantation de manioc a été totalement détruite.
              
Depuis le début de la crise, l'évêque Aziagbia et l'imam Ismail Nafi tentent d'éteindre le feu et de réconcilier les deux communautés. A grand  peine. «On a fait des réunions, entre nous, avec tout le monde. Mais à chaque fois les attaques ont continué», déplore l'imam.
              
Pourtant, Bossangoa «est plutôt bien lotie», comparé à la situation en brousse, constate Salima Mokrani, responsable d'OCHA, le bureau de la  coordination des affaires humanitaires de l'ONU. «Dans la région, les populations ont fui leurs villages et vivent en  brousse depuis quatre mois. Ils ont épuisé jusqu'à la dernière miette de subsistance. c'est un désastre», explique-t-elle.
              
Et alors que la Centrafrique devrait avoir un nouveau président de transition, le général Soriano demande à ses troupes de rester «très vigilantes» pendant ces jours d'incertitude politique.
              
Les ex-militaires restés fidèles à François Bozizé ─ originaire de la région de Bossangoa ─, sont toujours en embuscade, à une soixantaine de km au nord. «Ils ont des armes de guerre. Et on risque d'avoir des problèmes avec eux», confie une source militaire.

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