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Un train déraille au Cameroun: la filiale de Bolloré rendue «responsable»

Le 20 octobre 2016, le train reliant Yaoundé et Douala, les deux principales villes du Cameroun, déraille, faisant au moins 79 morts. Une commission d'enquête a établi la «responsabilité» de l'entreprise ferroviaire Camrail, dont l'actionnaire principal est Vincent Bolloré. Cette affaire dévoile un pays où les accidents de ce type sont fréquents.
Article rédigé par Louise Bugier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une passagère s'échappe du train qui a déraillé à Eseka (Cameroun) le 21 octobre 2016. (STRINGER / AFP)

En 1999, les chemins de fer camerounais, dans un état effrayant, sont privatisés. C'est l’entreprise de Vincent Bolloré qui rachète la Cameroon Railways (Camrail), la compagnie ferroviaire. Depuis, le groupe a continué à s’implanter en Afrique, investissant dans les ports (comme celui d’Abidjan en 2008), l’agro-industrie (les palmiers à huile au Cameroun, par exemple), entre autres.

Vincent Bolloré, président du groupe du même nom, à Paris en avril 2017 (ERIC PIERMONT / AFP)

Un déraillement meurtrier
Le 21 octobre 2016, la voie qui relie Yaoundé et Douala, les deux villes principales du pays, est coupée à cause des fortes pluies des jours précédents. Les centaines de personnes qui devaient emprunter la route ce jour-là se ruent à la gare de Yaoundé pour prendre le train N°152 direction Douala. Une foule inédite: 1.300 passagers pour seulement neuf voitures. La société Camrail décide alors d’ajouter huit wagons.

Mais deux heures et 120 km plus tard, à l’approche de la ville d’Eseka, le train déraille. Nombre de wagons du convoi se décrochent et font des tonneaux jusqu’en contrebas de la voie. «Presque tous ceux avec qui je bavardais quelques instants avant sont morts», rapporte une jeune femme survivante au Monde. Beaucoup de passagers du train affirment avoir aperçu «au moins cent morts», mais les autorités ne déclarent que 79 victimes.

Des passagers s'extirpent du train accidenté, le 21 octobre 2016 à Esake (Cameroun) (STRINGER / AFP)

L'identification du coupable compliquée
Après le drame, plusieurs enquêtes sont ouvertes, notamment auprès du conducteur du train et au sein du groupe Bolloré. Camrail a en effet pris la responsabilité de doubler les voitures du train, malgré l’état délabré des voies de chemin de fer.

La filiale de Bolloré est également suspectée de négliger l’entretien des structures, par intérêt économique. Le grand patron est même accusé de museler la justice en arrosant le gouvernement et les autorités.

D'une manière générale, l’identification du coupable est compliquée par la corruption. Il n'est pas rare que les autorités locales initient une vague enquête accablant la partie la plus faible (le conducteur, le transporteur…), mais pas l’entreprise qui se trouve derrière.

L'enquête pointe les manquements de Camrail
Après 28 plaintes déposées par des victimes du drame, accusant Camrail et le groupe Bolloré de négligence et d'homicide involontaire, les autorités se sont finalement décidées à enquêter auprès du grand investisseur.

L’enquête a établi la «responsabilité» de Camrail dans le déraillement du train Intercity N°152, car l’entreprise n’aurait pas respecté «certaines règles de sécurité». Un premier procès s’est ainsi ouvert le 17 mai 2017 contre Camrail et le groupe Bolloré. La commission d'enquête a finalement établi la responsabilité de Camrail, pour de nombreux motifs dont la surcharge du convoi et l'absence de vérification des organes de freinage des wagons, selon L'Obs.


Les familles des victimes demandent justice
«La douleur ne disparaîtra pas tant que je ne l’aurai pas vue», a expliqué Me Thomas Dissake au Monde lors du procès. Cet avocat camerounais recherche désespérément le corps de son épouse depuis le drame. Et il n’est pas le seul dans ce cas-là.

Plus de six mois après la catastrophe, des dizaines de familles de victimes demandent justice: beaucoup d’entre elles, comme Me Dissake, ne savent même pas si leurs proches sont encore vivants. De nombreux cadavres sont encore entreposés à la morgue. Les familles exigent l'identification et la remise des corps. Et Camrail reste incapable de fournir des certificats de décès.

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