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Cameroun : des ONG assignent Bolloré en justice pour de meilleures conditions de travail dans les plantations d'huile de palme

Dix ONG et syndicats poursuivent l'entreprise française au tribunal pour non-respect d'un plan destiné à améliorer les conditions de vie des travailleurs et riverains des plantations camerounaises.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Cameroun est aujourd'hui le 4e producteur africain d'huile de palme derrière le Nigeria, le Ghana et la Côte d'Ivoire. Il est talonné par la République démocratique du Congo. (REUTERS  STAFF / REUTERS)

L'huile de palme, riche en acides gras saturés, n'est pas seulement suspectée d'augmenter les risques de maladies cardiovasculaires chez ceux qui la consomment : elle fait aussi des ravages sur la santé de ceux qui la produisent. Le groupe Bolloré est présent dans l'exploitation de cette huile au Cameroun depuis l'an 2000, via une société luxembourgeoise dont il est actionnaire. Il est aujourd'hui poursuivi par dix ONG et syndicats, camerounais et européens, dont l'association française Sherpa, pour non application d'un "plan d'action", conclu en 2013. Cet accord, résultat d'une médiation entre Sherpa et Bolloré, était destiné à améliorer les conditions de vie des travailleurs et riverains des plantations d'huile de palme où le groupe intervient. Mais il est resté lettre morte.

En bout de chaîne, le consommateur aussi est responsable

Le plan, consulté par l'AFP, prônait le "règlement amiable des conflits" avec les riverains après des "violences" de la part de personnes en charge de la sécurité des plantations, ainsi que l'apaisement des conflits fonciers avec notamment un "système d'indemnisation individuel, juste et équitable". Il s'agissait également de "prévenir tous les types de nuisances existants (gestion des déchets, bruit, qualité de l'air et de l'eau" et "d'accompagner les autorités sanitaires locales dans leurs actions de dépistage des maladies liées aux atteintes environnementales".

Dans cette affaire, c'est aussi le consommateur qui fait la loi. Partout dans le monde, il achète toujours plus de chips, de biscuits, de pâte à tartiner et même de lait pour bébés constitués d'huile extraite à chaud des fruits du palmier à huile. Depuis peu, on la trouve aussi dans les biocarburants, censés ne pas polluer.

L'huile de palme (ou graisse de palme) figure souvent sur la liste des ingrédients de nombreux aliments comme les chips. (CHRISTOPHE LEHENAFF / PHOTONONSTOP)

Selon le magazine Géo, "chaque année, la production d’huile de palme atteint les 15 millions de tonnes", avec des conséquences catastrophiques sur les écosystèmes et la sauvegarde des espèces.

"L'impact ravageur de l'exploitation de l'huile de palme sur la santé, la pollution, la déforestation, ou les droits des travailleurs, est régulièrement dénoncé, mais aucune action ne semble avoir réussi à ce jour à faire bouger les pratiques des géants de l'agroalimentaire", souligne avec force la directrice de Sherpa, Sandra Cossart. "Nos organisations se tournent donc vers le pouvoir judiciaire."

Le groupe Bolloré ne se sent pas responsable

"Que 10 associations se regroupent pour procéder ainsi, en une salve médiatique concertée, pour asséner des contrevérités est anormal et contre-productif", a réagi auprès de l'AFP l'avocat du groupe Bolloré, Me Olivier Baratelli, tout en précisant ne pas avoir connaissance du détail de l'assignation. "Sherpa procède depuis 10 ans par amalgame", a-t-il ajouté. "Bolloré ne possède que 9,35% du capital de cette plantation camerounaise, alors que l'Etat camerounais est actionnaire lui à 27%", a-t-il déclaré, ajoutant que Bolloré "a constamment exercé son influence vis-à-vis de Socfin (la holding luxembourgeoise détenue à 38,75% par Bolloré, NDLR), mais n'exerce aucun contrôle opérationnel sur ses plantations."

C'est dans l'une de ces plantations qu'en 2016, le journaliste de Complément d'enquête Tristan Waleckx réalise un reportage choc, couronné du prix Albert-Londres l'année suivante. Il y a filmé des témoignages de sous-traitants pour certains présentés comme mineurs, payés à la tâche, travaillant sans vêtements de protection et logeant dans des conditions insalubres.

Dans une tribune en 2018, Vincent Bolloré avait parlé à propos de ce dossier d'une "chasse aux sorcières". Le groupe, qui a attaqué le documentaire en diffamation, a été débouté à deux reprises. Il a annoncé vouloir se pourvoir en cassation.

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