Cameroun : des activistes anglophones prônent la partition du pays
Ils se sont regroupés au sein d’un «consortium des associations de journalisme du sud-ouest» pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme «l’anéantissement» de leur langue au profit du français. Leurs consignes sont claires, l’anglais doit désormais être considéré au même titre que le français. Ces deux langues officielles sont inscrites dans la Constitution du Cameroun.
«Tout reporter ou journaliste qui se retrouvera avec des documents français sans version anglaise dans un rassemblement officiel risque de sortir de la réunion et l’évènement sera occulté», menace cette association de journalistes.
Sur le site cameroun.be, un Camerounais décrit ainsi le malaise ressenti par les anglophones jusqu’au cœur de la capitale à Yaoundé.
«Au Cameroun, il faudra faire un tour dans les ministères, on ne parle que français. Si vous avez besoin d’un service, assurez-vous que vous pouvez le demander en français. Si par hasard vous rencontrez un officiel anglophone, il s’efforcera de converser avec vous en français. Comment peut-on promouvoir le bilinguisme, si les personnalités qui sont à la tête de nos institutions qui représentent le pays ne le sont pas», s’interroge-t-il.
Bamenda, l’épicentre de la colère
Tout a commencé à la mi-novembre dans la ville frondeuse de Bamenda (nord-ouest), devenue l’épicentre de la colère de la minorité anglophone. Celle-ci représente 20% de la population camerounaise estimée à 22 millions d’habitants.
Enseignants, magistrats et avocats se sont mis en grève pour protester contre ce qu’ils appellent «la marginalisation des anglophones» dans le partage du pouvoir et des richesses du pays.
Ils se considèrent comme des citoyens de seconde zone y compris dans l’enseignement où les professeurs francophones sont recrutés en plus grand nombre que les anglophones dans leurs universités. Alors que des professeurs anglophones seraient envoyés dans des régions francophones. Ils ont crié leur colère par milliers dans les rues de Bamenda au cours d’un défilé qui a donné lieu à des affrontements violents avec les forces de l’ordre. Il y aurait eu entre deux et quatre morts.
Des revendications linguistiques et politiques
Très vite, le mouvement a pris une tournure politique. Les manifestants ont brûlé le drapeau du Cameroun avant d’y hisser celui du Southern Cameroon national council (SCNC), un mouvement séparatiste clandestin. D’autres, plus nombreux, penchent plutôt pour le fédéralisme. Des revendications balayées par le gouvernement camerounais.
«Nous disons haut et fort que la revendication portant sur le retour au fédéralisme est irrecevable. C’est l’unité qui fait la force de notre pays», a martelé le Premier ministre camerounais, Philémon Yang, lui-même anglophone.
«Je dénonce et condamne avec la dernière énergie toute velléité de partition du Cameroun», a renchéri le président de l’Assemblée nationale, le francophone Cayaye Yeguié Djibril.
L’opposition reproche au gouvernement d’attiser le feu
La contestation a rapidement gagné le sud-ouest, l’autre région anglophone. L’opposition reproche au gouvernement d’attiser le feu en réprimant systématiquement les manifestations.
«Je suis content que ces enfants leur aient montré qu’il existe un problème anglophone» a lancé l’opposant John Fru Ndi. Le président du SDF dont les propos sont rapportés par le journal camerounais «La Nouvelle Expression» réaffirme son soutien aux revendications des enseignants et avocats anglophones. Si ces problèmes persistent jusqu’à l’année prochaine, «ça pourrait être dangereux pour notre pays», a averti l’opposant historique au président Paul Biya.
Un faux problème, assure le gouvernement camerounais
Le problème de bilinguisme au Cameroun remonte aux années 60, lorsque le pays accède à l’indépendance. Ancienne colonie allemande, le Cameroun a été divisé par la société des Nations après la deuxième guerre mondiale. Une partie fut placée sous tutelle française et une autre, proche du Nigéria, sous mandat britannique.
En 1961, les deux parties instaurent le fédéralisme en conservant chacune son système juridique et éducatif hérité respectivement de la France et de la Grande-Bretagne. Ce n’est qu’en 1972 que le premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo proclame la République unie après avoir organisé un référendum.
Face à la contestation, le Premier ministre camerounais a créé un comité interministériel chargé d’examiner et de proposer des solutions aux problèmes soulevés par les syndicats des enseignants.
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