Afrique : des applis pour pallier la défaillance de l'éducation sexuelle sur le continent
La technologie a assurément tenu la vedette du 2e Forum de l'OMS sur la santé en Afrique subsaharienne, qui a eu lieu au Cap-Vert jusqu'au 29 mars 2019. Plusieurs applications mobiles sur la contraception et la grossesse ont été sélectionnées.
Parmi l'ensemble des dossiers présentés au Forum de Praia, une proportion significative avait trait à la reproduction et aux maladies sexuellement transmissibles, dans des pays où l'éducation sexuelle est encore souvent taboue, en raison du poids de la tradition et de l'absence d'échanges avec les parents. Des pays où, de surcroît, l'avortement, généralement illégal, risque de mener les femmes à la prison ou à la tombe.
Nigeria
Lorsqu'il était étudiant en médecine, le Dr Akhimien a été bouleversé par le décès d'une camarade de lycée particulièrement brillante, victime d'un avortement clandestin. Grâce à des technologies informant les jeunes sur la sexualité, en toute discrétion, de telles tragédies pourraient, selon lui, être évitées de nos jours.
"L'absence de communication autour de la contraception génère toujours plus de contaminations par le sida et de grossesses non désirées", diagnostique Charles Immanuel Akhimien devant le Forum de l'Organisation mondiale de la Santé. Le Nigeria compte 3,1 millions de porteurs du VIH et 34 000 décès par an dus à des avortements clandestins, selon des statistiques officielles.
Son application, myPaddi, met en relation anonymement les jeunes avec des médecins, pour recevoir des conseils sur la sexualité et la contraception. En cas d'agression sexuelle ou de viol, l'appli propose aussi du soutien et du conseil.
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"Nous vous croyons", clame l'appli myPaddi à l'intention des victimes de violences sexuelles. Et propose de les aider par tous les moyens, y compris médicaux.
Risquer de "se faire sermonner ou bombarder de questions"
Autre initiative bienvenue, celle de Morenike Fajemisin. D'une énergie contagieuse, la compatriote du Dr Akhimien est animée de la même détermination à accorder aux femmes le droit de disposer de leur corps.
Parce qu'elle ne supportait plus d'être confrontée aux conséquences des carences de l'éducation sexuelle au Nigeria, cette pharmacienne de 30 ans a créé Whispa (pour whisper, chuchotement en anglais), une application mobile permettant aux jeunes femmes d'accéder au moyen de contraception de leur choix, dans le strict respect de leur intimité.
"Si une jeune fille va demander la pilule à son médecin ou à un pharmacien, elle risque de se faire sermonner et bombarder de questions. Est-ce qu'elle n'est pas trop jeune ? Est-ce qu'elle est vierge ? Combien a-t-elle eu de partenaires ?", explique à l'AFP Morenike Fajemisin. "Avec une application mobile, il n'y a plus d'ingérence humaine."
Zimbabwe et Afrique du Sud
Même en cas de grossesse désirée, et alors que l'enfantement et la maternité sont valorisés dans les sociétés africaines, rares sont les applications adaptées à la culture et aux traditions locales. Des lacunes que vise à combler l'application zimbabwéenne Afrimom, en anglais et en langues locales, ou encore My Pregnancy Journey (Mon parcours de grossesse), financée de sa poche par l'entrepreneuse sud-africaine Jacqueline Rogers.
"Avoir une influence positive sur la maternité en Afrique"
Cette application, qui verra le jour au mois d'avril 2019, propose aux femmes enceintes une multitude de conseils et les informe, mois par mois, sur les problèmes qu'elles pourraient être amenées à rencontrer au cours de leur grossesse. "Je veux que les femmes africaines aient accès à toute la connaissance possible sur leur grossesse et avoir une influence positive sur la maternité en Afrique", confie à l'AFP Jacqueline Rogers. "En Afrique, le besoin d'informations fiables sur la grossesse est énorme", souligne-t-elle. Parmi les dix pays au monde où le taux de mortalité infantile est le plus élevé, neuf sont africains.
Cameroun
C'est dans ce pays qu'est née la première application mobile d'informations sexuelles à destination de la jeunesse. En 2016, la journaliste Mallah Tabot, 28 ans, engagée dans le combat contre le sida, lance Ndolo 360, en français L'amour à 360°. Selon elle, un outil indispensable dans la prévention du VIH, mais aussi dans la lutte contre les mariages forcés, dans la promotion de l'éducation des jeunes filles. Au quotidien camerounais Le Devoir, Mallah Tabot raconte alors son histoire personnelle, à l'origine de sa motivation : "Je suis née au Cameroun et j'ai compris très tôt les limites autour de la sexualité dans notre pays. A mon âge, ma mère était enceinte de son sixième enfant. Elle était encore une fille, et si confuse qu'elle ne comprenait pas comment tout était arrivé si vite."
Après le décès prématuré de sa mère, la jeune femme se décide à prendre la question à bras-le-corps, sentant que personne ne le ferait à sa place. "L'éducation sexuelle n'existe tout simplement pas ici. Ces questions sont abordées dans des cours appelés 'de moralité' où le mot 'sexe' n'est jamais prononcé", déclare-t-elle encore à la reporter du journal Le Devoir.
Avant de lancer son application mobile, Mallah Tabot avait fondé United Vision, une association créée pour développer et défendre les droits des femmes. Une action qui lui a valu de recevoir en 2015 un prix remis par la reine Elisabeth II qui récompense les efforts en faveur du développement local et du bien-être des populations.
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