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Burkina Faso: les Burkinabè aux commandes de leur destin politique

Un président par intérim de la transition réinstallé, un général putschiste qui assure que le coup de force est terminé... et les Burkinabé semblent se réapproprier leur révolution perturbée par le coup d'Etat du 16 septembre 2015. La société civile, qui reste mobilisée, a démontré qu'elle était déterminée à s'engager dans une nouvelle ère politique, débarrassée des fantômes du régime Compaoré.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des manifestants brandissent des pancartes le 23 septembre 2015 à Ouagadougou. 
 (AFP/SIA KAMBOU)

Avec la révolution d’octobre 2014, les Burkinabè ont illustré leur volonté de prendre en main leur avenir politique. Le coup d’Etat du 16 septembre 2015, mené par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), est venu contrarier les plans de citoyens avides de bonne gouvernance, après 27 ans d'un régime autoritaire imposé par Blaise Compaoré, aujourd'hui en exil.

Allergiques aux interférences
Cependant, les citoyens burkinabè comptent bien décider des questions relatives au sort des putschistes et du profil des candidats qui participeront à la future présidentielle, initialement prévue en octobre 2015, qui doit mettre un terme à la période de transition. «Pas d’aministie et pas d’implication (dans le processus électoral) des anciens caciques du régime», rappelait encore dans les colonnes de Géopolis Smockey, le porte-parole du Balai citoyen, organisation de la société civile aux avant-postes du soulèvement populaire de 2014.

Alors que les chefs d’Etats des pays membres ont assisté le 23 septembre 2015 à la réinstallation du président par intérim Michel Kafando, réintégré dans ses fonctions, et qu’un accord a été trouvé entre la junte et l’armée régulière, les autorités de la transition ont confirmé ce que la rue n’avait cessé de clamer ces derniers jours. «En ce qui concerne les dernières propositions de la Cédéao pour une sortie de crise, il est évident que nous ne nous engagerons que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabè, clairement exprimée dans la charte de la transition», a déclaré Michel Kafando.

23 septembre 2015. Michel Kafando, le président par intérim du Burkina Faso, s'adresse à la presse alors qu'il vient d'être réinstallé dans ses fonctions après le coup d'Etat du 16 septembre 2015.  (AFP PHOTO / SIA KAMBOU)

Une société civile inflexible sur ses acquis démocratiques
La médiation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a ainsi revu sa copie depuis la visite du président sénégalais Macky Sall, président en exercice de l'organisation sous-régionale, au lendemain du putsch militaire. La première version du plan de sortie de crise de la Cédéao évoquait ainsi l’amnistie pour les auteurs du coup de force et la participation des pro-Compaoré, écartés par le nouveau code électoral, à la présidentielle désormais réportée. 

Les médiateurs africains se contentent désormais d’encourager le dialogue entre les parties burkinabè. La sensible question de l’amnistie n'a plus été évoquée depuis la fin du sommet extraordinaire de l'organisation sous-régionale sur la crise au Burkina Faso à Lagos, au Nigeria. Elle est laissée à l'appréciation des responsables de la transition politique. 

«Les populations burkinabè, du moins celles qui manifestent, du moment où elles ont le soutien clair de l’armée régulière, vont s’arc-bouter sur leur position: aller aux élections sans les pro-Compaoré. Ces derniers se sont d’ailleurs disqualifiés en soutenant le coup d’Etat. Cela ne passera pas. Les gens préfèreront passer par la force que d’accepter la solution de l’inclusion. Pour les Burkinabè, ce n’est plus à l’ordre du jour», explique le journaliste Alpha Barry, président du média burkinabè, Radio Omega.

Le général Pingrenoma Zagre, chef d'état-major des armées (G) et le général putschiste Gilbert Diendéré (D) s'apprêtent à accueillir le 23 septembre 2015, à l'aéroport de Ouagadougou, six chefs d'Etat de la Cédéao, médiatrice de la crise au Burkina Faso.  (AFP PHOTO / SIA KAMBOU)

Diendéré prêt à répondre devant la justice
La société civile exige aujourd'hui l'arrestation du général Gilbert Diendéré et la dissolution du RSP qu'il dirige. Sur ce point, elle semble en passe d'obtenir gain de cause si l'on s'en tient aux dernières déclarations de l'officier rapportées par Burkina 24. «Le RSP s’est cantonné, s’est retiré de toutes les positions. A l’instant, le désarmement n’a pas encore été réglé. C’est chose qui sera faite dans les prochains jours et les modalités de ce désarmement seront définies par les différents chefs militaires.» 

Le général Diendéré s'est dit également prêt à répondre de ses actes : «Je n’ai pas peur (de la justice). J’assumerai pleinement ma responsabilité. (…) Cela veut dire que je ne vais pas nier qu’il y a eu des morts lors de ces évènements et je répondrai éventuellement aux questions lorsqu’on me les posera.» Selon Burkina 24,  le général Pingrenoma Zagre, chef d'Etat major général des armées, «une commission technique (sera) mise en place pour procéder à la réintégration de l'armement du RSP (et) le sort du Général Diendere est laissé au pouvoir politique et judiciaire». 

Pour Gilles Yabi,  à l'origine de Wathi, un think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest, «le Burkina Faso se trouve à un tournant, il est en train d’écrire son histoire politique». Même si certaines décisions prises par les autorités de la transtition peuvent être discutables. «Elles auraient pu choisir de ne pas exclure par le biais du code électoral les personnes qui ont soutenu le projet de révision constitutionnelle (de l'ancien président Compaoré). Mais dès lors que ce choix a été fait par la transition, il doit être respecté parce que ce n’est pas une transition qui a été négociée par la communauté internationale, mais le résultat de manifestations populaires.»

Au Pays des hommes intègres, la démocratie se fait une place entre soulèvement populaire, putsch et opération ville «mana mana» (opération ville propre dans la capitale Ouagadougou). 

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