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Mort d'Abdelaziz Bouteflika : "Il a représenté un symbole dans l'histoire de l'Algérie contemporaine", considère Benjamin Stora

Abdelaziz Bouteflika est mort vendredi à l'âge de 84 ans. Benjamin Stora, historien, professeur émérite des universités, évoque le rôle majeur de l'ancien président algérien dans l'histoire de l'Algérie contemporaine.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Benjamin Stora, le 19 Janiver 2021. (JOEL SAGET / AFP)

"Abdelaziz Bouteflika a représenté un symbole dans l'histoire de l'Algérie contemporaine", déclare samedi 18 septembre sur franceinfo Benjamin Stora, historien, professeur émérite des universités, après la mort d'Abdelaziz Bouteflikaà l'âge de 84 ans. L'ex-président Algérien a dirigé le pays pendant vingt ans avant d'être chassé du pouvoir en 2019 après des manifestations. 

franceinfo : Abdelaziz Bouteflika a-t-il été la marionnette des militaires ou a-t-il vraiment apporté quelque chose à l'Algérie ?

Benjamin Stora : Abdelaziz Bouteflika n'a pas été qu'une simple marionnette, il a représenté un symbole dans l'histoire de l'Algérie contemporaine. Il n'a pas exercé le pouvoir pendant 20 ans, mais pendant 35 ans car il a été un important ministre des Affaires étrangères après la indépendance de 1962 et le coup d'État de 1965.

"Il a été celui qui a installé Alger comme la Mecque des révolutionnaires et il a été celui qui a, aux yeux des Algériens, permis de sortir de la guerre civile terrible qui a secoué ce pays."

Benjamin Stora

à franceinfo

Par conséquent, c'est un homme qui disposait d'un capital symbolique considérable. Il a cherché ensuite, en arrivant au pouvoir, à réduire les prérogatives de l'armée qui tient le pouvoir en Algérie depuis très longtemps et c'est cette conflictualité qui a abouti à sa marginalisation politique avant même qu'il ne tombe malade.

Peut-on dire que l'armée a toujours conservé la main sur le pays ?

L'armée a toujours conservé un pouvoir très important, cela date de la guerre d'indépendance et après. Mais néanmoins il y a des jeux politiques au sommet de l'État avec la montée en puissance des oligarques qui ont essayé de jouer un rôle très important y compris au détriment de l'armée.

Quelle sera l'algérie après Abdelaziz Bouteflika ?

L'Algérie d'aujourd'hui est confrontée à des défis considérables. Des défis d'ordre économique, il y a eu cette baisse du prix du pétrole et du gaz qui est très importante, il y a aussi un défi sur le plan international notamment dans les relations avec le Maroc et ce qui se passe au Sahel avec le terrorisme. Il y a aussi des défis avec l'Occident, l'Europe, la France qui reste un partenaire très important. Par conséquent, les nouveaux dirigeants du pays vont devoir relever l'ensemble de ces défis économique, démographique, politique et sécuritaire.

Le mouvement d'opposition Hirak aura-t-il servi à quelque chose ?

C'est un mouvement qui a été durement réprimé notamment ces derniers mois. Il y a eu des journalistes qui ont été arrêtés, emprisonnés, le pouvoir a joué sur la question du Covid qui a frappé durement l'Algérie pour que les manifestations soient interdites progressivement. Donc, il y a aussi un défi démocratique.

"Est-ce que l'Algérie va essayer d'avancer davantage vers plus de démocratie politique ou au contraire s'enfoncer dans l'autoritarisme ? Je pense que les choses ne sont pas définitivement réglées."

Benjamin Stora

à franceinfo

Le mouvement du Hirak, qui a été très puissant, peut renaître ce n'est pas quelque chose qui peut s'évanouir comme par enchantement. L'Algérie est un pays très jeune. La majorité de la jeunesse reste impatiente et songe au départ.

Quelle est la position de la France par rapport à l'Algérie ?

C'est difficile de conserver des liens avec l'Algérie, qui reste un partenaire sur la question économique, sécuritaire. La question du Sahel, ce qui se passe en Libye, au Mali, en Mauritanie. Ce sont des questions très importantes, on sait que l'armée française est engagée sur ces questions-là. Donc, il y a un enjeu sécuritaire prioritaire pour la France, mais on bute sur le dossier mémoriel. On a cette question du rapport à la mémoire de la guerre d'Algérie et de la colonisation qui n'est pas le même pour les Algériens et les Français. Certains Algériens interprètent la colonisation comme un phénomène négatif alors qu'en France il y a encore des personnes qui considèrent que la colonisation a pu être une œuvre positive.

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