Malgré un premier échec, l'Algérie entend relancer son industrie automobile
Sans stratégie industrielle, le rêve d'une industrie automobile algérienne a tourné court. Une relance est annoncée sans plus de précisions. Retour sur un fiasco.
En Algérie, on ne trouve quasiment plus de véhicules à acheter, qu'ils soient neufs ou d'occasion, indique le site internet le 360. A tel point que certains vieux véhicules "fatigués" se vendraient au prix du neuf. Si le constat est peut-être un peu excessif, il n'en demeure pas moins que le secteur automobile en Algérie est totalement sinistré. C'est le résultat d'une politique catastrophique où se mêle protectionnisme, absence de stratégie industrielle, et corruption.
Au départ, il y a un constat. En 2014, année faste, l'Algérie devient le premier importateur de véhicules neufs du continent africain, avec 418 000 unités. Un an plus tard, la facture s'élève à un peu plus de trois milliards de dollars. Insupportable aux yeux des autorités, obsédées par la balance des paiements du pays, au moment où la rente pétrolière montre ses limites.
Freiner les importations
En 2016, Alger décide donc d'imposer des quotas. Quarante concessionnaires doivent se partager un strict volume de 83 000 véhicules importés. Dans le même temps, le pays, à l'image de son voisin marocain, veut lancer une filière de construction locale. On cherche des partenaires étrangers et les oligarques se ruent sur la bonne affaire.
Des constructeurs à l'assise mondiale arrivent : Renault, Volkswagen, Kia répondent à l'appel. Mais tout cela se fait sans aucune stratégie en amont. On installe des usines automobiles, mais il n'y a aucun sous-traitant – équipementiers notamment – présent en Algérie. Les usines deviennent alors des sites d'assemblage de kits automobiles venus de l'étranger.
Voitures en kit
Comme un particulier monte un meuble en pièces détachées, ici on assemble une voiture. Une façon pour ces constructeurs mondialisés de pénétrer le marché algérien. Dans certains cas, pour justifier le "made in Algérie", il n'y a juste qu'à monter les roues sur le véhicule, affirme la presse locale.
Le bilan en termes de valeur ajoutée est consternant. L'importation des kits atteint trois milliards de dollars pour 100 000 unités en 2018. Pire, en raison des avantages fiscaux accordés aux constructeurs locaux, l'affaire devient un gouffre financier.
En 2019, le gouvernement décide alors de réduire l'importation de ces kits automobiles, ce qui a pour conséquences d'assécher les lignes d'assemblage. Faute de produits, les usines tournent au ralenti. Le coup de grâce sera porté avec l'arrivée d'Aldelmadjib Tebboune au pouvoir. Non seulement les importations de kits sont totalement interdites, mais les constructeurs doivent intégrer 30% de pièces fabriquées en Algérie.
Or, la situation est restée la même. Les équipementiers sont toujours absents du pays. Cette obligation va signer la fin de l'embryon de construction automobile. Le coréen Kia (1 200 salariés) et l'Allemand Volkswagen (700 salariés) lâchent l'affaire et mettent la clé sous la porte. Renault reste, mais son usine est à l'arrêt.
L'après-Bouteflika
L'immense purge politico-industrielle lancée lors du départ d'Abdelaziz Bouteflika n'a rien arrangé. Deux anciens Premiers ministres (Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal), deux ex-ministres de l'Industrie et des hommes d’affaires comme Mahieddine Tahkout (Huyndai) ou Mourad Oulmi (Volkswagen) ont rejoint la prison. Les procès ont révélé des détournements manifestes d'aides publiques et d'avantages fiscaux, alors que le cahier des charges était rarement respecté. Mais si la justice est passée, la filière automobile a été décapitée.
Aujourd'hui, alors que les usines sont à l'arrêt depuis plus d'un an, le gouvernement algérien voudrait relancer la machine. Mais les industriels locaux, par la voix de Sami Agli, le président du patronat, calment les ardeurs. Il faut d'abord créer une industrie de la sous-traitance via le secteur de la pièce de rechange, préconise le patronat. Lorsqu'elle sera mature, elle pourra alors fournir en aval les constructeurs.
En fait, il convient de réaliser ce que le voisin marocain a fait. Bâtir une base solide avant de devenir un acteur majeur de l'industrie automobile en Afrique.
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