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Gaz de schiste en Algérie: fracture entre la population du Sud et les autorités

Le mouvement de contestation contre l’exploitation du gaz de schiste en Algérie ne s’est toujours pas essoufflé. Au-delà de l’usage de la force, les autorités peinent à convaincre les manifestants de la place Soumoud (Résistance) d'In Salah. Le leader altermondialiste José Bové vient de lancer un appel à la solidarité internationale avec les contestataires.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Manifestation contre l'exploitation du gaz de schiste à In Salah. (Djamel Addoun/AFP)

Tentes brûlées, arrestations, dizaines de blessés, manifestations violentes, marches pacifiques... In Salah (1267 km au sud d’Alger) est au centre de l’actualité depuis plusieurs semaines. Pour les autorités, c’est un choix économique irréversible. Pour la population, traumatisée par les essais nucléaires, une catastrophe écologique annoncée.

Le mouvement, entamé début 2015, ne donne aucun signe d’essoufflement. Il semble au contraire se radicaliser. Le dernier week-end de février, les affrontements ont fait une quarantaine de blessés. «Les manifestants ont regagné la place Soumoud, au centre d’In Salah, qu’ils occupaient depuis soixante jours et ce, après les affrontements qui les ont opposés hier (le 2 mars 2015, NDLR) aux policiers. Le siège de la daïra d’In Salah, ainsi que la résidence du chef de la Daïra, ont été incendiés lors de ces affrontements», rapporte Maghreb Emergent.
 

 
Partie d’In Salah, la contestation se propage aux autres wilayas (préfectures) du Sud. «Face à ce mouvement, qui n’a rien perdu de sa vitalité et qui a montré une détermination sans faille, les pouvoirs publics peinent à trouver la juste voie, au point de recourir in fine à la gestion sécuritaire de la crise. Ce qui risque de radicaliser encore un peu plus un mouvement qui n’exclut pas de recourir à des opérations coup-de-poing sur des chantiers de la société américaine et même sur ceux d’autres compagnies étrangères. L’image du pays en serait alors absolument désastreuse», s’alarme Nourredine Khelassi, éditorialiste à La Tribune.

 
Le gaz de schiste, «ce don de Dieu»
En manque de pédagogie, les autorités peinent à convaincre les anti-gaz de schiste. L’inquiétude est remontée jusqu’au président de la République qui, par un communiqué, fait appel à la religion. «Le pétrole, le gaz conventionnel et de schiste, les énergies renouvelables sont des dons de Dieu. Il nous incombe de les faire fructifier et d'en tirer profit, pour nous et pour les générations futures», a affirmé Abdelaziz Bouteflika. Les autorités n’entendent pas remettre en cause leur politique énergétique, notamment l’exploitation des ressources en gaz de schiste. Selon l’Agence Ecofin, l’Algérie est classée dans le peloton de tête des pays disposant d’importantes ressources de schistes avec 600 trillions de m3, à côté des Etats-Unis et de l’Argentine. 
 
José Bové solidaire avec les manifestants
Les contestataires ont trouvé écho auprès d'une partie de l’opposition mais aussi du leader altermondialiste et écologiste José Bové. «La question posée par les manifestants à In Salah aujourd’hui est celle qui a été posée chez nous et dans d’autres pays européens : est-ce que la fracturation hydraulique ne constitue pas une menace pour les eaux souterraines et les eaux de surface ? La réponse est claire : la fracturation hydraulique est une véritable menace et c’est pour cela que la France s’est dotée d’une loi qui interdit l’utilisation de cette technique. A In Salah, on est dans une zone d’oasis avec des quantités d’eau limitées», dit-il au journal en ligne TSA.
 
Vers un moratoire ?
La déclaration du Premier ministre Abdelmalek Sellal («la situation est normale à In Salah») suscite la fureur sur les réseaux sociaux qui se moquent de l’attitude du «circulez, il n’y a rien à voir». Des voix s’élèvent pour réclamer un moratoire. «Cette décision du moratoire aurait déjà dû être annoncée clairement. Les communications inaudibles du président de la République et celle, burlesque, du Premier ministre ont diffusé de la tension, là où un signe d’apaisement était tous les jours attendu. Il n’est pas trop tard», affirme El Watan.

La radicalisation du mouvement serait catastrophique. «Des manifestations contre des bases d’opérateurs étrangers dans les champs d’hydrocarbures renforceraient l’idée que le terrorisme n’est pas l’unique source de l’insécurité dans le pays (…). Il n’est donc que temps de penser à autre chose qu’un passage en force. Par exemple, songer à un moratoire. Donner du temps au temps », s’inquiète l'éditorialiste Nourredine Khelassi.

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