Cet article date de plus de quatre ans.

Algérie : troisième procès pour Rafik Khalifa, l'ancien homme d'affaires à l'ascension et à la chute fulgurantes

Au début des années 2000, Rafik Khalifa était devenu un personnage incontournable du monde des affaires avant de tomber pour escroquerie.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Rakif Khalifa photographié en 2001. Une des rares photographies de l'homme d'affaires fournie par sa société. Il venait alors de racheter des parts d'une entreprise allemande de construction. (KHALIFA / DPA/KHALIFA)

Khalifa Airways, Khalifa Bank, Khalifa TV... En ce début de XXIe siècle, on ne parle que de lui, Rafik Khalifa, et de son incroyable succès. Mais cette réussite fondra comme neige au soleil. Ce n'était qu'un feu de paille alimenté par de multiples escroqueries. La faillite en 2003 de la banque qu'il avait créée, a eu un énorme retentissement tant en Algérie qu'à l'étranger, du fait des ramifications du groupe. Dimanche 8 novembre 2020, pour la troisième fois, Rafik Khalifa passe devant la justice algérienne. La Cour suprême a en effet accepté le pourvoi en cassation du dernier verdict prononcé par la Cour d'appel en 2015. Lors de ce procès, Rafik Khalifa avait écopé de 18 ans de prison ferme et de la confiscation de l'ensemble de ses biens.

Ce dimanche 8 novembre comparaissent avec lui onze autres accusés pour "association de malfaiteurs, falsification de documents officiels et usage de faux, vol en réunion, escroquerie, abus de confiance et corruption, falsification de documents bancaires et banqueroute frauduleuse".

2003, fin du mirage

L'année 2003 marque la fin de l'aventure pour "Rafik le flamboyant", un jeune pharmacien qui, en 1998, ouvre une petite banque commerciale. La réussite est fulgurante. A la banque s'ajoutent bientôt une compagnie aérienne, Khalifa Airways, une branche pharmaceutique, puis deux chaînes de télévision. Le groupe emploie jusqu'à 20 000 salariés en Algérie, mais aussi de l'autre côté de la Méditerranée.

En bon "golden boy", Khalifa aime apparaître entouré des stars du moment. Il aime aussi les "coups" marketing, comme lorsqu'il devient le sponsor maillot de l'Olympique de Marseille en 2001.
Mais cette réussite est douteuse. "Cette ascension fulgurante avait été accompagnée d’interrogations et de supputations sur l'origine de sa fortune et le secret de cette rapide réussite", écrit le site TSA.

La banque bénéficiait notamment de dépôts d'entreprises et d'organismes publics, attirés par des taux d'intérêt élevés et la rapidité des retraits, selon Khalifa.

Juin 2001, Rafik Khalifa brandit le maillot de l'OM dont Khalifa Airways est devenu l'un des sponsors. (PIERRE ANDRIEU / AFP)


Brusquement, à la fin de l'année 2002, Alger bloque les opérations de la banque Khalifa, ce qui entraîne dans la foulée la cessation de paiement. La chute est fatale et brutale. Le groupe fait faillite l'année suivante.

La liquidation est pour le moins chaotique. De nombreux actifs disparaissent, notamment en France. Des avions manquent à l'appel, le parc automobile de l'agence de location Khalifa a disparu. Une villa à Cannes d'une valeur de 35 millions d'euros a été bradée à moitié prix, sans doute dans l'urgence.

Pour l'Algérie, la facture est encore plus salée. Les pertes pour l'Etat et les particuliers sont estimées entre 1,5 et 5 milliards de dollars.

Khalifa accuse "l'ancien système" algérien

En 2003, poursuivi par la justice de son pays, mais également française, Khalifa est selon lui "bloqué" à Londres et non "réfugié" comme prétend l'accusation, dans l'attente des suites judiciaires. Dans un premier temps écroué en 2007, il a été finalement extradé par le Royaume-Uni fin 2013, après l'épuisement de tous les recours.

Octobre 2012, le sommet de la gloire pour Rafik Khalifa. a compagnie aérienne semble promise à un avenir radieux. (DOMINIQUE FAGET / AFP)

A l'ouverture de son nouveau procès, Rafik Khalifa a, selon l'agence de presse APS, nié toute difficulté financière, à l'exception d'un trou d'un montant de 10 000 dinars (65 euros). Selon lui, toutes les agences de la banque étaient solvables à son départ du pays. "Les fonds de ces banques ont été pillés dès que j’ai quitté le pays, avec la complicité de l’ancien système", a-t-il précisé à l'audience.

Avec le départ de "l'ancien système", selon les termes de l'accusé, ce nouveau procès permettra peut-être aux langues de se délier. Déjà des co-accusés reviennent sur leurs déclarations lors du procès de 2015, évoquant des "pressions" de la part de "parties" qui voulaient faire tomber le PDG du groupe. Une défense bien commode qui risque de rendre la vérité bien difficile à établir.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.