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Algérie: Aït Ahmed, opposant jusqu’après sa mort

Le dernier « fils de la Toussaint » s’en est allé rejoindre les huit autres qui ont déclenché la guerre d’Algérie le 1er novembre 1954. La vie de Hocine Aït Ahmed se mélange à celle de son pays. L’homme politique a gardé sa ligne de conduite jusqu’au bout : aucun compromis avec l’Etat algérien. Il a refusé d’être enterré au cimetière officiel.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Hocine Aït Ahmed rejoindra sa dernière demeure le 1er janvier dans son village natal en Kabylie (Billal Bensalem / NurPhoto/AFP)

Nous sommes au début de l’année 1992. L’anecdote veut qu’une équipe d’Envoyé spécial de France2 soit présente au moment de l’incroyable proposition. Le leader historique du Front des Forces Socialistes (FFS) et plus vieux opposant au régime algérien donne une interview dans son bureau quand le téléphone sonne. Il décroche sous l’œil des caméras. A l’autre bout du fil, l’ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar, lui propose de le nommer président de la République, plus exactement président du Haut comité d’Etat (HCE), instance créée au lendemain de l’arrêt du processus électoral (décembre 1991). La réponse est sans ambiguïté: «Non, merci»

«Nezzar s’était étonné que je n’aie pas accepté. Il est tombé des nues en se demandant comment je pouvais refuser cet honneur. Moi je vais être comme ça? Je vais avaliser toutes leurs décisions! Tous leurs massacres…. Moi j’ai mes convictions, ce qui m’importe ce sont les souffrances du peuple algérien», confiait-il lors une réunion publique, une dizaine d'années plus tard. En clair, un président est élu et non nommé. Géopolis n’a pas retrouvé trace de ces images.
 


 Le Zaïm, opposant après la mort
Cet épisode est symbolique du parcours du vieux zaïm (leader charismatique), au point d’être surnommé par ses adversaires «le roi de la chaise vide». Le dernier des neuf historiques, les fils de la Toussaint, est décédé le 23 décembre 2015, à l’âge de 89 ans, à Lausanne (Suisse) où il s’était installé en 1966 après son évasion de prison en Algérie.
 
Surnommé affectueusement Dda Lhou en signe de respect, Hocine Aït Ahmed a été un farouche opposant au régime algérien depuis l’indépendance du pays en 1962. Il fonde en 1963, le Front des forces socialistes (FFS) et prend les armes dans un maquis en Kabylie. Arrêté, il est condamné à mort puis gracié par le  président Ben Bella, son ancien compagnon de détention avec lequel il a passé six ans emprisonné après leur arrestation, en 1956, avec trois autres chefs du  FLN, dans un avion marocain détourné vers Alger par l'armée française.


Il s'était présenté à la présidentielle de1999 avant se retirer, estimant que le candidat du régime, Abdelaziz Bouteflika, était élu d’avance. Le laïc qu’il était tenait à équidistance islamistes et pouvoir en place.
 
Ni avion présidentiel ni El Alia, refus des privilèges
Pour la presse algérienne, Aït Ahmed s’est montré opposant jusqu’après sa mort en laissant des consignes très claires: le rapatriement de sa dépouille doit se faire dans un avion de ligne et non dans un avion présidentiel, et son inhumation doit avoir lieu dans son village natal et non au cimetière officiel El Alia.

Capture d'écran Facebook (DR)

«Aït Ahmed aura été original même dans sa mort. Opposant intraitable au «système» de son vivant, il est parti en lui infligeant un dernier camouflet: être l’unique «historique» à refuser d’être enterré au cimetière officiel d’Al-Alia pour s’en démarquer jusqu’à la fin des temps. Cohérent avec lui-même, seigneurial et humble à la fois, il a préféré à cet «honneur» douteux car souillé par le crime (assassinats de Abane, Krim, Khider, etc) et l’imposture (faux moudjahidin qui y reposent), le voisinage pur des gens du peuple de Aïn El Hammam», analyse un ancien ministre, Nouredine Boukrouh.
 
Hocine Aït Ahmed doit rejoindre sa dernière demeure le 1er janvier 2016 dans son village natal en Kabylie, lors de funérailles qualifiées de «nationales et populaires» par un député FFS. 

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