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Que va changer la mort de Nelson Mandela pour l'Afrique du Sud ?

L'ancien président sud-africain, mort jeudi, était un symbole politique dans le pays et à l'étranger. Des spécialistes expliquent à francetv info les conséquences que sa disparition pourrait engendrer.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des habitants de Soweto (Afrique du Sud) lisent un journal consacré à la mort de Mandela, le 6 décembre 2013. (REUTERS)

Une allocution présidentielle, dix jours de deuil national, une foule en larmes, des hommages venus du monde entier... L'émotion et l'ampleur des réactions à la mort de Nelson Mandela, héros de la lutte contre l'apartheid et premier président noir du pays, sont à la mesure de la place du défunt dans l'histoire de l'Afrique du Sud. Une page se tourne pour le pays.

Comme le raconte Le Monde, des proches de l'extrême droite blanche sud-africaine pensent que cette mort va déclencher un gigantesque massacre de la communauté blanche de Johannesburg et permettre le retour des Afrikaners au pouvoir. A l'opposé de ces élucubrations, les spécialistes de l'Afrique du Sud interrogés par francetv info s'accordent à dire que sa disparition aura un impact limité sur le pays. Même si elle peut avoir quelques conséquences diffuses.

"Cela fait plusieurs années qu'il est absent"

Depuis son départ du pouvoir en 1999, et son retrait de la vie médiatique en 2004-2005, Madiba ne participait plus à la vie du pays. "Cela fait plusieurs années qu'il est absent", observe Laurent Fourchard. Le directeur de la revue Politique africaine n'imagine pas le pays être brusquement secoué par des émeutes raciales.

Selon lui, les Sud-Africains ont bien d'autres préoccupations. "Il y a suffisamment de problèmes en Afrique du Sud pour que la mort de Mandela ne change pas grand-chose", explique-t-il, avant d'énumérer le chômage structurel (51,5% des moins de 25 ans en 2012 selon Les Echos), l'éducation, le sida, la criminalité et les inégalités sociales.

Ces préoccupations sont en outre trop anciennes pour créer une révolte sociale. "On ne peut pas dire que cela va avoir un aspect déclencheur parce que cela fait un moment qu'il y a des déçus, des soubresauts sociaux ou des émeutes en tout genre", analyse Cécile Perrot, professeur à l'université Rennes 1 et coauteure de L'Afrique du Sud à l'heure de Jacob Zuma : la fin de la nation arc-en-ciel. Elle cite pêle-mêle les émeutes raciales de 2008, les grèves réprimées autour de la Coupe du monde en 2010 ou le massacre de mineurs en 2012.

"Pas de risque que l'ANC perde les élections de 2014"

Politiquement, le parti de Mandela, l'African National Congress (ANC, Congrès national africain), ne perdra pas le pouvoir de sitôt, malgré les scandales de corruption et l'arrivée aux urnes d'une génération qui n'a pas connu l'apartheid. "Je ne vois pas de risque qu'ils perdent les élections de 2014. Cela supposerait qu'il y ait en face un parti d'opposition capable de leur prendre un nombre de voix significatif", estime l'historien Paul Coquerel, auteur de L'Afrique du Sud, une histoire séparée, une nation à réinventer.

Laurent Fourchard estime que les déçus de l'ANC ont déjà pris leurs distances avec le parti, sans menacer son monopole. "Il y a beaucoup de mécontents de l'ANC, mais il est réélu tous les cinq ans avec plus de 60% des voix", rappelle-t-il. Si risque il y a pour le parti, il est interne. "La tendance à l'implosion existait déjà ces dernières années. La mort de Mandela pourrait jouer le rôle de catalyseur", constate Cécile Perrot.

"Certains tabous vont tomber"

La mort de Mandela pourrait avoir des conséquences plus inquiétantes que les bisbilles internes à l'ANC, un "impact diffus" sur l'image du pays et sa cohésion sociale, estime Cécile Perrot. A l'étranger, "Nelson Mandela continuait à donner un certain éclat à l'Afrique du Sud, même si cela fait longtemps que la politique étrangère du pays ne tient plus compte des droits de l'homme" défendus par l'ancien président, développe l'universitaire.

Au sein du pays, elle craint que la disparition de Mandela n'entraîne "une forme de durcissement des relations raciales", notamment dans les discours, dans la lignée des provocations de Julius Malema. Président de la ligue de jeunesse de l'ANC de 2008 à 2012, ce trentenaire "a souvent attaqué ouvertement les Blancs", en remettant par exemple au goût du jour la chanson de la lutte anti-apartheid Tuez le Boer, comme le raconte Jeune Afrique.

"Ces comportements risquent d'être plus fréquents. Certains tabous vont tomber. Des choses qui ne se disaient pas avant vont sortir", prédit Cécile Perrot. Pourquoi ? Parce qu'avec Mandela, c'est un "facteur de cohésion et d'unité" qui disparaît. "Tous les groupes raciaux adhéraient au symbole Mandela, rappelle-t-elle. Il y a peu d'hommes politiques en Afrique du Sud qui peuvent dire la même chose."

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