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Les fidèles de l'église Gabola écoutent les sermons verre à la main

Les paroissiens et le curé partagent un goût fort prononcé pour les boissons alcoolisées.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Temps de lecture : 3min
Tsietsi Makiti, fondateur de l'Eglise Gabola, en plein rituel dominical (avec sa mitre décorée de 2 mignonettes d'alcool), à la Bunny's Tavern d'Evaton en Afrique du Sud. (WIKUS DE WET / AFP)

L'église Gabola est une église peu orthodoxe, qui du reste n'est pas reconnue du Conseil sud-africain des Eglises (SACC). Elle a été fondée en 2017 par Tsietsi Makiti, un drôle de curé qui célèbre ses messes dans les pubs ou les restaurants, en portant une mitre noir et or décorée de deux mignonettes, une de whiskey et l'autre d'Amarula, une liqueur populaire en Afrique du Sud. Gabola veut dire "boire" en tswana, une langue d'Afrique du Sud.

Il s'occupe ainsi des brebis égarées dans les méandres de l'alcool, que les églises traditionnelles, catholiques ou évangéliques, n'auraient de toute façon pas acceptées. "Jésus nous a enseigné à pêcher là où il y a du poisson. Ce sont dans les tavernes, les shebeens (bars informels), qu'on trouve des enfants de Dieu rejetés des autres églises à cause de leur amour pour l'alcool", explique à l'AFP Tsietsi Makiti, 54 ans.

La scène se passe dans la banlieue ouvrière d'Evaton, un township à 50 km au sud de Johannesburg. La pièce où se déroule la prière est décorée de bouteilles de gin et de bière. Les fidèles, verre à la main, écoutent le sermon. Un sermon un peu particulier. Pas de Bible ici, on communie surtout autour de la bière et du vin blanc. Un breuvage que le "saint homme" semble également apprécier. "L'alcool est la seule chose qui nous relie à Dieu, car si je suis sous l'influence de l'alcool, je suis sous l'influence du Saint-Esprit", explique Tsietsi Makiti avec le plus grand sérieux.

Le chemin de croix du confinement

Le confinement anti-Covid et surtout l'interdiction de vente d'alcool et de consommation en public ont été durement vécus par la communauté. Désormais, l'interdiction ayant été levée à la mi-août, le moral est revenu. Pourtant l'alcool, assurent les membres, n'est pas une fin en soi, ni l'église un prétexte pour boire. "C'est juste une église, une église normale, mais nous l'appelons Gabola parce que la plupart d'entre nous boivent", explique Siphiwe Mafusina, membre influent.

Tsietsi Makiti, fondateur de l'église Gabola, à droite sur l'image, en pleine célébration de la messe dominicale, dans la Bunny's Tavern, à Evaton. (WIKUS DE WET / AFP)

L'alcoolisme en Afrique du Sud est la troisième cause de décès. La consommation annuelle moyenne est estimée à 20 litres d’alcool pur par personne et par an. Cette consommation excessive a justifié la fermeture durant le confinement des shebeens, ces bars non-officiels qui fourmillent dans les townships. Parallèlement, meurtres, viols et agressions ont reculé de 70 à 80%, sans que le lien de cause à effet avec la non-consommation d'alcool ne soit avéré.

Selon Neo Morojele du Medical Research Council, "boire modérément de l'alcool est une chose plutôt rare en Afrique du Sud". Près de deux buveurs sur trois consomment plus de 60 grammes d'alcool pur en une fois. L'équivalent de quatre canettes de bière. L'église Gabola ne manque pas de fidèles potentiels, peut être plus à la recherche de spiritueux que de spirituel...

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