Cet article date de plus de cinq ans.

L'Afrique australe veut revenir en partie sur l'interdiction du commerce de l'ivoire

Quatre chefs d'Etat d'Afrique australe se sont prononcés le 7 mai 2019 pour que l'interdiction du commerce de l'ivoire soit allégée. Objectif affiché : faciliter la gestion de leur population d'éléphants en liberté, la plus importante de toute la planète.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Eléphants mâles dans le delta de l'Okavango (nord du Botswana), le 25 avril 2018. (REUTERS - MIKE HUTCHINGS / X00388)

"Sur le continent africain, l’espèce compte aujourd’hui environ 415 000 individus (contre 3 à 5 millions au début du 20e siècle)", croit savoir l'ONG World Wildlife Fund (WWF), dont les deux tiers vivent en Afrique. Il existe deux variétés d'éléphants dans la région : l'éléphant de savane (Loxodonta africana), le plus grand et le plus courant, et l'éléphant de forêt (Loxodonta cyclotis). Le premier est classé dans la liste rouge des espèces vulnérables de l'ONG Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le second dans la liste rouge des espèces menacées.

"Nous ne pouvons pas continuer à rester passifs pendant que d'autres débattent et prennent des décisions qui concernent nos éléphants", a lancé le président botswanais Mokgweetsi Masisi devant ses pairs de Namibie, de Zambie et du Zimbabwe, le 7 mai. A la fin de leur rencontre, les chefs d'Etat ont convenu de "faire pression sur la communauté internationale" pour qu'elle allège l'interdiction actuelle du commerce de l'ivoire des pachydermes.

Braconnage

Le braconnage constitue la principale menace qui pèse sur les pachydermes, dont les défenses se vendent à prix d'or en Asie. Selon le WWF, les braconniers causent "la mort de 20 000 à 30 000 éléphants chaque année".

En 1989, la Convention internationale sur le commerce des espèces menacées (CITES) avait inscrit les éléphants africains sur sa liste 1. Ce qui interdit toute forme de commerce de leur ivoire. De leur côté, les pays d'Afrique australe ont proposé de faire passer les pachydermes sur la liste 2. Ce qui autoriserait la vente d'ivoire dans certaines conditions, notamment en tant que trophées de chasse.

"En prenant l'exemple des éléphants de la zone de conservation Kavango-Zambezi, nous notons que leur nombre reste important dans des pays comme le Botswana et le Zimbabwe", ont-ils relevé. "Alors que leur nombre s'accroît, les conflits entre éléphants et humains augmentent (...) en raison de la raréfaction des ressources et du changement climatique", ont également plaidé les responsables.

Eléphant chargeant un jeune lion dans le Nxai Pan National Park (nord-est du Botswana). (AFP - DIDIER COUVERT & MURIEL MOREAU / BIOSPHOTO)

Changement de politique

Le Botswana abrite à lui seul la plus grande population continentale d'éléphants, évaluée en 2015 à environ 135 000 bêtes. Jusque-là, il en faisait la tête de gondole de son activité touristique, spécialisée dans les safaris. A tel point que les pachydermes y viennent d'ailleurs, pour échapper aux guerres et aux braconniers...

Depuis qu'il a remplacé Ian Khama à la tête du pays en avril 2018, Mokgweetsi Masisi a pris ses distances avec la politique de défense à tout prix de la faune sauvage initiée par son prédécesseur. Un mois plus tôt, ce dernier avait signé avec ses homologues ougandais et gabonais, ainsi qu'avec 29 autres pays du continent, une pétition appelant l'Europe "à fermer son marché de l'ivoire". L’UE, "le plus grand exportateur au monde d’ivoire légal”, a exporté “1258 défenses en 2014 et 2015, soit plus que lors des huit années précédentes", selon l’organisation Avaaz à l’origine de la pétition.

Le nouveau gouvernement envisage ainsi de rétablir la chasse commerciale aux animaux sauvages menacés, dont les éléphants, interdite en 2014 par le président Khama. Les sécheresses récurrentes qui affectent l'Afrique australe depuis plusieurs saisons "exercent encore plus de pression sur nos fragiles écosystèmes", a insisté le chef de l'Etat. "Cela nous impose d'adopter des mesures plus contraignantes pour faire en sorte de sécuriser les ressources nécessaires à la survie de notre faune sauvage", a-t-il conclu.

Les défenseurs de la faune s'opposent catégoriquement à l'éventuel rétablissement de la chasse. Selon eux, la mesure ruinerait le tourisme botswanais, un des piliers de l'économie du pays, qui pèse à lui seul 36% de son PIB. Exploitant le très riche patrimoine naturel du pays, l'activité misait jusque-là sur les "visiteurs aisés", rapportait Jeune Afrique en janvier 2018. Elle "veut maintenant élargir sa clientèle à la classe moyenne", précisait le journal.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.