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Johannesburg ou les défis de la nouvelle Afrique du Sud

Ancienne ville blanche construite au cœur des mines d'or, Johannesburg est le poumon économique de l’Afrique du Sud. A la fin de l’apartheid, on y accourt de partout pour s'y installer. La bourgeoisie blanche quitte alors la ville pour des faubourgs plus chics. Après une longue descente aux enfers, Joburg commence à attirer une jeunesse métissée, à l'image de la nouvelle «nation arc-en-ciel».
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le centre ville de Johannesburg. (Michel Lachkar)
De notre envoyé spécial à Johannesburg

Chômage, drogue et sida sont les plaies de Johannesburg, ville de 5 millions d’habitants, où des quartiers entiers sont livrés aux squats et à la délinquance. Tandis que d’autres coin de la ville se barricadent derrière de hauts murs hérissés de barbelés. Cette criminalité éloigne les touristes et poussent les Blancs à quitter Joburg dès la nuit tombée. «Sous l’apartheid, les Noirs avaient l’obligation de quitter le centre ville après 20 heures, aujourd’hui c’est le contraire», affirme avec ironie Nkosinathi, chauffeur de taxi à Joburg. «Les Blancs quittent la ville le soir, en raison des vols et des agressions, mais aussi parce qu’ils préfèrent habiter dans des banlieues cossues.»

Rues de Johannesburs en 1947: une ville blanche que les Noirs doivent quitter le soir. (AFP/)
 
Lorsque l’on circule dans les rues de Joburg, on peut voir, malgré une activité débordante, de nombreux buildings fermés : sièges de banques, anciens hôtels de luxe, et immeubles de standing abandonnés.
 
Les hauts gratte-ciel de l’ancien Central Business District, quartier d'affaires autrefois réservé aux  Blancs, sont aujourd’hui investis par des squatteurs : étudiants, jeunes précaires ou migrants africains. Une grande partie des immeubles de la ville sont occupées illégalement.
 
A la fin des années 90, alors que l’Afrique du Sud met fin aux lois de ségrégation raciale, qui empêchaient les déplacements, la population des campagnes et de nombreux migrants africains viennent tenter leur chance dans la ville de l’or et du platine. Une ville qui grâce à cette main d’œuvre bon marché a fait la richesse du pays.
 
On arrive alors en masse des campagnes mais aussi de toute l’Afrique (Zimbabwe, Angola, Nigeria) pour chercher un emploi. «On se devait d’accueillir nos frères africains qui avaient soutenu l’ANC, dans sa lutte contre l’apartheid», explique Njabulo un jeune militant de l’African National Congress.
 
Les plus riches quittent la ville
Face à ces nouveaux venus, les familles blanches quittent le centre ville, du moins celles qui en ont les moyens, pour s’installer dans de nouveaux quartiers périphériques.
 
La bourgeoisie blanche va alors reconstruire un nouveau centre financier et commercial luxueux à Sandton, à 30 km du centre ville. La distance, le manque de transports en commun vont maintenir une barrière, cette fois géographique entre riches et pauvres, et non plus seulement entre Noirs et Blancs, car contrairement aux clichés, beaucoup de Blancs sont très pauvres.
 
«Aujourd’hui la nouvelle bourgeoisie noire préfère elle aussi ces faubourgs luxueux au centre ville dégradé», explique Rebecca, une habitante du nouveau quartier d’affaire de Sandton.
 
Au centre ville de Joburg, après le départ des Blancs, les prix des logements se sont effondrés. Les prix des appartements squattés, devenus invendables se sont effondrés. Depuis, certains investisseurs avisés commencent à les réhabiliter espérant attirer une nouvelle classe moyenne métissée. C’est déjà le cas de Braamfontain, devenu un quartier «branché», où vivent de nombreux artistes et une jeunesse étudiante, plus à l’aise avec la nouvelle société multi-raciale. D’autres quartiers comme Newtown ou Melville suivent le même chemin, avec des coins où les populations blanches, indiennes, noires ou métis vivent ensemble.

Le quartier branché et métissé de Melville à Johannesburg (AFP/stephane de Sakutin)

Une nouvelle génération «arc-en-ciel»
Une «boboïsation» ou «gentrification», comme disent les Anglo-Saxons, pointe son nez mais elle est encore timide, car la ville s’est fortement appauvrie cette dernière décennie. Dans de nombreux quartiers, les squatteurs ne payent pas leurs factures d’eau ou d’électricité. L’impôt rentre mal, du coup, la ville a bien du mal à entretenir les réseaux publics. Et quand les poubelles ne sont pas ramassées, comme c’est le cas depuis une semaine en raison d’une grève des éboueurs, tout semble à l’abandon.
 
«Les infrastructures sont très dégradées et nous ne pouvons faire payer ni les faux locataires, ni les anciens propriétaires», se désespère un fonctionnaire de la ville, présent au sommet Africités.

Le maire de Johannesburg, Parks Tau, qui a inauguré cet événement, dit vouloir «compter sur les jeunes générations pour reconstruire une ville à l’image de la nouvelle Afrique du Sud». Après être passé d’une ville entièrement blanche, à une ville essentiellement noire, Johannesburg se rêve aujourd’hui en ville métissée et moderne. Celle d’une «nation arc-en-ciel» qui reste encore à consolider.

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