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Décès de Desmond Tutu : "Il avait un humour ravageur, le meilleur moyen de lutter contre l'apartheid", témoigne un journaliste

"Une partie de la bataille autour de l'apartheid s'est déroulée dans les églises. Desmond Tutu était de ce point de vue là à l'avant-garde de ce combat", raconte Pierre Haski, ancien correspondant en Afrique du Sud.

Article rédigé par franceinfo
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Desmond Tutu, le 7 juillet 2017 à Cape Town (Afrique du Sud). (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)

"Il avait un humour ravageur et c'était le meilleur moyen de lutter contre l'apartheid mais aussi d'apaiser les esprit", témoigne dimanche 26 décembre sur franceinfo Pierre Haski, journaliste et ancien correspondant de l'agence France-Presse en Afrique du Sud (entre 1976 et 1980), après l'annonce de la mort de Desmond Tutu. Archevêque anglican et prix Nobel de la Paix pour son combat pacifiste contre l'apartheid, il est décédé dimanche à l'âge de 90 ans.

franceinfo : Que représente Desmond Tutu en Afrique du Sud ? À l'époque de l'apartheid, quand il était prêtre, il a notamment organisé des marches pacifiques contre la ségrégation ?

Pierre Haski : Il était un leader naturel, il avait un charisme fou. Le souvenir qui me vient immédiatement c'était les rassemblements religieux dans une église catholique qui était le point de ralliement tous les dimanches matin. Desmond Tutu venait y faire un sermont et il enflammait les foules, il y avait de plus en plus de monde, les gens ne pouvaient plus entrer dans l'église. Ça se terminait en général par du gaz lacrymogène et une intervention de la police.

"Il avait une capacité à déclencher l'espoir et la mobilisation, il avait cette conscience morale contre l'apartheid qui était vissée au corps."

Pierre Haski, ancien correspondant en Afrique du Sud

à franceinfo

C'est grâce à sa robe de religieux qu'il a évité la prison ?

Il a été arrêté une ou deux fois. J'ai le souvenir de l'avoir vu sortir d'une nuit au poste de police, une brosse à dent à la main et acclamé par la foule. Mais il n'a évidemment pas subi le sort des leaders comme Nelson Mandela ou d'autres qui ont passé des années au bagne de Robben Island. Il y avait une spécificité sud-africaine : c'est un pays très religieux et une partie de la bataille autour de l'apartheid s'est déroulée dans les églises avec d'un côté les églises catholiques et anglicanes et de l'autre l'église calviniste qui défendait l'apartheid. Desmond Tutu était de ce point de vue là à l'avant-garde de ce combat.

Desmond Tutu était un homme très respecté aussi parce qu'il a continué à porter la parole publique sur des convictions très affirmée, notamment pour la lutte contre l'homophobie ?

Oui, il a incarné après l'apartheid la poursuite d'idéaux d'une société juste, ouverte et fraternelle. Ça a commencé avec la commission vérité et réconcilliation qui a été un moment crucial. Ensuite il a continué à prendre position contre tous les maux de la société, l'homophobie mais aussi la corruption. En 2013 il a quand même déclaré publiquement qu'il ne voterait plus pour l'ANC, le parti de Mandela, parce qu'il est devenu corrompu. Il a eu une ligne droite toute sa vie et c'est comme ça que les Sud-Africains vont retenir.

"Comme Mandela, il a le statut d'icône qui n'a pas déçue."

Pierre Haski

à franceinfo

Qu'est ce que vous retenez de Desmond Tutu, que c'était un homme accessible, simple, toujours souriant ?

Je retiendrai d'abord son humour. Il avait un humour ravageur et un éclat de rire communicatif et c'était le meilleur moyen de lutter contre l'apartheid mais aussi d'apaiser les esprit. Cet humour, ça a été une de ses forces et un trait de caractère qu'il a gardé jusqu'a bout.

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