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De quelle région d'Afrique vient donc le premier homme?
L’Afrique est le berceau de l’humanité, comme le montrent la découverte du squelette fossile Lucy en 1974 en Ethiopie (est) ou celle du crâne de Toumaï en 2001 au Tchad (centre). Et voilà qu’une grotte sud-africaine a livré un squelette, appelé Little Foot, bien plus complet que celui de Lucy. Et plus vieux de 500.000 ans.
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Les restes de l’australopithèque Lucy, découverts par le Français Yves Coppens et l’Américain Donald Johanson, complets à 40%, atteignent l’âge canonique de 3,2 millions d’années. Mais le crâne de Toumaï est, lui, beaucoup plus vieux : il remonte à 7 millions d’années!
Un scientifique vous expliquera que ces deux prédécesseurs de l’Homo sapiens ne se situent pas au même niveau dans la longue, très longue liste des ancêtres de l’homme. Toumaï appartiendrait à la première lignée des hominidés (entre 7 et 4 millions d’années). Lesquels, apparemment, ne se tenaient pas encore debout. Viennent ensuite les australopithèques (entre 4 et 2 millions d’années).
Parmi eux, on trouve Lucy et Little Foot. Tout ces braves gens étaient des bipèdes qui pouvaient rester debout. Ils auraient eu deux branches de descendants: les paranthropes, qui ont disparu, et l’Homo habilis, apparu il y a 2,5 millions d’années. Ce dernier serait notre ancêtre direct. Reste maintenant à déterminer lequel de Lucy, Little Foot, ou de leurs autres cousins africains, est l'ancêtre de notre humanité.
Quel pied!
Le nom Little Foot, Petit Pied en anglais, résume un peu l’histoire de sa découverte. En 1994, Ronald Clarke, qui travaille à l’Institut d’évolution et de paléanthropologie de l’université Witwatersrand, en Afrique du Sud, trouve dans une boîte quatre petits os provenant d’une grotte de Sterkfontein. La zone, située à 35 km au nord-ouest de Johannesburg, est une région karstique classée par l’Unesco (1999 et 2005) au Patrimoine mondial au titre (prémonitoire) de «berceau de l’humanité». Les éléments retrouvés appartiennent à un même pied. En mai 1997, rebelote : l’universitaire vide une autre boîte et reconnaît d’autres morceaux du même membre ainsi qu’un fragment de tibia droit. Il est persuadé que tous ces éléments appartiennent à un même individu.
Il envoie ses deux assistants, munis d’un moulage du bout de tibia, dans la grotte concernée. Histoire de voir si l’on ne peut pas retrouver d’autres éléments fossiles ayant appartenu au même squelette fossile. Apparemment, autant chercher une aiguille dans une botte de foin… Mais là, ô miracle ! En un jour et demi, les deux hommes vont réussir, à 25 m de profondeur, à trouver dans la roche… un morceau d’os fossile de 3 cm de long. Qui coïncide avec le tibia ! Ils viennent ainsi de découvrir la trace de l’un des plus vieux squelettes d’hominidés connus, complet à 90% (Lucy ne l’est qu’à 40%).
«Son état de conservation est extraordinaire. Si extraordinaire qu’on distingue encore l’émail des dents !», s’enthousiasme Laurent Bruxelles, chargé de recherche en géomorphologie à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui a participé aux études sur Little Foot avec des équipes américaines. Il faudra 13 années d’efforts, jusqu’en 2010, pour dégager l’ensemble des restes de l’australopithèque… à la fraise de dentiste.
Une chute de 30 mètres
Toute l’affaire, qui a fait l’objet d’une publication le 1er avril 2015 dans la prestigieuse revue scientifique Nature, résulte donc d’une série de hasards extraordinaires. La zone de Sterkfontein est pourvue de nombreuses grottes exploitées dans les années 20 par des mineurs qui en sortaient, à la dynamite, la chaux nécessaire à l’extraction de l’or dans la région de Johannesburg. «S’il y avait eu un dynamitage de plus dans la cavité de Little Foot, ce dernier aurait disparu. Mais si les mineurs s’étaient arrêtés avant, on n’aurait rien trouvé !», observe Laurent Bruxelles.
Reste alors à interpréter la découverte. Et, notamment, à la dater. «Il s’agit là d’un travail de géologue. Car techniquement, il est très difficile de dater un squelette fossile. Il faut donc s’intéresser aux sédiments qui l’entourent. Ceux-ci et le fossile doivent avoir la même histoire», précise le géomorphologue français.
En matière de datation, les interprétations se suivent. Et ne se ressemblent pas. Les Sud-Africains estiment d’abord que Little Foot est vieux de 3,3 millions. Mais une équipe américaine de l’université Purdue (Indiana) suggère, elle, 4 millions. Une autre datation parle, elle, de 2,2 millions…
Pour sortir de cette incertitude, Ronald Clarke fait appel en 2007 à Laurent Bruxelles, spécialiste des paysages karstiques. Celui-ci se met à étudier l’histoire de la grotte de Sterkfontein, sa formation et son évolution. Les chercheurs vont alors démontrer qu’au fur et à mesure des millénaires, la cavité a été comblée par de la terre et des cailloutis tombés de la surface. Puis, dans un deuxième temps, des coulées de calcite (genre stalactite) ont bouché des vides résiduels autour des restes de Little Foot. D’où les variations en matière de datation: selon que l'on analyse les cailloutits ou le calcite, on ne date pas la même période. Un résultat obtenu notamment grâce à un procédé cosmogénique, qui permet de déterminer à quel moment le quartz accumulé sur les lieux n’est plus bombardé par les rayons cosmiques.
«On a alors pu dater l’ancienneté de l’enfouissement du squelette», raconte le représentant de l’Inrap. En l’occurrence : 3,7 millions d’années, 500.000 de plus que la vénérable Lucy. On a aussi pu reconstituer le scénario possible du décès de l’australopithèque. «Celui-ci a sans doute fait dans la grotte une chute de 30 m qui a entraîné sa mort. Vu qu’il est tombé dans un endroit très profond et inaccessible, aucun animal n’est venu manger sa dépouille», poursuit Laurent Bruxelles. Précision : dans les 25 m de dépôts sédimentaires qui ont recouvert Little Foot au cours des siècles, on a retrouvé d’autres restes d’australopithèques qui avaient été visiblement croqués par des animaux sauvages…
De plus en plus d’étudiants noirs dans les équipes archéologiques
Aujourd’hui, cette découverte et les travaux scientifiques qui l’entourent ont remis l’Afrique australe dans la course aux plus anciens hominidés, face à l’Ethiopie et au Tchad. «De ce point de vue, il semble qu’il y ait des ancêtres du genre humain dans tout le continent africain. Nos connaissances progressent grâce à l’existence de quelques ‘‘pièges géologiques’’», observe le scientifique français. Dans ces zones, des conditions particulières permettent de faire ressortir des restes de fossiles. Les plus connues sont le grand Rift éthiopien, où l’écorce terrestre s’écarte, et les régions karstiques sud-africaines. D’autres sites pourraient se révéler fructueux. Notamment en Namibie.
A un autre niveau, qu’en est-il de la participation des Africains aux grandes découvertes scientifiques faites sur leur continent au cours de ces dernières décennies? Notamment en Afrique du sud, pays rongé par l’apartheid jusqu’en 1991. Réponse de Laurent Bruxelles: «Au début de mon travail sur place, on constatait que les équipes scientifiques étaient très blanches. Mais aujourd’hui, il y a une réelle volonté d’intégrer les Noirs dans ces équipes, notamment des étudiants. L’université et les autorités travaillent beaucoup là-dessus. On peut espérer qu’avec les générations et le temps qui passent, la situation va s’améliorer.»
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