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Afrique du Sud : les assassinats des fermiers font polémique
Des attaques de fermes par dizaines, une trentaine de fermiers assassinés sauvagement. Le rapport rendu le 23 août 2015 par la Commission sud-africaine des droits de l’Homme donne froid dans le dos. Il dénonce des meurtres brutaux qui restent impunis et fragilisent la communauté agricole.
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Les fermiers blancs sud-africains seraient-ils les principales victimes de la vague de criminalité qui agite le monde agricole? Le sujet fait polémique depuis que la commission sud-africaine des droits de l’Homme a rendu son rapport le 23 août 2015. La commission a répertorié au moins 144 attaques de fermes depuis début 2015. Des attaques violentes qui se sont soldées par l’assassinat de 33 fermiers.
Le rapport note que contrairement aux idées reçues, les fermiers noirs sont aussi vulnérables que les fermiers blancs.
L’organisation Afriforum qui défend la culture Afrikaner est montée aussitôt au créneau pour dénoncer des crimes motivés par la couleur de la peau dans des zones rurales isolées. Pour elle, «les meurtres brutaux de fermiers» visent en majorité les Sud-Africains blancs.
L’association a même créé un numéro d’urgence ouvert 24h sur 24 à l'intention des fermiers blancs en danger.
Le président du Syndicat national des fermiers sud africains a qualifié ces propos de dangereux. Selon lui, les 40.000 fermiers noirs du pays sont eux aussi de plus en plus la cible d’attaques meurtrières : «La criminalité visant les fermes ne devrait pas être politisée, alors que la sécurité alimentaire du pays est en jeu», a-t-il souligné.
La communauté agricole fragilisée
Au-delà de cette polémique sur la couleur de la peau des victimes, le rapport rendu par la Commission sud-africaine des droits de l’Homme note que ces crimes restent trop souvent impunis, alors qu’ils fragilisent gravement la communauté agricole.
Les fermiers blancs possèdent encore l’immense majorité des terres les plus fertiles qu’ils se sont appropriées à l’époque de l’apartheid. Ils craignent que l’Afrique du Sud ne suive la voie du Zimbabwe, où la réforme agraire et la saisie brutale des terres ont plongé le pays dans une crise économique sans précédent.
Et ce ne sont pas les partisans de cette solution qui manquent en Afrique du Sud. Leur chef de file est l’ex-chef de l’organisation de jeunesse de l’ANC, Julius Malema, qui plaide pour l’expropriation pure et simple des fermiers blancs. De quoi raviver la peur de ces derniers. Le gouvernement sud-africain les encourage depuis quelques années à développer leurs activités dans d’autres pays du continent.
De nombreux fermiers blancs se sont déjà expatriés dans les pays africains voisins, au Mozambique et en Angola notamment, où leur savoir-faire est particulièrement apprécié. Un mouvement qui devrait s’amplifier dans les années à venir. Les fermiers noirs seraient-ils prêts à prendre la relève? On n'en est pas encore là. Nombre de terres acquises par le gouvernement au profit des communautés seraient en déshérence.
«La question n’est plus raciale»
La progression lente de la redistribution des terres est devenue une question brûlante pour le gouvernement sud-africain. Les tensions ne sont plus «entre les races, mais entre les riches et les pauvres», explique Sherwin Van Blerk de l’Institut sud-africain des relations raciales.
Le président Jacob Zuma en est conscient. Il a regretté publiquement que l’économie reste «principalement aux mains des Blancs» en promettant de «donner du pouvoir à la communauté noire». Avec l’espoir d’apaiser les frustrations à l’origine des meurtres qui déciment les fermiers dans le milieu rural.
Reste à savoir comment le gouvernement de l’ANC va s’y prendre pour éviter un effondrement de l’économie sud-africaine.
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