Afrique du Sud : l'"Operation Dudula" réclame le départ du pays des travailleurs étrangers
Le mouvement se veut pacifiste mais inquiète dans un pays marqué par les violences xénophobes à répétition.
Depuis janvier, un mouvement baptisé Operation Dudula, qui signifie "refouler" en zoulou, monte en puissance. De quelques centaines de manifestants encore le week-end du 13 février lors d’une manifestation interdite, le mouvement est passé à 2 000 le samedi 19 février à Johannesburg, a constaté une journaliste de l'AFP.
Dans le quartier déshérité de Hillbrow à Johannesburg, les manifestants ont demandé aux commerçants de n'employer que des Sud-Africains. Le groupe s’en est pris ensuite à des individus accusés d’être des migrants sans papiers. Ils sont, selon les manifestants, responsables de la criminalité, d’usage de drogue. Enfin, ils prennent les emplois des "natifs".
Préférence nationale
Sous le regard de la police, qui formait une chaîne pour protéger les boutiques d’une possible attaque, les manifestants sont passés par différents endroits réputés pour être des lieux de vente de drogue ou à forte criminalité, réclamant que Hillbrow ne devienne pas une "no go area", une zone de non droit pour les Sud-Africains.
"Nous venons dire aux propriétaires de magasins que le temps où on embauchait des étrangers est révolu. Nous voulons des emplois pour les Sud-Africains", a expliqué Sifiso Kumalo, un membre de l’organisation.
[WATCH] Members of Operation Dudula are marching in Hillbrow, Johannesburg calling for 100% employment of South Africans in businesses around the area such as supermarkets & gaming facilities. @KayaNews #OperationDudula pic.twitter.com/AIVUVr4y3W
— Buhle Mbhele (@buhlembhele_) February 19, 2022
(Traduction : "Des membres de l'Operation Dudula défilent à Hillbrow, Johannesburg, appelant à l'emploi à 100% de Sud-Africains dans des entreprises de la région telles que des supermarchés et des installations de jeux.")
Le Premier ministre de l’Etat du Gauteng et membre de l'ANC, le parti au pouvoir, leur a dit que réserver des emplois aux Sud- Africains "n’était pas réalisable". Ce à quoi les manifestants du mouvement Dudula ont répondu que "Voter pour l'ANC n’est pas possible non plus".
Xénophobie latente
L’Afrique du Sud est régulièrement le théâtre de flambées de violence xénophobe. En 2015, puis en 2019 notamment, la communauté nigériane avait été visée. On estime à 100 000 le nombre de ressortissants nigérians vivants dans le pays.
Dans un pays au chômage endémique atteignant un taux de 35%, l’emploi est bien sûr au centre des rancœurs. Il est facile pour les leaders extrémistes, comme ceux du mouvement Dudula, de surfer sur la vague xénophobe en prétendant que les étrangers – ils sont près de 4 millions –, volent le travail des nationaux.
Tous les secteurs de l’économie sont des cibles potentielles. Ainsi sur Twitter, un certain Lawyer-Joe demande que les étrangers, et plus particulièrement les Zimbabwéens, soient exclus du service de taxi Uber. "Nous ne pouvons pas avoir tous ces Sud-Africains sans travail, alors que ceux qui ont sauté la frontière en douce ont du boulot."
Editorial | Operation Dudula must end | This kind of action has to be stopped now before it degenerates and more blood is spilled – this week, its members ended up badly injured after small business owners retaliated in Alexandra https://t.co/zS5cA4MD8T. pic.twitter.com/Epp8WI1q7O
— City Press (@City_Press) February 21, 2022
(Traduction : "L'Operation Dudula doit cesser. Cette forme d'action doit être arrêtée avant qu'elle ne dégénère et que plus de sang ne soit versé. Cette semaine, ses membres ont été gravement blessés après que les propriétaires de petites entreprises ont riposté à Alexandra.")
Dans le pays, tout le monde ne partage pas l’orientation prise par le mouvement Dudula. Beaucoup craignent que tout cela dérape même si la dernière manifestation en date s’est déroulée dans le calme. Des leaders politiques comme Julius Malema des Combattants pour la liberté économique (EFF) considère que ces gens sont des criminels. Pour le représentant de la gauche radicale, il ne faut pas laisser l’histoire se répéter. D'autant que c'est la première fois que la xénophobie s'est trouvé une bannière sous laquelle défiler.
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