En Afghanistan, les talibans ordonnent de murer les fenêtres qui permettent d'apercevoir des femmes chez elles
Pour éviter des "actes obscènes"... Le chef suprême des talibans a ordonné d'obstruer et de ne plus construire de fenêtres qui donnent sur des espaces résidentiels occupés par des Afghanes, estimant que cela pouvait conduire à de l'"obscénité".
D'après un communiqué, publié samedi 28 décembre par le porte-parole du gouvernement taliban, il faudra désormais, en cas de construction d'un nouveau bâtiment, que celui-ci soit dépourvu de fenêtres par lesquelles il est possible de voir de près "la cour, la cuisine, le puits des voisins et les autres endroits habituellement utilisés par des femmes".
Les propriétaires invités à construire un mur
"Le fait de voir des femmes travaillant dans des cuisines, dans des cours ou collectant de l'eau dans des puits peut engendrer des actes obscènes", indique le document diffusé par Zabihullah Mujahid sur X, en partie écrit en arabe, en dari et pashto.
La mairie et les autres services compétents devront surveiller les chantiers de construction pour s'assurer qu'il n'est pas possible de voir chez les voisins, poursuit le texte. Dans le cas où de telles fenêtres avec vis-à-vis existent, les propriétaires sont invités à construire un mur ou à obstruer la vue, "pour éviter les nuisances causées aux voisins", indique le décret.
"Féminicide social"
"C'est un véritable cauchemar", appuie sur franceinfo Éric Cheysson, chirurgien et président de l'ONG la Chaîne de l'espoir. "Tous les 15 jours, toutes les trois semaines depuis août 2021, il y a un nouveau décret, pointe le médecin qui intervient régulièrement à Kaboul. Il y a 15 jours, c'était l'interdiction faite aux femmes d'étudier les métiers médicaux et l'interdiction d'aller dans les écoles d'infirmières ou de sages-femmes". Or, il rappelle que "les femmes ne peuvent être soignées que par les femmes. Juste auparavant, en août, c'était l'interdiction de parler à voix haute, de chanter, de lire de la poésie...".
Éric Cheysson dénonce "un enchaînement absolument effrayant qui s'est vu nulle part au monde".
"C'est sans précédent. Il y a 20 millions de femmes qui sont réduites à un silence et à une invisibilité totale"
Eric Cheyssonà franceinfo
"Ce qui se passe en Afghanistan doit nous alerter tous. C'est formidable ces mouvements de droit des femmes qui se développent, mais pourquoi ces mouvements de droit de libération de la femme s'arrêtent aux frontières de l'Afghanistan où il se passe ce véritable féminicide social ?", se désespère l'humanitaire.
Depuis le retour des talibans au pouvoir en août 2021, les femmes ont progressivement été chassées de l'espace public, poussant l'ONU à dénoncer un "apartheid de genre". Actuellement, les Afghanes ne peuvent plus étudier au-delà du primaire, aller dans les parcs, les salles de sports, les salons de beauté, ni quasiment sortir de chez elles sans chaperon. Certaines radios et télévisions locales ont également cessé de diffuser des voix féminines. Le gouvernement taliban assure, lui, que la loi islamique "garantit" les droits des Afghans et des Afghanes.
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