Afghanistan : un journaliste français à Kaboul décrit des candidats au départ "terrifiés, épuisés" et des talibans "incontrôlables"
L'envoyé spécial de RFI (Radio France Internationale) Vincent Souriau est arrivé à Kaboul dimanche 22 août, une semaine après la prise de contrôle de la capitale afghane par les talibans.
En Afghanistan, huit jours après la prise de Kaboul par les talibans, le chaos continue à régner à l'aéroport de la ville, où affluent des milliers d'Afghans qui veulent quitter le pays. Des échanges de tirs ont eu lieu lundi matin. Le journaliste de RFI Vincent Souriau a pu arriver sur place dimanche 22 août avec une poignée d'autres journalistes internationaux. Il décrit une situation toujours incertaine, en particulier aux abords de l'aéroport. franceinfo a pu le joindre à son hôtel à Kaboul.
franceinfo : Quelle est la situation à l'aéroport de Kaboul ?
Vincent Souriau : À l'intérieur de l'enceinte, c'est assez stable, ultra-sécurisé par les troupes américaines et britanniques, avec des rotations d'avions qui se passent bien en bonne intelligence. Même s'il y a des appareils allemands, australiens, qataris... ça a l'air de rouler avec des décollages et atterrissages réguliers. En l'espace de trois heures hier soir, il y a dû y avoir une douzaine de départs avec à chaque fois une bonne centaine de personnes à bord. Et ce que disent les militaires américains, c'est que le rythme s'accélère, en particulier de nuit, mais que ce rythme d'évacuation les épuise et que c'est un facteur de tension supplémentaire. Ce qu'il faut bien imaginer, c'est qu'ils sont isolés.
"En réalité, à ce jour, les Américains, avec l'aide des Turcs, des Britanniques et des Français, contrôlent certaines entrées de l'aéroport et le tarmac. Rien de plus."
Vincent Souriauà franceinfo
Dès que vous passez la porte, il y a les talibans. Et avec leurs armes, avec leur matériel militaire, ils font bien comprendre à tout le monde, et en particulier aux forces étrangères, qu'ils sont chez eux et que ce sont eux les patrons. Ce qui veut dire que les troupes américaines sont en vase clos, ne sortent pas de l'aéroport parce que c'est trop dangereux. Ils ne passent pas leur périmètre de sécurité.
Que se passe-t-il aux abords de l'aéroport ?
Le drame humanitaire se passe dans une zone contrôlée par les talibans, à proximité de l'aéroport, où des milliers de personnes font la course. Une course désespérée pour passer les portes de l'aéroport dans des conditions dantesques. Des familles avec de très jeunes enfants qui s'entassent les uns contre les autres dans une chaleur d'enfer, sans rien à manger ou à boire, parce qu'ils ont fui leur domicile le plus vite possible dans l'espoir de partir. Ils sont terrifiés d'être là. Ils sont épuisés et surtout, il y a les talibans qui sont incontrôlables. À tout moment, ils peuvent tirer en l'air. Ils peuvent mettre des coups de crosse et des coups de fouet de manière arbitraire à ces civils qui attendent pendant des jours.
Et ces accès de colère provoquent des mouvements de foule meurtriers parce que les gens paniquent. Ce n'est pas une rumeur. Il y a bel et bien eu plusieurs morts écrasés par la foule.
"Ce qui saute aux yeux, c'est que la gestion des flux par les talibans, mais aussi par les Américains d'ailleurs, est encore aujourd'hui catastrophique."
Vincent Souriauà franceinfo
Qu'avez-vous vu de Kaboul, sur la route entre l'aéroport et l'hôtel que vous avez rejoint ?
Ce qu'on a vu d'abord, ce sont les barrages talibans, à quelques mètres des portes de l'aéroport. Dans un premier temps, des militaires américains font face à leurs ennemis talibans, pour l'instant en bonne intelligence. La coopération, le pacte de non-agression semble tenir. Ensuite, on a pris un convoi sécurisé dans des bus civils, encadrés par une escorte de sécurité, avec des barrages talibans tous les 20 ou 30 mètres, notamment aux alentours de l'aéroport. Dès qu'on sort de l'aéroport, les talibans sont partout, harnachés avec Kalashnikov, matériel militaire. Ils sont très bien équipés puisqu'on sait qu'ils ont récupéré une partie du matériel abandonné par les troupes américaines qui étaient stationnés un peu partout dans le pays. On a pu se déplacer de manière assez sécurisée, stable, sans trop d'efforts ni de tension jusqu'à notre hôtel, qui lui-même est contrôlé par les talibans. Donc, en théorie, notre sécurité est garantie, sachant que nous sommes gardés par des talibans. A priori, nous n'avons rien à craindre.
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