Afghanistan : quels pays sont prêts à accueillir les réfugiés afghans ?
Alors que les évacuations menées par les Occidentaux touchent à leur fin, plusieurs Etats ont annoncé leur intention d'accueillir des réfugiés afghans. D'autres, en revanche, sont plus réticents.
L'angoisse s'accentue chaque jour un peu plus pour les milliers d'Afghans massés autour de l'aéroport de Kaboul. Ils espèrent encore pouvoir quitter l'Afghanistan, désormais aux mains des talibans, en montant à bord d'un des avions affrétés par les Occidentaux. Mais ce pont aérien touche à sa fin.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a assuré mercredi 25 août que les talibans s'étaient engagés à laisser partir des Afghans après la date fatidique du 31 août. Cependant, 24 heures auparavant, le président des Etats-Unis, Joe Biden, a confirmé que ses troupes devraient avoir terminé leur mission d'évacuations d'ici là. Compte tenu de cette annonce, le Premier ministre français, Jean Castex, a précisé jeudi que les opérations françaises prendraient fin vendredi soir. La Belgique a dit mettre fin aux siennes dès mercredi soir, et les Pays-Bas doivent en faire de même jeudi.
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Selon Washington, 88 000 personnes ont été évacuées depuis la mise en place du pont aérien le 14 août, un jour avant la prise de Kaboul par les talibans. Quels pays se disent prêts à les héberger ? Franceinfo fait le point.
Les pays frontaliers en première ligne
Dès la fin du mois de juillet, alors que les talibans menaient leur offensive éclair à travers le pays, le Tadjikistan, qui partage une frontière de 1 300 kilomètres avec l'Afghanistan, avait commencé à se préparer à faire face à l'arrivée de nombreux réfugiés. Il est "actuellement possible de recevoir et d'installer environ 100 000 réfugiés d'Afghanistan" sur des terrains d'entraînement militaire au Tadjikistan, avait déclaré lors d'un point-presse le numéro deux du comité tadjik chargé des situations d'urgence. Les autorités travaillent avec les organisations internationales et stockent des tentes, des matelas et d'autres équipements, avait-il précisé, ajoutant que son pays pourrait accueillir encore plus de réfugiés si nécessaire.
L'Ouzbékistan et le Turkménistan "sont moins hospitaliers", souligne Courrier international (article réservé aux abonnés). Le premier n'a pour l'heure "endossé aucune responsabilité" au sujet de l'accueil des réfugiés, rapporte l'hebdomadaire, s'appuyant sur un article du quotidien russe Nezavissimaïa Gazeta. Citant un expert, le même journal évoque l'éventualité d'un accueil ciblé de femmes, personnes âgées et d'enfants afghans par l'Ouzbékistan, "si la situation se dégrade".
Les pays de "transit" inquiets
Le retour au pouvoir des talibans a réveillé la crainte d'une crise migratoire similaire à celle de 2015 liée notamment à la guerre en Syrie. Des millions de personnes avaient alors afflué vers l'Europe. Les pays de "transit", comme la Turquie et la Grèce, s'étaient retrouvés dépassés. Avec la crise afghane, Ankara et Athènes redoutent de vivre un épisode similaire.
"La Turquie est confrontée à une vague migratoire croissante d'Afghans qui transitent par l'Iran", a signalé mi-août le président turc, Recep Tayyip Erdogan. "Une nouvelle vague migratoire est inévitable si des mesures nécessaires ne sont pas prises en Afghanistan et en Iran", a-t-il déclaré quelques jours plus tard. Dans l'espoir de la stopper, son pays a accéléré la construction d'un mur frontalier avec l'Iran. Le président turc a également appelé les pays européens à respecter leurs engagements en matière d'accueil de réfugiés.
VIDEO: Turkey is building a wall along its border with Iran to prevent a new influx of refugees, mainly from Afghanistan as the Taliban take over the country.
— AFP News Agency (@AFP) August 17, 2021
For now, a 5km section is under construction but Turkey is aiming to build a 295km-long wall on its Iranian border pic.twitter.com/YJAZgUOEGa
De son côté, Athènes a annoncé que la construction d'un mur de 40 kilomètres le long d'une rivière qui sépare l'Etat européen et la Turquie, est terminée. D'après l'exécutif hellène, des renforts doivent être déployés sur la frontière terrestre et sur les îles de la mer Égée. La frontière grecque "va rester sûre et impénétrable", veut croire le ministre grec de la Défense.
Désaccord au sein de l'Union européenne, pas d'objectif chiffré
La présidente de la Commission européenne a exhorté samedi "tous les Etats qui ont participé aux missions en Afghanistan, les Européens et les autres, à accorder des quotas d'accueil suffisants". Ursula von der Leyen a également assuré les Etats membres de l'Union européenne du soutien financier de Bruxelles s'ils acceptent d'accueillir des réfugiés. Reste que la question de l'accueil des migrants est des plus sensibles au sein de l'UE qui ne parvient pas à élaborer une politique d'asile commune.
En France, Emmanuel Macron a certes appelé à "anticiper" l'arrivée éventuelle d'Afghans, mais il a aussi jugé qu'il fallait se "protéger contre des flux migratoires irréguliers importants". L'Autriche, gouvernée par le chancelier conservateur Sebastian Kurz, entend pour sa part faire pression sur l'UE pour qu'elle contribue à la mise en place de "centres de rétention" dans les pays voisins de l'Afghanistan pour y détenir les Afghans expulsés d'Europe, a déclaré le 18 août son ministre de l'Intérieur. La Slovénie, qui occupe actuellement la présidence tournante de l'UE, a exprimé son opposition à l'accueil de migrants.
Depuis le début des opérations d'évacuation, neuf avions français ont atterri à Roissy Charles-de-Gaulle. Plus de 1 500 Afghans ont ainsi rejoint le sol français après avoir transité par Abou Dhabi, a chiffré le ministère des Armées mercredi. En Espagne, le Premier ministre est resté flou samedi sur les chiffres : un certain nombre d'Afghans sont arrivés ces derniers jours dans un centre d'une capacité d'accueil de "800 personnes", mais ceux-ci étaient déjà repartis vers d'autres pays, notamment "le Danemark et certains dans des pays baltes".
Des promesses du Canada, des Etats-Unis et du Royaume-Uni
Certains pays ayant participé à l'intervention militaire lancée il y a vingt ans, ont annoncé, avant même la prise de Kaboul par les talibans, le 15 août, leur intention d'accueillir des réfugiés afghans. Le Canada a ainsi déclaré, deux jours avant, qu'il était prêt à héberger 20 000 réfugiés afghans dans le cadre d'un nouveau plan d'immigration. A ce titre, Marc Garneau, le ministre des Affaires étrangères canadien, a affirmé sur Twitter que le Canada avait "une dette envers les Afghans".
Les Etats-Unis ont également expliqué dès le 2 août que "plusieurs milliers d'Afghans et [les] membres de leur famille immédiate" pourraient "bénéficier des programmes d'admission de réfugiés", notamment ceux qui "ne sont pas éligibles aux visas d'immigration spéciaux" octroyés à une partie des interprètes, traducteurs et autres auxiliaires afghans de l'armée américaine. Le dispositif implique cependant la relocalisation temporaire des réfugiés dans des pays tiers de la région, le temps de l'examen de leur demande de visa américain. Le Kosovo a déjà annoncé qu'il acceptait "sans hésiter". Même réponse du côté de l'Albanie.
Mardi, Londres avait évacué plus de 5 000 Afghans, selon le décompte tweeté par le ministère de la Défense britannique (contenu en anglais). Le gouvernement britannique a l'intention d'accueillir 20 000 Afghans, par le biais d'un dispositif spécifique, mais à long terme. Ce nouveau programme s'inspire de celui mis en place pour l'accueil de 20 000 réfugiés syriens entre 2014 et 2021.
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