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Afghanistan : pourquoi la situation dégénère depuis le retrait des troupes américaines

Les troupes américaines doivent achever leur retrait au plus tard fin août, mais la situation est déjà critique dans le pays. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un membre des forces armées afghanes patrouille à proximité d'une zone contrôlée par les talibans à Kandahar (Afghanistan), le 16 juillet 2021. (SANALLAH SAYAM / SPUTNIK / AFP)

Ils étaient une centaine de Français ou d'employés de l'ambassade de France à embarquer à 8 heures tapantes, à l'aéroport international de Kaboul, samedi 17 juillet, à bord du dernier vol à destination de l'Hexagone pour une durée indéterminée. Et ce n'est pas la pandémie de Covid-19 qui est en cause, mais bien la crise en cours en Afghanistan depuis l'annonce du départ des troupes américaines et de leurs 2 500 hommes d'ici au 11 septembre 2021. Franceinfo revient sur les raisons des difficultés rencontrées dans le pays.

L'armée afghane a perdu ses soutiens

Si les troupes américaines ont entamé leur retrait en mai, elles ne sont pas les seules troupes étrangères à quitter le pays : la coalition de l'Otan a ainsi rappelé ses quelque 7 000 militaires venus d'Allemagne, d'Espagne ou encore d'Italie. En l'espace de quelques mois et après deux décennies de présence occidentale, le pays s'est retrouvé privé de près de 10 000 hommes chargés du maintien de la sécurité et du soutien aux forces afghanes.

Début juillet, les Américains ont également quitté la base aérienne de Bagram, la plus vaste du pays, située à 50 km de Kaboul, la restituant à l'armée afghane. Selon le président américain, Joe Biden, le retrait américain, déjà effectué à 90%, sera achevé le 31 août. Restent sur place les 180 000 soldats de l'armée nationale afghane pour faire face à la menace talibane. 

Les talibans ont lancé une offensive

Quand les forces étrangères, présentes depuis 20 ans dans le pays, ont entamé leur retrait définitif, les talibans y ont vu l'occasion de reprendre l'ascendant. Ils ont alors lancé une offensive tous azimuts contre les forces afghanes et n'ont jamais été aussi puissants. Ils se sont ainsi emparés de postes-frontières avec l'Iran, le Turkménistan et le Tadjikistan. Ils privent de fait les autorités afghanes de taxes et droits de douane, et les grandes villes de l'approvisionnement des pays voisins.

>> Les questions qui se posent en Afghanistan à l'approche du départ des troupes américaines

Les insurgés contrôlent désormais de vastes territoires ruraux, notamment dans le nord et l'ouest de l'Afghanistan, loin de leurs bastions traditionnels du sud du pays. "Il y a eu une progression marquée des talibans ces dernières années, témoignait ainsi Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques, à franceinfo. La plupart des grandes routes sont coupées et ils sont désormais présents dans les campagnes et dans les banlieues de certaines grandes villes."

Plusieurs districts de provinces voisines de Kaboul sont également tombés entre leurs mains, laissant craindre qu'ils n'attaquent prochainement la capitale et son aéroport, seule voie de sortie de la ville pour les étrangers. Alors qu'au mois d'avril, les talibans ne contrôlaient qu'une cinquantaine de provinces sur les 370 que compte le pays, deux mois plus tard, ils étaient en possession de 85% du territoire, a assuré un de leurs représentants lors d'une conférence de presse le 9 juillet. 

L'armée afghane se retrouve en difficulté

Privées du crucial soutien aérien américain, les forces armées afghanes n'ont opposé jusqu'ici qu'une faible résistance face aux ennemis talibans et ne contrôlent plus que les grands axes et les capitales provinciales. Elles se retrouvent souvent encerclées par les talibans, poussant certains militaires à prendre la fuite au Tadjikistan voisin ou à rendre les armes, comme le raconte ce reportage de France 2 :

Les combats se sont intensifiés ces dernières semaines. Vendredi, les forces afghanes ont tenté de reprendre le contrôle d'un poste-frontière avec le Pakistan, à Sin Boldak, dans le sud du pays, après qu'il est tombé aux mains des talibans deux jours plus tôt. L'armée a pu atteindre le marché de la ville, rapporte le porte-parole de la police de la province de Kandahar.

Un système de défense capable d'intercepter roquettes et missiles a aussi été déployé le 11 juillet aux abords de l'aéroport, d'après le ministère de l'Intérieur. Une solution de dernier recours pour protéger cette voie de sortie pour les ressortissants internationaux. Mais cela ne suffit pas à rassurer la communauté internationale. Ces derniers jours, d'autres pays parmi lesquels l'Inde, la Chine, l'Allemagne et le Canada, ont, comme la France, rapatrié leurs ressortissants ou leur ont demandé de quitter le territoire.

De quoi faire craindre le pire à la population, qui ne veut pas perdre ses libertés chèrement acquises depuis 20 ans. "Ma fille n'aura pas le droit de travailler, d'étudier, ni même le droit de vivre", s'inquiète un père de famille afghan interrogé par franceinfo. Il souhaite désormais fuir le pays. "L'autre jour, je pleurais devant mes élèves", raconte de son côté un professeur d'anglais. "Je leur ai dit que j'ai échoué à leur faire garder espoir. Ils pleuraient avec moi. Toute une génération pleure. Toute une génération est inquiète de ce qu'il va se passer ici."

Les négociations sont au point mort

Quid d'un éventuel cessez-le-feu ? Si les combats ne cessent pas sur le terrain, des pourparlers sont en cours entre le gouvernement afghan et les talibans à Doha, la capitale du Qatar. Les deux parties se rencontrent régulièrement depuis des mois pour tenter de trouver une solution au conflit. Néanmoins, des sources proches des discussions ont laissé entendre que ces dernières battaient de l'aile, les talibans ayant gagné du terrain sur le champ de bataille.

Côté gouvernement afghan, la porte-parole de l'équipe de négociation a toutefois émis l'espoir que les deux parties parviendront rapidement à un accord. "La délégation de haut niveau est ici pour parler aux deux parties, les guider et soutenir l'équipe de négociation [du gouvernement] pour accélérer les pourparlers et faire des progrès", a-t-elle déclaré samedi.

Les talibans ont pour leur part appelé le gouvernement afghan à montrer "une volonté réelle et sincère" pour mettre fin à la crise. "Nous sommes prêts pour le dialogue, les pourparlers et les négociations. Notre priorité est de résoudre les problèmes par le dialogue", a assuré le porte-parole des talibans, Mohammed Naïm, sur la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera.

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