Afghanistan : comment les pays européens envisagent-ils l'accueil des réfugiés ?
Les Etats membres de l'UE ne parviennent pas à s'accorder sur une politique commune d'accueil, à court ou long terme, des Afghans qui ont fui le pays tombé aux mains des talibans.
L'Europe sera-t-elle une terre d'accueil ? La prise de Kaboul et le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan ont poussé des milliers d'Afghans à quitter leur pays. L'immense majorité va rester dans la région, accueillie par un pays voisin. Certains, évacués par les forces occidentales, vont trouver refuge de l'autre côté de l'Atlantique, mais l'Union européenne prévoit aussi l'arrivée d'Afghans sur son territoire et cherche une solution commune délicate au vu des divergences très nettes entre les Etats membres.
Les ministres de l'Intérieur de l'UE, réunis mardi à Bruxelles, comptent surtout sur les voisins de l'Afghanistan pour que les réfugiés fuyant les talibans restent dans la région. Le président du Parlement européen, David Sassoli, s'est toutefois dit mercredi 1er septembre "très déçu" par la frilosité des pays membres de l'UE sur la question migratoire, appelant l'UE à "prendre ses responsabilités". On vous résume les principales positions des pays européens concernant l'accueil, au moins à court terme, des réfugiés.
Une poignée de pays prêts à accueillir des réfugiés
Les pays européens qui ont posé les bases de l'accueil des Afghans rapatriés ne sont pas nombreux. L'Espagne en fait partie. Madrid a évacué de Kaboul environ 2 200 personnes, dans leur immense majorité des Afghans, dont plus de 1600 relevaient "du contingent de l'Espagne" (c'est-à-dire des Afghans travaillant pour l'Espagne et leurs familles). Le pays a aussi accepté d'accueillir les collaborateurs afghans des institutions de l'UE et leurs familles, avant leur répartition entre divers pays membres. Madrid a, par ailleurs, conclu un accord avec les Etats-Unis aux termes duquel l'Espagne pourra accueillir jusqu'à 4 000 Afghans évacués par les Américains sur les bases militaires de Rota et Morón de la Frontera, en Andalousie, qui sont utilisées par les deux pays.
De son côté, l'Italie a été "le premier pays de l'Union européenne pour le nombre des ressortissants afghans évacués", s'est félicité le ministre des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, alors que son pays a accueilli "près de 5 000 Afghans". "Il y a encore tant de ressortissants afghans qui attendent d'être évacués et nous ne pouvons plus le faire avec le pont aérien, mais nous sommes prêts, avec les Nations unies, avec les pays limitrophes de l'Afghanistan, à travailler pour garantir la même possibilité à ces personnes qui ont collaboré avec nous ces 20 dernières années", a ajouté le ministre italien.
Du côté du Luxembourg, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, s'est prononcé en faveur d'un accueil massif de réfugiés afghans dans une interview au quotidien allemand Die Welt (en allemand) : "l'Union européenne devrait être prête à fournir 40 000 à 50 000 places".
Enfin, si le Royaume-Uni a quitté l'UE après le Brexit, son Premier ministre, Boris Johnson, a promis mercredi d'accueillir "chaleureusement" des réfugiés afghans. "Nous avons une immense dette envers ceux qui ont travaillé avec les forces armées en Afghanistan et je suis déterminé à leur donner, ainsi qu'à leurs familles, le soutien dont ils ont besoin pour reconstruire leur vie ici au Royaume-Uni", a-t-il déclaré. Le gouvernement britannique a annoncé son intention d'accueillir 20 000 Afghans à long terme.
Plusieurs Etats refusent tout accueil
La Slovénie, qui assure la présidence tournante du Conseil de l'UE, a manifesté son hostilité à l'accueil des réfugiés afghans par l'intermédiaire de son Premier ministre, Janez Jansa. "L'UE n'ouvrira aucun couloir de migration depuis l'Afghanistan. Ce n'est pas le devoir de l'UE ou de la Slovénie d'aider et de payer tous les gens de la planète qui fuient au lieu de lutter pour leur pays", a-t-il tweeté.
Le chancelier conservateur autrichien, Sebastian Kurz, a promis que son pays n'accueillerait pas d'Afghans, alors que le pays compte déjà quelque 40 000 réfugiés afghans sur son territoire, un effort déjà "disproportionné", selon lui. Le Danemark et la Hongrie affichent la même fermeté. La Pologne, dirigée par les conservateurs nationalistes, a refusé de venir en aide au cours du mois d'août à une trentaine de migrants afghans et kurdes, selon des ONG, coincés à la frontière avec la Biélorussie et a annoncé l'installation d'une solide clôture de barbelés, haute de 2,5 mètres.
Au-delà des personnes évacuées, certains pays redoutent les entrées illégales sur leur territoire. La Grèce a terminé la construction d'un mur de 40 km dans la région d'Evros, le long de sa frontière avec la Turquie, ainsi que l'installation d'un système de surveillance. Le pays a assuré que ses forces aux frontières étaient "en alerte". La Bulgarie lui a emboîté le pas en déployant entre 400 et 700 militaires à ses frontières avec la Grèce et la Turquie.
Par ailleurs, six Etats membres de l'UE (Belgique, Danemark, Allemagne, Grèce, Pays-Bas et Autriche) ont adressé début août une lettre à la Commission européenne demandant de ne pas suspendre les expulsions de migrants afghans, malgré un appel de l'Afghanistan à les suspendre.
Une préférence pour l'aide aux voisins de l'Afghanistan
Pour éviter une nouvelle crise migratoire comme en 2015, les Vingt-Sept se sont engagés mardi à soutenir les pays voisins de l'Afghanistan. La Commission européenne est appelée à présenter des propositions pour aider notamment le Pakistan et le Tadjikistan, dans le cadre du budget européen. Le Monde rappelle que le Pakistan accueillait déjà 55,4% (soit 1,4 million) des réfugiés afghans à l'étranger, en 2020.
L'aide envisagée proviendra notamment d'une enveloppe de 80 milliards d'euros pour la période 2021-2027. L'UE a déjà annoncé le quadruplement de son aide humanitaire pour 2021 à 200 millions d'euros à l'Afghanistan et aux pays voisins. "Le meilleur moyen d'éviter une crise migratoire est d'éviter une crise humanitaire, a estimé la commissaire européenne Ylva Johansson. C'est pourquoi nous devons soutenir les Afghans en Afghanistan" par le biais des organisations internationales "sur le terrain".
L'Allemagne et la France sont favorables à cette mesure de soutien. Le ministre allemand Horst Seehofer a estimé qu'il fallait faire en sorte que les migrants "restent près de chez eux et de leur culture", soulignant toutefois que les "personnes particulièrement menacées" devraient pouvoir venir dans l'UE. La France a insisté sur la "cohérence entre l'accueil de réfugiés et la fermeté des contrôles", par la voix de Gérald Darmanin. L'objectif est d'"aider tous ceux qui nous ont aidés, sont pourchassés par les talibans, mais ne pas accepter une immigration qui ne serait pas contrôlée". Lors de sa visite du centre pour les employés afghans de l'UE à Madrid, Charles Michel, le président du Conseil européen, avait expliqué qu'il fallait trouver "l'équilibre entre la dignité du projet européen et la capacité (…) de garantir la sécurité".
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