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Affaire Petraeus : portrait des deux femmes au coeur du scandale

Parmi les protagonistes de cette mystérieuse affaire qui ébranle Washington, deux femmes : Paula Broadwell, la maîtresse et biographe. Et Jill Kelley, l'amie qui a fait éclater -malgré elle ?- ce scandale à répétition.
Article rédigé par Cécile Quéguiner
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
  (Reuters)

À l'origine de la démission de David Petraeus, une liaison amoureuse. Le directeur de la CIA aurait entretenu une relation extra-conjugale avec sa biographe, Paula Broadwell, 40 ans. Mais pour que l'affaire éclate et que Petraeus démissionne, il aura fallu une enquête du FBI déclenchée par Jill Kelley. Celle-ci affirme recevoir des mails de menace. Les agents fouillent. Et découvrent que ces mails proviennent de Paula Broadwell. Simple intrigue amoureuse ? Chantage ? Complot ? Portrait de ces deux brunes, mariées, au coeur d'une affaire qui secoue Washington depuis la réélection de Barack Obama.

Lire USA: Que sait-on de la mystérieuse démission du directeur de la CIA ?

L'"ambitieuse" Paula Broadwell 

"Mère, bonne voisine, et maintenant ? " C'est ainsi que le New York Times  titre son portrait de Paula Broadwell. Le quotidien américain tente de cerner la personnalité de celle qui fut vraisemblablement la maîtresse de David Petraeus. Publiquement, on la décrit comme "brillante ", "ambitieuse ", "obstinée ", "sûre d'elle " lors d'une interview au Daily Show en janvier 2012 où "ses bras nus et athlétiques " avaient fait beaucoup gloser sur Twitter.

La mère ordinaire Une femme presque ordinaire pourtant aux dires de ses voisins de Charlotte en Caroline du Nord, tempère le journal. Pour eux, Paula Broadwell apparaît comme une "simple maman, mariée à un radiologue, dînant aux chandelles avec sa petite famille, accompagnant ses deux fils à l'arrêt de bus tous les matins, le genre à préparer un barbecue improvisé pour accueillir de nouveaux voisins  ". Deux profils aux antipodes pour cette femme devenue "une curiosité nationale ". 

Un petit détour par son compte Twitter  ne dira pas plus de cette belle brune, sinon qu'elle s'y dépeind comme "auteure, experte en Sécurité nationale, vétérinaire militaire, activiste féministe, joggueuse/skieuse,surfeuse, femme, mère ! " On notera quand même la teneur de   -avant le scandale- qui livre un lien vers son dernier article consacré aux règles de vie de... David Petraeus. 

L'étudiante obstinée Petraeus, son amant, mais son sujet d'étude d'abord ! C'est lors d'une réception à l'université d'Harvard, au printemps 2006, que Paula Broadwell, réserviste de l'armée redevenue étudiante, rencontre David Petraeus pour la première fois. Selon The Charlotte Observer , quand elle lui raconte son intérêt pour l'antiterrorisme, il lui tend sa carte de visite et promet de l'aider. Contact est pris. 

Deux ans plus tard, alors qu'il a pris le commandement des forces américaines en Irak, elle décide de consacrer son doctorat à ses méthodes de commandement. Et se voit invitée à partager son footing le long du Potomac. Une simple doctorante scrutant son sujet... de près. Puis le voilà en 2010 nommé à la tête des forces américaines en Afghanistan. Elle propose alors de s'atteler à sa biographie autorisée, obtient des laisser-passer inédits et lui rend visite régulièrement sur le terrain pour le voir à l'oeuvre. 

La "Lewinsky du Pentagone" Mais ce n'est qu'à la fin 2011 que leur relation adultère débute, selon leurs proches. Deux mois après le départ de David Petraeus de l'armée et sa nomination à la tête de la CIA. La biographie co-écrite par Paula Broadwell, All In : The Education of General David Petraeus,  sort en janvier 2012, devient un best-seller. La liaison elle prend fin au début de l'été dernier. 

Liaison dangereuse ? Tempétueuse ? Beaucoup de questions demeurent sur le rôle de Paula Broadwell, à mesure que filtre le contenu des correspondances épluchées par le FBI. Pourquoi a-t-elle envoyé ces lettres de menace à Jill Kelley ? Selon CBSNews, elle aurait, anonymement toujours, prévenu son amant, aussi par mail, que Kelley était "une séductrice " dont il devait se méfier. Vulgaire histoire de jalousie ? Le mystère plane toujours étant donné les hautes fonctions de l'amant. Car pourquoi détenait-elle des documents militaires, dont des documents classifiés, chez elle ? Si elle a déserté sa maison de brique de Charlotte pour fuir les caméras, elle aurait indiqué ce mardi aux agents du FBI où trouver ces documents.

"Et après ? ", titrait le New York Times . Cette affaire pourrait faire tâche sur l'impeccable CV de celle que plusieurs journaux américains ont rebaptisé "la Lewinsky du Pentagone ". En attendant, le visage de l'"ambitieuse " a reparu ce mardi, pour la première fois depuis la démission de Petraeus : photos volées d'une femme cernée, au propre comme au figuré.

La "mondaine" Jill Kelley 

"Comment se sent-on dans la peau de Jill Kelley aujourd'hui ? ", demande CNN  sur son site cinq jours après le début du scandale. Jill Kelley, 37 ans, la femme qui a fait tomber le premier espion des États-Unis, écrit le site américain, est une "mondaine, qui organise des ventes de charité pour les soldats de Tampa et vit avec son mari cancérologue et ses trois filles ". Le reste, à croire CNN , n'est que propos "salace et méchant ". 

La bénévole de la base de Tampa L'entrée en scène de la deuxième brune de cette affaire remonte à 2008, quand le général Petraeus, entre l'Irak et l'Afghanistan, est nommé au commandement central des forces américaines. Il est stationné alors à Tampa, en Floride, où travaille bénévolement Jill Kelley comme "agent de liaison sociale", affirme la presse américaine, ce qui, selon le Washington Post, ne serait qu'une invention de journaliste pour qualifier poliment cette femme qui aime les mondanités et les uniformes. À la différence de Paula Broadwell en tout cas, elle a mis ses études de médecine de côté pour se consacrer à sa famille et ses bonnes oeuvres. Issue d'une famille maronite du Liban qui a émigré dans les années 70 aux États-Unis, elle apparaît comme une figure de Tampa. Et y habite une somptueuse demeure de 5.000 m² sur les hauteurs de la ville. 

L'amie très proche Quelles relations entretenait-elle avec David Petraeus ? Relations amicales, jurent-ils. Dans un communiqué livré dimanche, Jill et son mari Scott Kelley ont expliqué être amis avec la famille Petraeus depuis cinq ans. Le haut-gradé va plus loin, selon Le Figaro , quand il confie à des amis une relation "platonique " avec cette femme élégante, qui minaude à maintes reprises à ses côtés sur la photo, à l'occasion de raouts caritatifs ou de rencontres en famille. 

Son comportement finira manifestement par irriter Paula Broadwell, qui voit en elle une rivale, une dangereuse "séductrice ", à qui elle enverra une abondante correspondance anonyme. Jill Kelley a-t-elle déjà identifié son corbeau, quand elle saisit le FBI cet été de ces menaces qui s'accumulent dans sa boîte mail ? A-t-elle surtout imaginé la suite ?

Des développements inattendus... Les enquêteurs, au cours de leurs investigations pour démasquer l'auteur de ces menaces, tombent sur une autre correspondance. Celle qu'elle entretenait avec le général John Allen, promis au commandement suprême de l'Otan. Correspondance "déplacée ", confinant au "flirt ", qui vaut au général une enquête et la suspension de sa nomination. "Déplacée " par le volume, précisera le secrétaire américain à la Défense, ce qui peut représenter "une conduite inconvenante pour un officier ". John Allen, en tout cas, nie "toute relation extraconjugale " avec elle, mais l'appelerait "mon coeur " dans sa troublante correspondance électronique, selon un de ses proches.  

Mais les théoriciens du complot surtout semblent s'être retrouvés autour du personnage de Jill Kelley. Alimenté par certains médias américains, évoquant son rôle officieux dans les relations entre les Etats-Unis et le Liban ou un possible chantage auprès des deux gérnéraux, rapporte Le Figaro.  Alimenté aussi par le propre comportement de Jill Kelley. Celle-ci, raconte Le Figaro , se prévaut depuis l'affaire de sa qualité de "consul honorifique". Oublierait même l'adjectif honorifique dans sa correspondance. Et aurait réclamé indûment une protection diplomatique. Enfin, la presque quadra a choisi pour sa défense Abbe Lowell, l'ancien avocat de Monica Lewinsky : un détail qui contribue sans doute à relancer la machine à fantasmes dans la puritaine Amérique. 

 

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