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11 septembre 1973 : le Chili face à la dictature

Le 11 septembre 1973, Augusto Pinochet mobilisait l'armée pour renverser le président socialiste Salvador Allende. Ce jour-là, le général prend le pouvoir et plonge le pays dans une dictature sanglante qui va durer plus de 15 ans. Récit d'une journée historique pour le Chili.
Article rédigé par Pierrick de Morel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (Reuters)

A 83 ans, Pierre Kalfon se souvient très bien de ce matin du 11 septembre 1973. Professeur à l'Université du Chili et correspondant pour le journal Le Monde , le journaliste vit alors dans le quartier de Bairro Alto, en périphérie de Santiago.

Il est à peine sept heures du matin quand son téléphone sonne. "Un coup de fil d'une amie me réveille, et me dit : "Colle-toi tout de suite à la radio, c'est grave !". Effectitvement, il commençait à y avoir des musiques militaires et une information qui parlait d'un soulèvement de l'armée, et surtout de la Marine, à Valparaiso ", raconte-t-il.

Allende résiste, puis se suicide

Au moment où Pierre Kalfon est tiré de son lit, l'armée contrôle déjà la radio depuis 5 heures 45 du matin. Téléphones et télégraphes ont également été neutralisés.

Comprenant ce qui se passe, le président Salvador Allende, 65 ans, tente d'entrer en contact avec les putschistes. En vain. Il parvient à prononcer cinq allocutions radiophoniques et annonce son intention de "défendre le gouvernement qui représente la volonté du peuple ". Un avion est mis à sa disposition, mais il refuse de quitter le pays.

Dans la matinée, des chars d'assaut pénètrent dans la capitale chilienne. A 9 heures 10, le mitraillage du palais présidentiel de la Moneda débute, avant que des avions de chasse ne bombardent le bâtiment. Impuissants, les occupants de l'enceinte sortent avec un drapeau blanc pour se rendre.

Mais Allende n'est pas avec eux : le président est resté dans son palais pour se suicider avec son pistolet mitrailleur. Elu de justesse à la tête du pays trois ans plus tôt, il préfère mourir plutôt que de se rendre au général Augusto Pinochet. La dictature s'installe.

Washington contre le socialisme

Durant tous ces événements, Pierre Kalfon ne quitte pas son domicile. Il héberge des opposants politiques désormais recherchés par les militaires, ou les aide à se réfugier dans les ambassades. Pour le correspondant du Monde , ce coup d'Etat est organisé d'abord par les Etats-Unis, qui voient d'un très mauvais œil le gouvernement socialiste d'Allende.

"Edward Corry, l'ambassadeur des Etats-Unis au Chili, a été convoqué par Nixon" , raconte Pierre Kalfon. "Le président américain a expliqué à son ambassadeur qu'il fallait écrasé ce S.O.B [ndlr : Son of a bitch] d'Allende qui avait eu le front de se faire élire et de se déclarer marxiste dans la chasse gardée des Etats-Unis. "

Il faut dire que les Américains sont à l'époque très impliqués dans l'économie chilienne, notamment dans l'exploitation des mines de cuivres, première ressource du pays. En pleine guerre froide, tout gouvernement associé à du socialisme est très mal perçu à Washington.

La victoire de l'Unité Populaire - le parti d'Allende - en 1970 n'est donc pas une bonne nouvelle pour le pouvoir américain. "Je ne vois pas pourquoi nous resterions là sans bouger à contempler un pays sombrer dans le communisme, du fait de l'irresponsabilité de son peupl e", avait averti le secrétaire d'État Henri Kissinger. 

Des grèves financées par Washington

Dés son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement chilien met en place une politique de nationalisations. L'exploitation du cuivre est concernée. Une mesure qui n'était du goût ni des Américains, ni des catégories sociales aisées au Chili.

Avant le 11 septembre 1973, la situation était déjà tendue dans le pays, avec des mouvements de grève et des rétentions de marchandises par des petits commerçants. La pénurie s'aggrave le 25 juillet, avec une grève des transporteurs qui paralyse le pays.

On apprendra plus tard que chaque gréviste a touché 4 dollars par jour pour maintenir le blocus, un financement rendu possible grâce à des fonds particuliers qui transitaient... via l'ambassade des Etats-Unis.

De l'euphorie à la répression

Pour le Chili, ce 11 septembre 1973 marque le début de la dictature d'Augusto Pinochet. L'euphorie de la chute d'Allende cède rapidement la place à la désillusion.

Une répression sanglante s'abat sur la pays. L'état de siège est instauré, le Parlement dissous, les libertés syndicales suspendues, les partis politiques et la presse d'opposition interdits. Près de 100.000 personnes sont arrêtées.

Selon les estimations, sur les dix millions de personnes que comptait le pays en 1973, 3.200 ont été tuées ou ont disparu durant les années de dictature militaire. 35.000 ont été torturées. 200.000 Chiliens ont pris le chemin de l'exil.

Augusto Pinochet est resté près de 15 ans à la tête du pays. En octobre 1988, il organise un plébiscite destiné à renouveler son "mandat " à la tête du pays. A la surprise générale, il est rejeté à 56 %, un épisode célèbre de l'histoire chilienne récemment traité au cinéma dans le film No (2012)  de Pablo Larrain, avec Gabriel Garcia Bernal.

Mort sans avoir été jugé

Pinochet cède le pouvoir en 1990 à Patricio Aylwin, mais devient sénateur à vie et reste le chef de l'armée chilienne jusqu'en 1998, date de son arrestation à Londres. Une interpellation qui faite suite à une plainte internationale déposée en Espagne pour "génocide, terrorisme et tortures ".

En mars 2000, Augusto Pinochet est libéré "pour raisons de santé " et peut retourner au Chili. Il y meurt en décembre 2006, avant que les procédures judiciaires engagées contre lui n'aient abouti.

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