Un phénomène exceptionnel ? Un danger pour les habitants ? Quatre questions sur le volcan sous-marin découvert à Mayotte
Le volcan, d'une hauteur de 800 mètres, a été découvert en mai à une profondeur de 3 500 mètres sous la mer.
Le volcan sous-marin découvert en mai au large de Mayotte n'a pas encore livré tous ses secrets. Une troisième mission d'investigation va débuter mi-juillet pour tenter d'en savoir plus sur ce phénomène exceptionnel. S'il suscite l'excitation des scientifiques du monde entier, ce volcan génère une certaine inquiétude parmi les habitants du département français, qui s'interrogent sur l'éventuel danger qu'il pourrait représenter.
1Comment ce volcan a-t-il été découvert ?
Depuis un peu plus d'un an, Mayotte est confrontée à de nombreux séismes. Entre le 10 mai 2018 et le 28 juin 2019, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) y a comptabilisé pas moins de 1 931 séismes de magnitude supérieure à 3,5 sur l'échelle de Richter, soit une moyenne de quatre à cinq tremblements de terre par jour. Parmi eux, 539 étaient de magnitude supérieure à 4, et 32 ont dépassé la magnitude 5.
Situés en mer, regroupés à une dizaine de kilomètres à l'est de Petite-Terre, l'une des deux îles de l'archipel, ils forment ce qu'on appelle un essaim de séismes. Un phénomène inexpliqué qui a poussé les autorités à l'étudier. Une mission scientifique, intitulée Mayobs et regroupant de nombreux organismes de recherche (CNRS, BRGM, Instituts de physique du globe de Paris et Strasbourg, Ifremer...) s'est notamment rendue sur place à bord du navire Marion Dufresne. Les premières observations, dévoilées en mai dernier, ont mis en évidence la naissance d'un volcan sous-marin situé à 3 500 mètres de profondeur, d'une hauteur de 800 mètres et d'un diamètre de quatre kilomètres.
Ce volcan serait né à l'été ou à l'automne dernier et aurait grandi depuis. Une seconde mission sur place (Mayobs 2), menée en juin, a révélé une coulée de lave au sud du volcan, d'une surface de 8 km2 et d'un volume de 0,2 km3, signe de la présence d'une autre zone d'activité volcanique sous-marine.
2Est-ce un phénomène exceptionnel ?
La naissance d'un tel volcan est un phénomène rarement observé. "Un volcan de 800 mètres de haut qui surgit en moins d'un an, c'est assez extraordinaire. Un volcan vit longtemps et c'est rare de voir la naissance ou la mort de l'un d'entre eux", selon le vulcanologue Jacques-Marie Bardintzeff, interrogé par franceinfo.
"Sur les continents, il naît en moyenne un volcan par siècle. Dans les océans, c'est un peu plus souvent, mais comme on ne les observe pas facilement, on va dire que c'est la première fois qu'on observe quasiment en direct la naissance d'un volcan sous-marin", poursuit-il.
La naissance de ce volcan est également un événement pour Mayotte : "Le dernier tremblement de terre enregistré [avant l'essaim de séismes recensé à partir de 2018] sur le département remonte à 1993 et il était de faible intensité. On n'y connaissait pas non plus de volcan actif. Les traces d’activités volcaniques les plus récentes connues sur l’archipel remontent à 6 000 ans", indique dans une interview au Monde Eric Humler, qui a coordonné le projet.
3Pourquoi les scientifiques s'y intéressent-ils de près ?
Le phénomène intéresse particulièrement la communauté scientifique mondiale parce que les volcans sous-marins restent assez peu connus. "C'est la première fois qu'on documente un volcan [sous-marin] avec des images du fond", se réjouit la physicienne Nathalie Feuillet. La mission en mer menée en mai dernier, mobilisant une vingtaine de scientifiques, a notamment permis de draguer le volcan et de ramener des échantillons de lave.
La troisième mission Mayobs doit débuter ses travaux mi-juillet. L'objectif sera notamment de réaliser une cartographie de haute précision des fonds sous-marins, mais aussi d'étudier les panaches de gaz observés.
4Quels sont les risques pour les habitants de Mayotte ?
Si la découverte de ce volcan enthousiasme les scientifiques, les habitants de Mayotte, eux, sont plus circonspects face à l'éventuel danger qu'il réprésente. Le phénomène sismo-volcanique étant toujours à l'étude, "il serait imprudent de s'avancer sur les risques", affirme le géographe mahorais Saïd Hachim, cité par l'AFP.
Nouveaux tremblements de terre, tsunamis ? Difficile de prévoir à quels risques potentiels Mayotte pourrait être exposée, même si la fréquence des séismes diminue depuis plusieurs mois. Après la découverte du volcan, le gouvernement a annoncé la mise en place d'un plan d'action pour assurer la sécurité des habitants. Parmi les mesures figure, notamment, l'élaboration "d'un plan Orsec séismes". La couverture en instruments de mesure sera également améliorée grâce à "des moyens qui vont être affectés". Et un "suivi de ce qu'il se passe sur ce volcan" devrait permettre "d'évaluer les risques", notamment en termes de submersion de rivages.
Ce risque de submersion est d'autant plus pris au sérieux que Mayotte s'affaisse. La vidange d'une ou plusieurs poches magmatiques vers le volcan a provoqué l'affaissement de l'île de 130 millimètres en moyenne ainsi que son déplacement vers l'Est par basculement. Or, en temps normal, cet affaissement n'est que de 0,19 mm par an. "130 mm par rapport aux 0,19 mm (...), c'est comme si, en un an, l'île avait fait un bond dans le temps de 684 ans", s'alarme ainsi Saïd Hachim, rappelant que des inondations d'habitations en bord de mer avaient eu lieu en mai dernier, lors de grandes marées.
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