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Sécheresse et vagues de chaleur : quelles sont les conséquences sur la biodiversité en France ?

L'épisode de sécheresse qui touche la France hexagonale depuis le mois de juillet se poursuit. Et les conséquences néfastes sur la biodiversité commencent déjà à se faire sentir, avertit Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS.

Article rédigé par Rachel Rodrigues - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une grenouille dans la Loire près de Gien (Loiret), le 10 août 2022. A cause de la sécheresse, le débit du fleuve à Gien est descendu en-dessous du seuil de 45 m3/s.  (PATRICK GELY/SIPA / SIPA)

Alors que l'Hexagone a connu, la première semaine d'août, sa troisième vague de chaleur depuis juin, l'épisode de sécheresse se poursuit dans le pays. Face à ce qu'elle a qualifié de "sécheresse exceptionnelle" et à la "situation historique que traversent de nombreux territoires", la Première ministre, Elisabeth Borne, a également activé, vendredi 5 août, une cellule interministérielle de crise"Cette sécheresse est la plus grave jamais enregistrée dans notre pays" et "la situation pourrait perdurer sur les quinze prochains jours, voire devenir plus préoccupante encore", a souligné Matignon.

"Le déficit de précipitations par rapport aux normales dépasse les 80% sur le mois de juillet écoulé, après un printemps qui était déjà globalement sec. Cela a aggravé la sécheresse des sols, notamment", expliquait à franceinfo Frédéric Long, prévisionniste à Météo France. Dans le domaine agricole, plusieurs productions sont déjà touchées par ce manque d'eau, notamment le maïs, le blé et le fourrage. Qu'en est-il des conséquences sur la nature ? Quels sont les effets que la sécheresse et ces vagues de chaleur peuvent avoir à moyen ou long terme sur les différents milieux et espèces vivantes ? Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS, spécialisé en écologie forestière, répond à franceinfo. 

Franceinfo : Concrètement, quels effets ont la sécheresse et les vagues de chaleur sur la faune et la flore ? 

Jonathan Lenoir : La sécheresse a commencé au début de l'année avec un déficit en eau qui s'est établi dans les sols en janvier-février, à cause d'une baisse des précipitations et d'un manque de recharge des nappes phréatiques pendant l'hiver. Puis les trois vagues de chaleur que la France connaît depuis juin sont venues aggraver la situation. 

L'impact de la sécheresse et des vagues de chaleur se fait alors en cascade. En ce sens, c'est d'abord l'habitat qui va être perturbé avant que l'organisme des espèces ne soit affecté. A titre d'exemple, en forêt, les arbres ont le pouvoir de refroidir localement l'air par effet de pompage de l'eau, que les feuilles vont propager dans l'air ambiant sous forme de brumisateur.

Cela permet, en temps normal, à tous les habitants de la forêt de bénéficier de températures plus clémentes. Mais avec la sécheresse, les arbres se mettent en pause. Comme avec la climatisation qui s'arrêterait de fonctionner sans courant, les arbres s'arrêtent de jouer leur rôle de refroidissement s'ils n'ont plus d'eau. 

"Les feuilles commencent ensuite à sécher, et certaines commencent même à tomber, en plein milieu du mois de juillet. C'est comme si l'automne arrivait avant l'heure."

Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS

à franceinfo

Par effet domino, tout le microclimat de la forêt se retrouve affecté. Tous les organismes qui y vivent ressentent plus intensément les extrêmes de chaleur. Et les animaux doivent chercher des cachettes "au frais" pour se protéger des hautes températures. 

Quels sont les risques pour les espèces des milieux aquatiques ?

J.L : Dans certains écosystèmes, l'eau aussi se réchauffe et cela perturbe l'habitat des poissons et des amphibiens (grenouilles, crapauds) qui y résident. Plus le courant d'un cours d'eau est faible, plus sa température augmente vite. Dans des petites mares, par exemple, l'eau s'évapore rapidement. Résultat : tous les organismes vivants perdent leur habitat.

"Si l'eau se réchauffe trop vite, cela peut être létal pour certaines espèces qui n'arriveraient pas à trouver de cachettes 'au frais'." 

Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS

à franceinfo

Les organismes ne sont pas tous égaux face à l'augmentation des températures. Les espèces ectothermes – qui regroupent les poissons, les reptiles, les amphibiens et les insectes – sont incapables de réguler la température de leur corps, à la différence des espèces endothermes – comme l'être humain – qui sont capables de transpirer pour baisser leur température corporelle. C'est ainsi que certaines espèces peuvent mourir face à des changements trop brutaux de températures. 

Quelles conséquences la sécheresse et ces vagues de chaleur pourraient avoir à plus long terme sur la biodiversité ? 

J.L : Les différentes espèces vivantes vont se retrouver affaiblies et donc plus susceptibles d'être affectées par des maladies. Et de cette manière, il se pourrait qu'on observe des mortalités plus importantes au niveau des espèces, telles que les arbres, dans les années à venir. Leur croissance, en hauteur et en circonférence, sera aussi affectée si les épisodes de sécheresse se font de plus en plus rapprochés. Ce qui risque très fortement d'être le cas.

"Dans leur sixième et dernier rapport, les experts du Giec ont déjà averti qu'il fallait s'attendre à des épisodes extrêmes (sécheresse et vagues de chaleur) de plus en plus fréquents et de plus en plus rapprochés dans le temps."

Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS

à franceinfo

>> "Un terrible avertissement" : ce qu'il faut retenir du nouveau rapport du Giec sur les effets du réchauffement climatique

A plus long terme, l'ensemble des conséquences du réchauffement climatique (c'est-à-dire l'augmentation des températures moyennes et l'augmentation des extrêmes climatiques – sécheresse, vagues de chaleur) entraîne déjà ce qu'on appelle une "redistribution du vivant". En ce sens, plusieurs données collectées par des biologistes prouvent déjà qu'une migration des espèces est en cours.

"A l'instar des glaciers qui reculent dans les montagnes et de la banquise qui recule, plusieurs organismes vivants suivent ce mouvement et migrent en altitude."

Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS

à franceinfo

Cela concerne les insectes, dont certaines espèces de papillons qui, du fait de leur organisme qui dépend de l'environnement extérieur pour augmenter ou baisser leur température, réagissent plus rapidement aux changements extrêmes de température. En d'autres termes, ce type d'espèces doit immédiatement "déménager", changer d'habitat. C'est pourquoi nous pouvons tout particulièrement observer, lors de ces épisodes de sécheresse, la disparition d'espèces à un niveau très local. 

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