"On a passé la nuit à discuter avec eux" : une dizaine d'élus racontent leur veillée avec des sans-abri
Des édiles franciliens ont dormi dehors, la nuit de mercredi à jeudi, pour sensibiliser sur les conditions de vie des SDF. Ils réclament la réquisition du patrimoine public. Franceinfo a interrogé Mama Sy, élue de l'Essonne, à l'origine de l'initiative.
L'action avant les propositions. Onze élus d'Ile-de-France, de tous bords politiques, ont passé la nuit gare d'Austerlitz à Paris, mercredi 28 février, pour alerter sur le sort des sans-abri. Avant même d'avoir eu lieu, l'initiative a été vivement critiquée. "La responsabilité d'un élu de la République n'est pas d'aller dormir dans la rue pour faire 'plus vrai', mais de trouver des solutions pour sortir ceux qui y sont", a réagi le groupe PPCI (Parisiens Progressistes, Constructifs et Indépendants) du Conseil de Paris. Pas de quoi décourager les édiles, qui comptent maintenant émettre une série de propositions. Mama Sy, adjointe LR d'Etampes (Essonne) à l'origine de l'initiative, revient pour franceinfo sur ces quelques heures passées dans la rue.
Franceinfo : Comment s'est passée cette nuit ?
Mama Sy : Quarante-six élus ont fait le déplacement. Onze sont restés toute la nuit. Il faisait vraiment très froid, les conditions étaient compliquées mais nous sommes satisfaits car le message est passé. Sur la question des sans-abri, on ne se taira plus. Nous sommes des élus de différents partis politiques. Et sur cette question, on fait bloc.
Au final, nous n'avons pas dormi, nous avons passé la nuit à discuter avec des sans-abri.
Mama Syà franceinfo
Moi j'ai passé toute la nuit à discuter avec un sans-abri, qui a pu me raconter son parcours, son histoire. Cela nous a aussi permis de débattre. On va pouvoir ajuster nos propositions.
Lesquelles, par exemple ?
Avant cette nuit, je trouvais intéressante l'idée d'un maire belge d'obliger les SDF à se mettre à l'abri pour la nuit. Mais un sans-abri m'a expliqué que, quand on les arrêtait, on les conduisait souvent dans un hôpital psychiatrique où on leur donnait des cachets. Je n'avais pas conscience de ça, moi je voyais surtout l'aspect sécuritaire pour eux...
Vous avez essuyé de nombreuses critiques, comment les avez-vous reçues ?
Quand on a commencé à parler de l'opération, on nous a accusés de "démagogie", "de récupération", de "coup de communication". Je m'attendais à ces réactions car on s'attaque à un sujet sensible. Mais il n'y a pas d'intérêts personnels. On veut juste faire avancer les choses. Et on peut très bien être politisé et faire du terrain. Il faut que les choses bougent.
On a bien vu, cette nuit, que si les personnes dormaient dehors c'est parce qu'elles n'avaient pas eu de places dans des centres d'hébergement. Alors, il faut arrêter de mentir aux citoyens en disant que les gens qui sont dehors, c'est de leur plein gré.
Mama Syà franceinfo
Il faut avoir le courage de reconnaître qu'il y a un problème, qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. Sur place, on a eu une seule réaction négative. Un SDF assez virulent est venu à notre rencontre pour nous dire que notre action était hypocrite. Mais d'autres nous ont remerciés de mettre le sujet sur la table.
Que comptez-vous faire maintenant ?
Il faut poursuivre le diagnostic, c'est indispensable. Qui sont ces personnes à la rue ? Il faut continuer de parler avec elles, de travailler avec les associations qui sont sur le terrain au quotidien. Et puis, nous allons adresser une série de propositions au président de la République. Nous avons des demandes très concrètes, comme la réquisition du patrimoine public, que ce soit des anciennes casernes ou des anciennes écoles aujourd'hui inoccupées. Il faut des partenariats entre l'Etat et les collectivités. Ce serait plus cohérent que de payer des nuitées d'hôtels.
Par ailleurs, nous avons formulé un demande immédiate à Emmanuel Macron : la prolongation du plan "Grand froid", au-delà de dimanche, jusqu'à l'obtention de solutions pérennes. Cela implique le maintien des 6 000 places en centres d'hébergement.
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