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L'Ile-de-France est-elle bien préparée pour affronter les crues importantes ?

Des progrès notables ont été accomplis ces dernières années, mais des améliorations restent à apporter, tant pour éviter les crues que pour y faire face lorsqu'elles surviennent.

Article rédigé par franceinfo
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La Seine, photographiée à Paris le 8 janvier 2018. (MAXPPP)

A chaque crue remarquable de la Seine, un spectre ressurgit : celui de la catastrophe de 1910, lorsque Paris, submergé par son fleuve, avait subi d'énormes dégâts. La Seine, qui a atteint 5,48 mètres, jeudi 25 janvier à Paris, reste encore loin du niveau atteint il y a un siècle (8,62 m). Mais la montée des eaux observée ces derniers jours, un an et demi seulement après une crue comparable, suscite forcément une interrogation : la région parisienne est-elle bien préparée au risque d'une crue exceptionnelle ?

Dans un rapport publié mardi, l'OCDE estime qu'une dynamique indéniable d'amélioration des politiques publiques de prévention a été engagée depuis 2014 et s'est accélérée après les inondations de mai-juin 2016. Mais elle reste "encore en
retrait par rapport aux enjeux", souligne le document. Franceinfo se penche sur les moyens mis en œuvre pour répondre à une crue importante... et sur leurs limites.

Quatre réservoirs quasiment saturés

Le bassin versant de la Seine compte quatre lacs-réservoirs, dont le but est de réguler les eaux du fleuve. L'un est situé en bordure de Seine, près de Troyes (Aube), les autres se trouvent le long de ses affluents : l'Aube, la Marne et l'Yonne.  En période de sécheresse, ils se vident, permettant ainsi d'assurer le débit du fleuve. En période de crue, ils se remplissent, limitant ainsi la montée des eaux en région parisienne.

Mais ces bassins ne suffiront pas à protéger Paris en cas de crue exceptionnelle comme celle de 1910. Alors que la crue en cours n'atteindra son pic que samedi, les réservoirs étaient déjà remplis à 86% de leur capacité mercredi, la situation la plus critique étant celle du réservoir de l'Aube, rempli à 98%.

Depuis une vingtaine d'années, la construction d'un cinquième lac, au confluent de l'Yonne et de la Seine, est à l'étude. La crue de 2016 a remis ce projet au goût du jour et le premier coup de pioche est envisagé pour 2021. Selon l'OCDE, si cet ouvrage avait existé, la crue observée à Paris (6,10 m) n'aurait pas dépassé les  5,80 m. Toujours pas de quoi empêcher une crue centennale...

Des digues qui protègent plus ou moins bien

Alors que les lacs-réservoirs permettent d'agir sur le niveau des cours d'eau, les digues, elles, permettent de protéger des zones identifiées d'éventuelles inondations. Mais ces "infrastructures de protection locales enregistrent des progrès plutôt faibles", souligne l'OCDE. La question de l'entretien des ouvrages de protections le long du fleuve (digues et murettes), inégal et laissant des carences au niveau local, reste "à traiter", pointe l'organisation.

Les digues et murs construits le long de la Seine, à Paris, sont notamment plus importants que ceux construits en banlieue. Et ils sont "pensés pour des phénomènes de moins grande ampleur" qu'une crue centennale, comme ce fut le cas en 1910, pointe Charles Baubion, analyste en politique de gestion de risques au sein de l'OCDE interrogé par Le Parisien. Les zones périphériques seraient donc particulièrement vulnérables en cas de forte crue, comme le montre notre carte.

Des acteurs mieux préparés...

Quelques mois avant la crue de 2016, un exercice d'une ampleur inédite avait été mené en région parisienne. Près de 90 acteurs (collectivités, institutions publiques, entreprises, etc.) avaient participé pendant deux semaines à cette simulation de crue majeure, baptisée EU Sequana.

Gestion des services d'urgence, alimentation électrique, problèmes sanitaires... "Sequana a permis de sortir des grands principes. Nous avons dépassé le simple exercice de table car il a fallu trouver de façon très pragmatique des réponses aux différents problèmes posés", se félicitait Jean-Paul Kihl, secrétaire général de la zone de défense et de sécurité de Paris, auprès du Monde.

Concrètement, "les académies de Paris et Versailles avaient testé leur capacité à assurer la continuité du service public, tandis que la RATP avait par exemple dressé des murs de parpaings autour de l’entrée de stations de métro, afin d’éviter leur inondation", liste Le Parisien.

... mais des infrastructures à améliorer

La résilience des infrastructures, c'est-à-dire leur capacité à continuer à fonctionner malgré la survenue d'une crue, reste toutefois à améliorer. Lors de l'épisode de mai-juin 2016, près de 17 000 personnes ont ainsi subi des coupures d’électricité. "Les grands opérateurs de réseaux ont décidé de coupures préventives pour le gaz, le chauffage urbain et l’assainissement. Des écoles, des lycées et des établissements culturels ont été fermés préventivement et des établissements de santé, évacués", observe l'OCDE.

Autre problème de taille soulevé par le rapport : la question du financement. "Malgré la mobilisation de moyens supplémentaires, il manque une stratégie de financement à la hauteur des enjeux économiques concernés", pointe le document.

Enfin, il est permis de se demander si les autorités se préparent vraiment au scénario le plus pessimiste. "Toutes nos défenses sont calquées sur une crue centennale de type 1910, mais que se passera-t-il si l'eau monte plus haut ? Les souterrains seront inondés, explique un consultant en gestion des risques interrogé par Le Point. Nous aurons probablement peu ou pas de morts, mais il faudra quatre à cinq ans de travaux pour retrouver un métro pleinement fonctionnel, tout le secteur du tourisme sera en berne et des entreprises partiront et ne reviendront peut-être jamais."

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