Intempéries dans le Sud-Est : "On est des laissés-pour-compte", s'indignent les habitants de certains quartiers
Des quartiers excentrés du Cannet et de Cannes déplorent le manque de mobilisation des secours et des autorités. Francetv info est allé à la rencontre de ces habitants, mardi 6 octobre.
"Vous êtes la seule à être venue jusqu'ici. Ils nous laissent à notre désarroi." "Ils", ce sont les policiers, les pompiers, les autorités. Mustapha, gérant d'un garage depuis treize ans dans le quartier de la Bocca Nord, à Cannes (Alpes-Maritimes), déplore leur manque de mobilisation. "On a dû aller chercher quelqu'un de la mairie pour le traîner jusqu'ici ce matin." Samedi, des branchages ont formé un bouchon en travers de la Grande Frayère. Cette rivière coule en bordure des bâtisses. En raison des pluies diluviennes, elle a débordé. Les habitants parlent d'une "vague".
Autour de Mustapha, tout est sens dessus dessous. Des voitures sont enchevêtrées. Certaines sont au milieu du chemin. "Celles-là, on ne sait même pas à qui elles appartiennent", poursuit-il en marchant.
Après son garage se trouvent des ateliers de menuisiers et de jardiniers. Plus loin, un magasin de produits pour les piscines. Tous s'activent pour remettre de l'ordre dans ce chaos. Ils sortent leurs outils de travail maculés de boue et constatent, effarés, les dégâts.
"On ne voit personne"
"C'est laborieux. On est des laissés-pour-compte", gémit Mustapha. Derrière lui, Antony nettoie la terrasse. Sa belle-sœur vit à l'étage, il est venu l'aider. "A part une dame bénévole venue nous apporter des bouteilles d'eau, on ne voit personne." Il hausse les épaules et continue de balayer.
Un couple de personnes âgées vit au rez-de-chaussée de la maison. Inquiet pour eux, Mustapha est venu les secourir samedi, à 23 heures, juste après l'orage. Il les a aidés à sortir. "Ils s'étaient réfugiés sur leur lit", relate-t-il. "Ils avaient de l'eau jusqu'au menton. Ils s'accrochaient au lustre", ajoute un voisin.
Ils ont sans cesse appelé les pompiers. En vain
Leur famille est finalement venue les chercher pour les héberger. Ce n'est pas le seul pâté de maisons isolé. Des habitants d'un autre petit quartier de Cannes, situé à proximité, ont bloqué une route, lundi, en signe de protestation. Ils se sentaient lésés et ont voulu se faire entendre.
"J'entendais le buffet monter au plafond"
De l'autre côté de la route, on est sur la commune du Cannet. Des policiers municipaux montent la garde à l'entrée d'un chemin. Avant samedi, c'était une route goudronnée. Plus loin se trouve le hameau du Carimaï. La direction est indiquée sur un tout petit panneau mais, après les intempéries qui ont ravagé les lieux, il faut passer plusieurs fois devant pour comprendre où tourner.
La rivière est parallèle au chemin, puis traverse le hameau. Trente-six maisons construites dans les années 1990. Seuls les murs de crépis beiges n'ont pas bougé. Des voitures sont cassées, d'autres à l'envers. Une basket blanche gît au milieu d'un tas de branches. Un gloussement retentit : une poule surgit d'une maison. Un vélo rose d'enfant est embourbé devant un garage, à côté d'une bonbonne de gaz.
Une habitante du hameau est morte samedi. Elle était la seule à vivre au rez-de-chaussée. "On avait un premier étage, heureusement. Sinon on serait morts noyés nous aussi", estime Rosette, retraitée de 67 ans. Elle est arrivée en 1999. Elle a été la gardienne de Carimaï pendant huit ans. Elle fêtait l'anniversaire d'un de ses petits-fils lorsque l'orage a éclaté.
J'allais servir le gâteau. J'ai entendu la pluie forte. J'ai eu peur donc j'ai fermé les volets. Mais ils ont explosé.
Rosette, ses quatre petits-enfants et trois de leurs parents ont alors décidé de monter à l'étage. "J'entendais la vaisselle se casser, le buffet monter au plafond", raconte-t-elle.
"Personne n'est venu nous aider"
L'eau est montée jusqu'à 2m50, "au moins". Rosette marque une pause dans son récit. Elle souffle. "J'ai un point dans la poitrine", s'excuse-t-elle avant de reprendre. "Un ami est venu à pied avec un copain à lui, qui est pompier volontaire. Sinon, on n'a pas vu de pompier. C'est vrai qu'il n'y avait plus de chemin, ils n'auraient pas pu venir... Mais on peut sauver des vies avec un hélicoptère", regrette-t-elle.
On était coupés du monde. Personne n'est venu nous aider. Pendant la catastrophe, on était abandonnés.
Rosette se sent aujourd'hui davantage soutenue. Elle s'est rendue à la mairie annexe du Cannet pour faire part de sa situation. Une adjointe a ouvert un dossier. La maire de la ville, Michèle Tabarot (Les Républicains), a reçu mardi les habitants du hameau de Carimaï les uns après les autres. "Elle est à leurs côtés. On comprend le désarroi des familles. C'est sain : ils expriment leur colère pour évacuer ce qu'ils ont vécu", commente l'entourage de la maire.
"Il nous faut un mobile-home !"
Mais dans la mairie annexe, certains sont encore excédés. "Où va-t-on dormir ?" s'écrie un homme accompagné de sa femme et de sa fille. "Qui a dit qu'il ne nous fallait pas de mobile-home ? On en veut un ! Il faut nous trouver quelque chose !" s'indigne cet habitant à bout de nerfs. Une élue assure qu'elle s'occupe de sa situation. Un autre tente de le calmer.
Rosette, elle, a dormi chez son fils pendant trois nuits. Depuis mardi soir, elle s'est installée à l'hôtel, pour une durée indéterminée. Les nuits sont prises en charge par son assurance. "J'ai récupéré quelques affaires, mais tout est mouillé", indique-t-elle. "Je n'ai plus que ça", ajoute-t-elle en désignant le col de sa chemise en jean. Elle garde espoir : "Il paraît qu'on va avoir un local pour stocker nos affaires. Et la route vers le hameau sera peut-être bientôt réparée... Mais le traumatisme est encore là. L'eau me fait peur maintenant. Je ne peux plus vivre au bord de la rivière."
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