Inondations : un an après, Lamalou-les-Bains déplore toujours "un phénomène impossible à prévoir"
En septembre 2014, quatre personnes sont mortes après une crue exceptionnelle dans cette station thermale de l'Hérault. Pourtant, la municipalité avait respecté toutes les règles en matière de prévention des risques.
Tout en bas du tableau d'accueil du camping Le Verdale de Lamalou-les-Bains, l'avertissement est toujours là, en lettres majuscules : "Mercredi 17 septembre. Alerte orange pluies fortes et violents orages. RESTEZ VIGILANTS." Presque rien n'a bougé depuis cette terrible nuit de 2014 durant laquelle une vague d'eau, de boue et de bois, haute de 6 mètres, est sortie du Bitoulet, la petite rivière voisine, emportant tentes et camping-cars. Le drame a fait quatre morts et a défiguré une partie de cette station thermale du Haut-Languedoc, dans l'ouest de l'Hérault.
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Un an plus tard, Lamalou panse toujours ses plaies. Le haut de la petite ville de 2 700 habitants, avec ses bâtiments datant de la fin du XIXe siècle, ses belles villas et son casino, tranche avec les bords du Bitoulet, au bas de l'agglomération. La piscine municipale remise en état n'est plus une mare remplie de boue et de bois, et ses échelles rouillées et tordues ont été remises à neuf. Mais le lit du ruisseau, lui, porte toujours les stigmates de la catastrophe, tout comme de nombreuses maisons situées au bord du cours d'eau, lézardées, éventrées, dévastées et promises à la destruction. "Le choc", le "bruit de torrent en pleine nuit" et "les dégâts énormes" sont encore dans les têtes, d'après Anne et Jean-Pierre, un couple de retraités belges qui vit à côté du camping : "Il y a un avant, et il y a un après", explique la sexagénaire.
"Il n'y avait aucune raison d'évacuer"
Depuis l'inondation, la responsabilité de Philippe Tailland, le maire élu depuis moins de six mois au moment du drame, est au centre des interrogations. L'élégant chef d'entreprise à la retraite fait face et se justifie posément, assis dans une salle de réunion de la mairie, au côté de son épouse, Brigitte, elle aussi membre du conseil municipal. Comme il l'a fait devant les gendarmes, l'édile retrace précisément les événements de cette soirée du 17 septembre 2014.
Ce soir-là, le département est en alerte orange aux pluies et aux orages, et les cours d'eau sont surveillés de très près. "A 20 heures, je suis allé voir le niveau du Bitoulet. Et j'y suis retourné à 22h30. Il était haut, mais pas anormal. Aucune raison d'évacuer le camping ou les habitations." Son regard se voile. "A 0h11, le capitaine des pompiers m'appelle et me dit : 'Il y a eu une catastrophe.'" La vague vient de tout emporter sur son passage.
Les causes du drame sont connues : un phénomène d'embâcle, un amoncellement d'arbres et de branches en amont du ruisseau, a créé une retenue d'eau alimentée par les fortes pluies (les fameux épisodes cévenols) qui frappaient la région depuis plusieurs jours. Ce barrage naturel a finalement cédé, libérant une énorme quantité d'eau et de boue qui a déferlé d'un coup sur Lamalou-les-Bains. Pour déterminer les possibles responsabilités, une enquête a été ouverte dès le lendemain des événements. "C'était un phénomène exceptionnel impossible à prévoir, affirme le maire. Et, la seule information que j'avais, c'était que nous étions en alerte orange."
D'ailleurs, pour lui, les alertes météo manquent de fiabilité. "Deux jours plus tard, Météo France annonce une alerte rouge dans le département, alors qu'ici c'était grand soleil et ciel bleu. Depuis, on a fait évacuer les gens plusieurs fois, et il ne s'est rien passé. C'est anormal que les alertes de Météo France, prises à l'échelle du département, soient si peu précises."
Un manque de culture du risque
L'édile répond avec le sourire, mais il est remonté. Car il est mis en cause alors que la ville a respecté la réglementation. "Sur les limites de la commune, le nettoyage du lit de la rivière a été fait", assure-t-il à ceux qui l'accusent de négligences sur l'entretien des cours d'eau. Pour ceux qui dénoncent l'emplacement du camping, le maire brandit le plan de prévention des risques d'inondation (PPRi), approuvé par la préfecture en 2008, qui exclut le camping municipal des zones inondables. Un zonage désavoué par les événements. "Mais, ça, on ne le sait qu'aujourd'hui", rétorque Philippe Tailland.
Comme l'y oblige la loi, la ville dispose d'un plan communal de sauvegarde (PCS), pour alerter et organiser les secours en cas de catastrophe majeure. Ce PCS s'est révélé utile au moment de gérer la crise, même si c'est surtout "l'énorme élan de solidarité qui a permis de faire face", d'après Brigitte Tailland, l'épouse du maire. Lamalou-les-Bains possédait donc les dispositifs obligatoires pour prévoir et agir. Mais, ce qu'il manquait à la station thermale, c'est une culture et une conscience du risque qui l'auraient incité à aller plus loin dans la prévention.
Sur la rive droite du Bitoulet, en face du camping transformé en champ de boue, Paul, 78 ans, est en train de redonner vie à son jardin ravagé. Regard bleu rieur, le fringant retraité décrit en blaguant comment il a vu ses deux voitures "sortir toutes seules de son garage", et comment l'eau est montée à 1,60 mètre au rez-de-chaussée de sa maison. Après vingt-huit années passées à Lamalou, il assure qu'il ne pensait jamais être confronté à un tel phénomène. Il ignorait que toute son habitation était située en "zone inondable urbanisée à risque moyen", comme le spécifie le zonage du PPRi.
"Les touristes sont quand même revenus"
Aujourd'hui encore, les élus locaux eux-mêmes ne font pas toujours grand cas des risques naturels. "Certains membres du conseil municipal me demandent sérieusement de rouvrir le camping, s'indigne Philippe Tailland. Parce que beaucoup de curistes [la ressource économique principale de la ville] viennent en camping-car. Ce serait de l'inconscience, vu ce qu'il s'est passé."
Le maire de Lamalou-les-Bains ne jette pas pour autant la pierre aux nombreux élus français qui prennent le risque naturel à la légère. "Moi, je suis architecte de formation. Et honnêtement, avant cette crue, je n'aurais pas donné la priorité à cette question. Les maires manquent de formation, d'accompagnement. On apprend trop sur le tas."
Le défaut de culture du risque se ressent également dans l'après-catastrophe. Recevant ministre, député et préfet, Philippe Tailland était très entouré au lendemain du drame. Beaucoup moins quand il s'est agi de financer les travaux de réfection urgents. Selon le maire, "sur les 5,8 millions d'euros dont j'ai besoin pour financer 34 chantiers, j'ai obtenu l'engagement pour 3,1 millions d'euros" répartis entre l'Etat, le département, la région, les assurances, et différents acteurs publics.
"L'Etat et les assureurs ont joué le jeu", apprécie l'édile, mais le long délai de versement de ces aides créent de "gros problèmes de trésorerie" à la municipalité. Rénovation de la piscine et d'un parking, réfection de routes, de ponts et de trottoirs, construction d'une aire provisoire pour camping-car, les travaux d'urgence se sont tout de même multipliés avant l'été, pour assurer un accueil satisfaisant aux curistes.
Car Lamalou ne barbote pas dans son traumatisme. Même si "cela a été dur au début de l'été, parce que tout n'était pas encore prêt", Anne et Jean-Pierre, le couple de retraités belges, se réjouissent du fait que "les touristes sont quand même revenus à Lamalou". En aval du camping, de longues jardinières fleuries ont repris place le long de la passerelle piétonne contre laquelle un camping-car, emporté par la vague de boue, s'était écrasé un an plus tôt.
Au rez-de-chaussée de la résidence Plein soleil, à quelques mètres du Bitoulet, Philippe, 51 ans, a acheté un appartement deux mois après la catastrophe, pour le louer à des curistes. Sans hésiter. "On sait que cela peut un peu déborder, mais bon, je suis sûr qu'il n'y aura plus de problème."
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