Ouragan Irma : à Saint-Martin, "le principal risque d'épidémie provient de l'eau"
Charles Aurouet, responsable du pôle eau, hygiène et assainissement de la Croix-Rouge, revient, pour franceinfo, sur les mesures mises en œuvre pour limiter toute propagation de maladies sur ces îles.
La ministre de la Santé est "inquiète". Selon Le Parisien, Agnès Buzyn craint le développement d'épidémies sur l'île de Saint-Martin, une semaine après le passage de l'ouragan Irma. "J'ai vu des enfants malades dans le quartier d'Orléans, qui vomissaient depuis trois jours, prévient-elle. Il faut absolument communiquer sur cette question de la potabilité. Je pensais que ce point était réglé."
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Charles Aurouet est responsable du pôle eau, hygiène et assainissement de la Croix-Rouge. Il est intervenu à Haïti pour l'épidémie de choléra après le séisme de 2010 et en Guinée dans le cadre de la lutte contre Ebola en 2016. Il revient pour franceinfo sur les mesures à mettre en œuvre pour limiter toute propagation de maladies après une catastrophe naturelle.
Franceinfo : Quels sont les principaux facteurs de risque à Saint-Martin pour le développement d'épidémies ?
Charles Aurouet : Le principal risque provient de l'eau. Le Vibrio cholerae, bactérie du choléra, se véhicule par l'eau, surtout quand celle-ci est de mauvaise qualité. La souche du choléra n'est pas présente dans les Antilles françaises mais il faut être vigilant. En revanche, le virus Zika sévit dans la zone et les eaux stagnantes favorisent la prolifération de moustiques, qui peuvent aussi véhiculer le paludisme. Enfin, la fièvre typhoïde se transmet par une eau contaminée par des selles. Il faut donc surveiller de près toute apparition de diarrhée chez les habitants.
Comme le rapporte Le Parisien, deux cas de morsures de rats ont été traités lundi à l'hôpital de Marigot. Ces rongeurs peuvent-ils également être vecteurs de maladies ?
Ils peuvent surtout provoquer une épidémie de gale. L'amoncellement de déchets causé par l'ouragan attire les nuisibles. Mais le ramassage des ordures reprend progressivement, ce qui devrait limiter la prolifération des rats et les risques de maladies qui y sont liés. L'enlèvement des débris est aussi essentiel pour limiter les eaux stagnantes dans les caniveaux.
Quelles autres mesures sont prises ou doivent l'être pour enrayer le risque d'épidémies ?
Elles sont d'abord matérielles : nous avons livré des moustiquaires ainsi que des kits d'hygiène aux familles avec du savon, des produits ménagers et des jerricanes stérilisés pour stocker l'eau. La Croix-Rouge étudie la possibilité de fournir des pastilles et des sachets pour chlorer l'eau à boire. Ensuite, l'aide passe par des messages de prévention. On fait du porte-à-porte ou on utilise des mégaphones pour enseigner les bons gestes : stocker l'eau à l'ombre et se laver les mains avant de se servir. Quand les moyens de communications seront rétablis, nous utiliserons la radio et le téléphone pour diffuser plus largement ces messages de prévention, comme lors des campagnes anti-grippe.
La situation est-elle comparable avec celle d'Haïti après le séisme de 2010 ?
Non. La souche du choléra a été introduite à Haïti par les casques bleus de l'ONU qui venaient du Népal et s'est propagée via les eaux contaminées. Mais les infrastructures à Saint-Martin ne sont pas du tout les mêmes. Le réseau d'eau et le système d'assainissement fonctionnaient très bien avant l'ouragan et vont pouvoir être rétablis. A l'inverse, les habitants d'Haïti sont confrontés, en plus de catastrophes naturelles répétées, à un Etat fragile. Néanmoins, il ne faut pas minimiser la problématique insulaire de Saint-Martin et nous devons rester vigilants. Il faut neuf heures de bateau pour rejoindre la Guadeloupe et certains avions ne peuvent toujours pas atterrir. Cela complique la situation alors qu'il faut aller vite pour prévenir la survenue d'épidémies.
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