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Rester chez vous, porter un short... Ce que vous avez le droit de faire ou pas au travail durant la canicule

Une vague de chaleur va frapper la France avec des pointes à 40 °C dans certaines villes.

Article rédigé par franceinfo
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Des ouvriers sur le chantier du Palais des sports de Toulouse (Haute-Garonne), le 19 juillet 2006. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Rester au frais chez soi plutôt que de suer au bureau ou de cuire sur son chantier. Alors que l'Hexagone va connaître, à partir du lundi 24 juin, un épisode de canicule sans précédent pour un mois de juin, de nombreux Français auront sans doute cette tentation. Après tout, la neige donne bien cette possibilité. D'autres seront tentés de troquer leur costume contre un short et une chemisette. Avant que la température ne monte, nous avons interrogé trois spécialistes pour faire le point sur ce que vous avez le droit de faire ou non en cas de canicule.

A-t-on le droit de rester chez soi ?

Non. "Ce n'est pas parce qu'il fait chaud que cela nous donne le droit de ne pas aller travailler. (...) Le Code du travail ne prévoit pas de température à partir de laquelle les salariés" peuvent décrocher, explique l'avocat Eric Rocheblave, spécialisé en droit du travail.

Experte en gestion sociale et en prévention des risques professionnels, Sandra Gallissot précise pourquoi une telle limite n'existe pas : "Si on est dans un environnement très humide ou ventilé, le ressenti est différent. Il y a de nombreux éléments qui rentrent dans l'appréciation de la température et de son impact physique."

Un salarié ne pas présupposer, avec la seule météo, qu'il va être dans une situation qui peut poser problème.

La consultante Sandra Gallissot

à franceinfo

L'employeur doit-il aménager le travail ?

Si la canicule ne donne pas de droit particulier au salarié, elle oblige l'employeur à prendre un certain nombre de mesures de prévention. "Cela résulte de l'obligation générale d'assurer la santé physique et mentale des salariés, l'article L4121-1 du Code du travail", rappelle Eric Rocheblave. Et si le Code du travail est muet sur la question du seuil de température, "en revanche, il y a des préconisations de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui indique qu'au-delà de 33 °C, il peut y avoir un risque pour la santé", précise David Guillouet, avocat associé au cabinet Voltaire avocats.

Informé des prévisions météorologiques et de ces recommandations, l'employeur doit prendre un certain nombre de mesures lorsque le thermomètre grimpe. Dans son dépliant Travail et chaleurs d'été, l'INRS recommande d'adapter le rythme de travail – horaires, pauses supplémentaires, limitation du travail physique –, de fournir des aires de repos climatisées et de l'eau. S'il ne le fait pas, il peut être condamné. "Cela a été le cas en 2003. Une entreprise avait licencié un salarié qui avait refusé de travailler sur un toit d'immeuble. La cour d'appel de Nancy a jugé en 2010 que le salarié était dans son droit", raconte Eric Rocheblave.

De manière générale, on constate qu'avec la multiplication des pics de chaleur les entreprises commencent à avoir des plans canicule, avec un recours accru au télétravail et l'aménagement des horaires.

L'avocat David Guillouet

à franceinfo

Cette obligation de l'employeur n'exonère pas le salarié de veiller à sa propre santé. "Ce dernier a l'obligation de concourir à sa propre sécurité, rappelle Sandra Gallissot. Pour caricaturer, on ne vient pas en doudoune quand il fait 34 °C et on ne s'alcoolise pas."

Peut-on porter un short ou s'habiller de façon légère ?

Oui, mais avec l'accord de son employeur.

Au travail, on ne peut pas s'habiller librement. L'employeur a le droit de porter des limites à cette liberté individuelle. Vous ne pouvez pas librement décider de porter un short ou une chemisette.

L'avocat Eric Rocheblave

à franceinfo

Cette restriction doit cependant être motivée par une tâche et proportionnée à l'objectif suivi. Un employeur peut par exemple imposer des restrictions vestimentaires pour éviter que son salarié ne se blesse. "Dans une entreprise où il faut porter des manches longues pour des raisons de sécurité, vous n'allez pas autoriser une tenue qui va créer un autre risque", argumente Sandra Gallissot. "L'hygiène peut aussi être une restriction au port de tenues vestimentaires un peu excentriques, notamment dans le secteur alimentaire", complète David Guillouet.

L'entreprise peut également imposer une tenue pour des questions d'images. "Si vous êtes en représentation, il faut respecter une certaine tenue"resitue Eric Rocheblave. David Guillouet cite des jurisprudences de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) pour des cas où des collaborateurs se sont présentés en short et claquettes, voire en chapeau de paille. "L'employeur a eu gain de cause, explique-t-il. On a considéré que les directives de l'employeur – dans cette hypothèse, le port d'un pantalon et de tenue fermés – n'étaient pas disproportionnées dès lors que le collaborateur avait quand même un certain nombre d'interactions avec la clientèle de l'employeur."

Mais, là encore, ce droit de l'employeur d'imposer une tenue est limité par son devoir d'assurer la protection de ses salariés, en proposant par exemple une tenue d'hiver et une tenue d'été. "Si un employeur impose par exemple un pull siglé à son nom alors qu'il fait très chaud, il est fautif", illustre Eric Rocheblave. Et "si vous êtes dans l'arrière-boutique, il est plus difficile de vous interdire le short ou le bermuda", poursuit-il. "C'est souvent du cas particulier : lorsqu'il n'y a pas de contact avec la clientèle, force est d'admettre que c'est beaucoup moins strict", abonde David Guillouet.

Que peut-on faire en cas de problème ?

La première chose à faire si vous rencontrez des problèmes liés à la chaleur dans le cadre de votre travail est d'en parler avec votre employeur ou vos délégués du personnel. Si celui-ci refuse de vous écouter et que vous estimez que la situation présente un "danger grave et imminent", vous pouvez exercer votre droit de retrait, prévu par l'article L4131-1 du Code du travail"Si l'employeur refuse, ce sera arbitré par un juge", précise Eric Rocheblave. L'avocat recommande au salarié qui souhaite faire valoir son droit de retrait de rassembler des preuves des conditions dangereuses : photographie d'un thermomètre, témoignages de collègues, absence de points d'eau potable...

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