: Reportage En Haute-Vienne, la petite hydroélectricité au service de la transition énergétique
D'après les représentants du secteur, on pourrait produire 20% d'énergie hydroélectrique supplémentaire. En Haute-Vienne, un poste unique en France a été créé pour faciliter la création ou la rénovation de micro-centrales.
Pour l'instant, ce n'est qu'un immense trou protégé de la Vienne par des batardeaux en terre. Mais là où les ouvriers s'activent s'élèvera à la fin de l'année une petite centrale hydroélectrique capable d'alimenter 530 foyers de Saint-Junien, deuxième commune de la Haute-Vienne. Un projet de 3 ans et plus de 4 millions d'euros porté par Philippe Herbrecht, un entrepreneur qui possède déjà deux petites centrales hydro-électriques à quelques kilomètres de la future centrale du Moulin Pelgros.
C'est sur ce genre d'installations que compte la région Nouvelle-Aquitaine pour atteindre son objectif d'augmenter de 25% sa production hydroélectrique d'ici 2030. Pour y aider, une expérimentation a été lancée en décembre 2021 en Haute-Vienne avec la création d'une mission de développement de la micro-électricité. Un choix qui ne doit rien au hasard. "Historiquement la Haute-Vienne compte un nombre de seuils [les barrages en travers d'un cours d'eau qui permettent de dévier le courant vers une installation hydraulique], de moulins, et une trentaine de micro-centrales sont actuellement en service", détaille Pierre Roussel qui porte cette mission au sein de la Direction départementale des territoires de la Haute-Vienne.
La production hydroélectrique pourrait augmenter de 20%
Se lancer dans la production d'hydroélectricité n'est pas une mince affaire. Une trentaines de porteurs de projets ont frappé à la porte de Pierre Roussel, le plus souvent dans le cadre de la restauration patrimoniale d'un ancien moulin à eau. "Ils ont besoin de conseils sur les contacts dans tel ou tel organisme, de l'aide pour comprendre la réglementation sur tel ou tel aspect, s'il y a des aides financières possibles, à qui vendre l'énergie produite, s'ils peuvent la consommer eux-mêmes", énumère l'ingénieur.
"Ça nous aide beaucoup", s'enthousiasme Philippe Herbrecht. "Quand on a un problème, on sait à qui parler. De par ses relations, de par ses fonctions, il nous permet de débloquer des verrous", juge l'entrepreneur. "Le but, c'est de développer ces énergies renouvelables", assure-t-il. Selon France Hydro Électricité, syndicat professionnel représentant la petite hydroélectricité, on pourrait augmenter la production hydroélectrique française. "Cela représente 12 TWh, soit la consommation domestique de 5,3 millions de Français", explique Jean-Marc Lévy, le secrétaire général de l'organisation.
Cela représente nos importations de charbon et de gaz cet hiver.
Jean-Marc Lévy, secrétaire général de France Hydro Électricitéà franceinfo
Une montée en puissance que le syndicat imagine progressive. "Notre objectif à 2028, c'est d'atteindre +5%", annonce le représentant du secteur, pour la moitié en nouvelles installations, principalement sur des seuils déjà existants.
Les professionnels veulent des sous-préfets spécialisés sur le renouvelable
La mission expérimentale de développement de la micro-hydroélectricité menée en Haute-Vienne, "c'est exactement ce dont on a besoin" affirme Jean-Marc Lévy. Mais le représentant du secteur va plus loin, et demande la création d'un sous-préfet référent énergie renouvelable dans chaque région.
"Aujourd'hui, il y a une administration, DREAL et DDT, qui représente l'environnement. À part le producteur, personne ne représente la partie énergie. On appelle à des objectifs en matière de gestion de l'eau qui soient équilibrés. Il faut arrêter de gâcher de l'énergie pour un gain hypothétique pour l'environnement", alerte-t-il.
Décarbonée et produite localement, l'hydroélectricité est parfois attaquée sur la modification du débit des cours d'eau et la continuité écologique qu'elle perturbe. Dans la Haute-Vienne, Daniel Jarrige, président de Saint-Junien Environnement, aurait préféré la disparition du seuil du Moulin Pelgros plutôt que sa remise en service. Pour lui, le niveau de production d'énergie ne compense pas les impacts sur le milieu. "Pour autant, on est pas vent debout contre le projet", nuance-t-il.
Une production menacée par la sécheresse ?
En 2022, la production d'hydroélectricité a atteint en France un niveau historiquement bas. En cause, la sécheresse qui a fait diminuer le débit de certaines rivières, obligé certains barrages à relâcher de l'eau pour soutenir les autres usages que la production d'énergie. "Évidemment qu'on est inquiets", reconnaît Jean-Marc Lévy, secrétaire général de France Hydro Électricité. Mais chaque centrale est unique. "On peut s'adapter dans une certaine mesure", assure-t-il.
Alors que la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie doit être débattue au Parlement, l'hydroélectricité veut compter sur les petites centrales pour rester la première énergie renouvelable en France.
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