: Vidéo Réchauffement climatique : quand les météorologues deviennent des cibles
Alexandre Slowik est un passionné de météo. Depuis qu’il a 14 ans, ce jeune nordiste gère Météo Express, une plateforme qui relaie sur internet et les réseaux sociaux, les prévisions climatiques et des vidéos d’intempéries. « Si on cumule l’ensemble des réseaux sociaux, environ 250 000 personnes nous suivent », témoigne Alexandre Slowik. Un succès terni depuis quelques mois, car sous les publications qui abordent la hausse des températures ou la sécheresse, apparaissent des messages virulents : « Encore et toujours du lavage de cerveau », « Mytho, mytho, mytho »…
"Cela fait quand même un peu peur. On se dit : jusqu’où vont aller ces gens ?"
Alexandre Slowik, Météo Express
Le passionné de météorologie reçoit aussi des menaces par mail. L’un d’entre eux, envoyé par un expéditeur anonyme il y a quelques semaines, est très explicite : « Bande de vendus à nous parler de sécheresse. Nous ne sommes pas dupes, on vous aura un jour ! » De quoi intimider. « Cela fait quand même un peu peur, reconnaît Alexandre Slowik. On se dit : jusqu’où vont aller ces gens ? Est-ce qu’ils vont un jour en arriver aux menaces physiques ? On ne sait pas.» Le gérant de Météo Express est loin d’être le seul à recevoir de tels messages. Sur les réseaux sociaux, il y en a des milliers d’autres, publiés chaque jour, souvent par des comptes anonymes. «Taisez-vous, nous avons nos sources », « le climat est une arnaque, vous vivez dans un mensonge total et permanent », peut-on ainsi lire sur Twitter. La cible de ces publications: les médias ou les sites institutionnels qui évoquent le dérèglement climatique. Météo France n’y échappe pas. « La désinformation semble aller en s’amplifiant. Nos publications font l’objet d’attaques de plus en plus répétées », fait savoir l’établissement public qui a refusé nos demandes d’interview filmée sur ce sujet sensible.
"Sur 10 000 comptes, 6000 ont relayé la propagande du Kremlin sur la guerre en Ukraine."
David Chavalarias, Paul Bouchaud, Victor Chomel et Maziyar PanahiLes nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme, CNRS.
Alors, qui sont les internautes qui s’en prennent ainsi aux scientifiques et aux prévisionnistes météo ? Dans une étude récemment publiée en février dernier, le CNRS donne des indications sur ceux que les chercheurs nomment les “climato-dénialistes”, ceux qui nient le dérèglement climatique. On peut lire par exemple : « sur 10 000 comptes, près de 6000 ont relayé la propagande du Kremlin sur la guerre en Ukraine ». Pour David Chavalarias, le directeur de recherches au CNRS qui a passé au crible des millions de tweets dans le cadre de l’étude, la question du réchauffement climatique dépasse le simple cadre scientifique. « Il y a au moins une partie de ce débat qui est attisé par des opérations de type géopolitique. Par exemple, on sait que le Kremlin a une agence qui s’appelle l’IRA (ndlr : Internet Research Agency) qui a plusieurs centaines d’employés et ils vont essayer d’influencer les pays occidentaux sur certains sujets et souvent, ce sont des sujets qui créent de la division », indique le chercheur. Nous avons tenté de joindre plusieurs de ces acteurs qui remettent en cause l’impact de l’homme sur le climat. Seule l’association des climato-réalistes nous a répondu, un mouvement français suivi par 7000 personnes sur les réseaux sociaux. Benoît Rittaud, son président, ne reconnaît pas les prédictions sur le réchauffement climatique qui font pourtant consensus au sein de la communauté scientifique. « Les gens commencent à se rendre compte qu’on fait beaucoup de bruit autour de quelque chose qui ne se matérialise pas tellement », indique celui qui est mathématicien de formation. Et quand on lui demande si son opposition n’est pas de principe parce qu’il n’accepterait pas l’opinion générale : « je trouve que ce soupçon-là, c’est de la psychologie un peu facile. On a tous nos préjugés, oui, si vous voulez », souffle-t-il. Une vision qui ne progresse pas que sur les réseaux sociaux. Selon une étude IPSOS réalisée en 2022, 37 % des Français ne reconnaissent pas l’impact de l’activité humaine sur le climat.
Parmi nos sources (liste non-exhaustive) :
Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme, CNRS, 2023
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