Plan climat : comment dire adieu aux voitures diesel et essence d'ici à 2040 ?
Lors de la présentation du Plan climat, Nicolas Hulot a annoncé la fin de la vente des voitures diesel et essence d'ici à 2040. Franceinfo tente d'y voir plus clair.
Au garage, les voitures diesel ou à essence ! Lors de la présentation de son Plan climat, jeudi 6 juillet, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a fixé un cap ambitieux : la fin de la vente de ce type de véhicules en 2040 au profit d'autres solutions, comme l'électrique. On est encore loin du compte. Aujourd'hui, les voitures électriques ne représentent que 1,2% des ventes en France, derrière les véhicules diesel (47,9%), à essence (47,4%) ou hybrides (3,5%). Comment inverser la tendance ? Quels défis cette disparition programmée des véhicules diesel ou essence pose-t-elle ? Franceinfo tente d'y voir plus clair.
En baissant les prix pour inciter les consommateurs
Nicolas Hulot l'a lui-même promis : une "prime de transition" va être mise en place pour aider les Français, notamment les ménages modestes, à remplacer une voiture diesel datant d'avant 1997 ou essence d'avant 2001 par un véhicule plus propre, "neuf ou d'occasion". Jusque-là, cette aide était réservée à l'achat ou la location de véhicules neufs.
"Tout ce qui peut aider est fondamental", appuie François Roudier, porte-parole du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA), sur franceinfo. "Ce qui compte, c'est de faire du volume. Ce qui tire les prix vers le bas, c'est de produire beaucoup de véhicules pour arriver à des économies d'échelle." Objectif : vendre ces voitures à 20 000 ou 25 000 euros, "un vrai enjeu technologique". "Faire des voitures électriques de luxe, des Tesla ou des Volvo, à 150 000 euros, tout le monde sait faire", souligne le spécialiste.
Pourquoi c'est un défi. Pour l'instant, le montant de la "prime" n'a pas été précisé. L'actuel bonus-malus permet de toucher jusqu'à 10 000 euros pour l'achat ou la location d'un véhicule propre neuf, dont 6 000 euros de bonus maximal et 4 000 euros de prime à la conversion. "Mais jusqu'où ce système fonctionnera-t-il ?", s'interroge Tommaso Pardi, directeur du Gerpisa, le réseau international de l'automobile. Selon lui, plus le parc électrique augmentera et moins ce système, financé par les malus, tiendra.
Or, dans les pays ayant arrêté de verser des subventions, la population n'a pas suivi et s'est détournée du marché de l'électrique, trop cher, relève ce chargé de recherche au CNRS. L'écart entre l'électrique et le diesel ou l'essence pourrait encore rebuter, d'autant que si l'on améliore les capacités des véhicules électriques, cela se fera forcément à prix constant.
En améliorant l'autonomie des batteries
C'est l'un des principaux freins à l'achat d'un véhicule électrique, aujourd'hui : sa faible autonomie. De quoi rebuter les usagers habitant loin des villes, donc loin des points de charge. Les véhicules électriques ne possèdent qu'une autonomie réduite. Renault, par exemple, propose des batteries qui tiennent 400 km, selon les tests d'homologation. Mais en réalité, elles tiennent plutôt 250 km sur autoroute, rappelle Bernard Jullien, économiste spécialisé dans l'industrie automobile, interrogé sur LCI.
Les constructeurs se disent plutôt optimistes quant à une amélioration de la résistance des batteries, d'autant plus essentielle que les véhicules du futur seront sans doute plus autonomes, donc plus voraces en énergie. "On aura des véhicules tout le temps connectés, avec une intelligence artificielle qui utilise beaucoup d'énergie", rappelle Tommaso Pardi.
Pourquoi c'est un défi. Pour l'instant, personne n'a trouvé la clé. Et cela représente une prouesse technique, selon Tommaso Pardi : "Pour améliorer l'autonomie, il faut mettre des batteries énormes qui pèsent très lourd, parfois plus que des moteurs thermiques." Cette recherche d'une solution tient aussi du pari pour les groupes. "Certains constructeurs veulent faire des plateformes dédiées à l'électrique [au sein des chaînes de construction]. Or, pour ça, il faut des volumes importants, précise-t-il. S'ils ne parviennent pas à vendre plusieurs milliers de véhicules électriques, ces plateformes ne seront pas profitables." Enfin, cette question de l'autonomie des batteries pose la question, essentielle, de leur recharge.
En ayant assez de bornes de recharge
Pour augmenter le nombre de véhicules électriques, "il faut qu'on ait la capacité de recharger un véhicule électrique ou hybride rechargeable aussi bien qu'un véhicule essence ou diesel", tranche François Roudier sur franceinfo. Comprendre : la France doit se doter d'infrastructures, en l'occurrence des bornes de recharge publiques suffisantes. Aujourd'hui, on compte près de 16 000 bornes de recharge ouvertes au public, sans compter celles installées dans certaines entreprises ou chez les particuliers. Et pour les spécialistes du secteur, plus le parc de véhicules s'étoffera, plus le nombre d'infrastructures suivra. "Pour les magasins, offrir ces infrastructures-là sera une manière d'attirer la clientèle", juge ainsi Bernard Jullien.
Pourquoi c'est un défi. Construire une borne électrique coûte cher, rappelle Europe 1, en évoquant le chiffre de 150 millions d'euros dépensés pour mettre en place 15 000 bornes. En outre, les promesses ne sont – pour l'instant – pas tenues. "Sur les 75 000 bornes qui auraient dû être installées sur la voie publique entre 2010 et aujourd’hui, seules 15 000 l'ont été", note ainsi le site. Tommaso Pardi souligne l'absence de "business model pour que ces installations soient faites par le secteur privé". Les bornes ou stations sont donc mises en place "à perte", alors qu'elles nécessitent des milliards d'euros d'investissements.
En accélérant le temps de recharge
Qui a envie de perdre 1h20 à recharger sa batterie, en plein milieu de son trajet sur l'autoroute des vacances ? C'est pourtant bel et bien le temps qu'il faut pour recharger la ZOE de Renault sur une prise haut débit, rappelle Le Figaro. Cela peut même monter à cinq heures sur une borne 7kW, ce qui est souvent le cas puisque "90% des infrastructures sont orientées vers la recharge lente". Pour améliorer l'autonomie et démocratiser la voiture électrique, les bornes de recharge devront donc être plus efficaces.
Pourquoi c'est un défi. "Une charge rapide consomme l'équivalent d'un HLM", précise Tommaso Pardi. "Dans une petite ville, deux charges rapides peuvent rapidement poser problème" et générer des pannes d'électricité. Cette question de l'efficacité de la recharge pourrait se révéler encore plus problématique en cas de pics d'utilisation, le week-end ou lors des départs en vacances. Par ricochet, "on aurait des pics de consommation d'électricité", ce qui nécessite de "redimensionner le réseau électrique" pour lui permettre de résister.
Derrière cela se profile l'épineux débat de la production électrique, et notamment de la part de nucléaire. Sur ce point, Jean-Jacques Chanaron, spécialiste de l'industrie automobile cité par franceinfo, est clair : "Si monsieur Hulot veut aussi éradiquer le nucléaire, ça va vraiment poser un gros problème. Parce que pour deux millions de voitures en recharge, au même moment, sur le territoire français, il faut une centrale nucléaire..."
En reconvertissant l'industrie automobile
Qui dit nouveaux véhicules dit nouvelles pratiques. Pour l'eurodéputée écologiste Karima Delli, il est nécessaire de "muter cette industrie" automobile. L'élue propose ainsi d'organiser "des états généraux de la reconversion" car "ce sont des milliers de salariés" qui travaillent dans ce secteur. "Demain, il va falloir reconvertir et former des salariés qui ne sont pas habitués à ce nouveau type de voitures", souligne-t-elle, en voyant dans cette "bataille du climat, la bataille de l'emploi".
Pourquoi c'est un défi. Pour le moment, rien n'a été mis en place sur ce sujet de la formation des salariés et "on en voit beaucoup qui demandent de ne pas délocaliser", rappelle Karima Delli. Cela passe par des choix industriels. Aujourd'hui, nos concurrents (Chine, Corée du Sud, Japon) peinent à copier la technologie des moteurs thermiques, mais ils sont en avance sur les batteries électriques.
Tout miser sur l'électrique pourrait s'avérer "une erreur industrielle majeure", relève Tommaso Pardi. "A terme, cela voudrait dire une hégémonie des marchés asiatiques et un affaiblissement de l'Europe", décrypte-t-il. Hors de question pour Karima Delli, qui estime que la France doit s'inscrire dans "le marché européen" pour être "capable d'avoir une voiture utile, propre et partagée".
En diversifiant les types de véhicules
La solution résiderait donc davantage dans une variété d'options, plutôt que dans l'absence totale de véhicules essence ou diesel au profit d'un 100% électrique. Dans la bouche de plusieurs observateurs se dessine l'idée d'un mix énergétique dans le futur parc automobile français. On peut ainsi imaginer un mélange de voitures thermiques plus légères et moins polluantes, des hybrides qui aideront à la transition, des voitures 100% électriques et même des voitures à hydrogène. "Si l'on va trop vite dans la discrimination du diesel et de l'essence, on va discriminer les ménages pauvres pour qui l'accès à la voiture est synonyme d'emploi", note Tommaso Pardi, pour qui l'électrique resterait plutôt un marché de niche, destiné à des usagers aisés.
Pourquoi c'est un défi. Quoi qu'il en soit, il faudra "une harmonisation européenne" et que les décisions ne se prennent pas unilatéralement, insistent Karima Delli et Tommaso Pardi. "Si la France a comme objectif le tout électrique, l'Europe devra l'avoir aussi", souligne le chercheur. Déjà car on ne pourra pas empêcher la circulation de véhicules thermiques européens sur le sol français. Et puis, il faudra contrôler, insiste l'eurodéputée Karima Delli. "Il faudra faire la même chose sur la validation et l'homologation de ces véhicules de demain, avec des normes contraignantes", pour éviter un nouveau "dieselgate".
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