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Les moustiques vous attaquent encore à l'approche de l'hiver ? C'est normal

Réchauffement climatique, pollution lumineuse et grande adaptabilité à leur environnement étendent la saison de chasse des moustiques. 

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un moustique pique le bras d'une biologiste, à Francfort (Allemagne), le 20 juillet 2020. (PATRICK PLEUL / DPA-ZENTRALBILD / AFP)

Vous avez peut-être été récemment réveillé par le bourdonnement agaçant d'un moustique ? Même à l'approche de l'hiver, ils sont encore là. "Il n'y a pas de réintroduction au printemps ou en été : le moustique ne disparaît jamais", explique Anna-Bella Failloux, entomologiste à l'Institut Pasteur, interrogée par franceinfo. Il est toutefois "moins actif qu'en été, car il est sensible à la température ambiante." La plupart des 70 espèces de moustique présentes en France hibernent, à l'état d'œuf ou de larve. Trois spécialistes des moustiques expliquent à franceinfo pourquoi certains de ces insectes nous piquent encore pendant l'hiver.

"Etre piqué reste exceptionnel, car les moustiques n'ont que de petites activités résiduelles en hiver", précise d'emblée Frédéric Simard, directeur du laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs à l'Institut de recherche pour le développement. "Mais ce n'est pas surprenant, car ce phénomène est connu et documenté."

Des moustiques "heureux" dans le métro

A l'approche de l'hiver, la majorité des moustiques entre en diapause, c'est-à-dire qu'ils diminuent leurs activités métaboliques. "Les œufs de la femelle moustique tigre, qui peut pondre jusqu'à la fin octobre, n'écloront que quelques mois plus tard", détaille Frédéric Simard. "D'autres espèces peuvent rester à l'état de larve dans une eau gelée et vont se développer au printemps." D'autres encore vont "vivre au ralenti" toute l'année à l'état d'adulte.

"En général, ce sont les femelles fécondées qui se cachent dans des cavités et vont piquer l'humain une ou deux fois durant cette période d'hibernation pour se sustenter."

Frédéric Simard

à franceinfo

Le pot de fleurs tropicales installé dans un appartement surchauffé devient alors un lieu privilégié où les larves vont se développer, même en hiver. "Elles ont de l'eau et une température assez élevée pour ne pas rentrer en diapause et continuer leur cycle de vie au ralenti", complète le chercheur montpelliérain.

L'endroit le plus fréquent pour rencontrer des moustiques en hiver reste le métro. "Ce phénomène est très bien documenté sur le métro londonien, où les moustiques se sont adaptés aux couloirs du métro et n'en sortent plus. Ils ont pris un trajectoire évolutive différente de ceux vivant en plein air", note le scientifique. "Ils ont accès à l'eau, il y a une présence humaine régulière pour se nourrir. Ils ont tout pour être heureux et se reproduire."

Une grande capacité d'adaptation

Une autre piste peut expliquer la présence de moustiques en cette fin d'automne. Celle d'une entrée en diapause perturbée. En temps normal, elle s'effectue grâce "à la baisse des températures et à la photopériode, c'est-à-dire le raccourcissement des jours". Cette photopériode peut être perturbée par la pollution lumineuse. "Dans les grandes villes, où il y a de la lumière en continu, des recherches sont en cours sur les conséquences de cette pollution sur la faune et notamment les moustiques", explique Frédéric Simard. "Ces derniers ont une capacité d'adaptation énorme aux contraintes de leur environnement urbain et développent également des résistances aux polluants."

"Une fois installé, le moustique est difficile à déloger", confirme Anna-Bella Failloux. "La femelle pond dans des petits gîtes, comme le creux de rochers, des arbres ou des maisons, et ces œufs résistent aux insecticides et au froid." Il faut donc limiter son expansion en évitant les eaux stagnantes "comme les récupérateurs d'eau pluie mal fermés, une gouttière bouchée par des feuilles, des soucoupes sous les plantes, qui sont autant de gîtes potentiels", souligne la spécialiste.

Autre facteur à prendre en compte : le réchauffement climatique, qui allonge l'activité des moustiques. A tel point que "les campagnes de démoustication dans le sud de la France sont maintenues plus longtemps", remarque Jean-Baptiste Ferré, entomologiste à la direction technique de l'Entente interdépartementale pour la démoustication Méditerranée (EID), "même si le stock d'œufs ne sera pas plus conséquent pour autant".

Le moustique tigre, menace sanitaire toute l'année

Paradoxalement, le réchauffement climatique peut aussi jouer contre les moustiques, car il "entraîne un assèchement des zones marécageuses sur le littoral méditerranéen, ce qui raréfie les éclosions et complique le rythme de reproduction", nuance Jean-Baptiste Ferré.

S'il est bien une espèce qui a pris ses aises en France, c'est le moustique tigre (ou Aedes Albopictus). "Depuis son arrivée d'Asie en 2004, il est passé du sud de la France à l'Alsace" et a envahi 58 des 96 départements métropolitains, selon la dernière carte de recensement de Santé publique France. Aux yeux des scientifiques, cet insecte est dangereux, car vecteur de maladie. Si un moustique tigre suce le sang d'une personne porteuse du virus de la dengue, du chikungunya ou du Zika, alors celui-ci devient porteur à vie et peut infecter toute nouvelle personne piquée.

"L'augmentation de la température ambiante réduit les délais d'incubation du virus par le moustique. Elle accélère sa capacité à infecter, à se reproduire et multiplie le risque potentiel de transmettre le virus toute l'année."

Anna-Bella Failloux

à francinfo

Les cas d'infection augmentent d'année en année. Du 1er mai au 27 novembre 2020, Santé publique France a recensé 834 cas importés de dengue, six cas importés de chikungunya et un cas importé de Zika. "Avec la présence de plus en plus importante des moustiques tigres, nous sommes en train de domestiquer des virus exotiques", conclut l'entomologiste.

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