Le mouvement écologiste Extinction Rebellion bénéficie-t-il d'une indulgence particulière des forces de l'ordre ?
Les actions de blocage menées cette semaine dans Paris sont entourées par un dispositif policier léger. Une situation dont les raisons peuvent être multiples.
Place du Châtelet, rue de Rivoli, sur le pont au Change… Dans le cadre d'une mobilisation internationale dans une soixantaine de villes du monde, les militants d'Extinction Rebellion (XR) occupent jour et nuit, depuis lundi 7 octobre, plusieurs lieux du centre de Paris. Leur objectif est d'alerter sur le dérèglement climatique et ses conséquences. Jeune mouvement écologiste né il y a un an au Royaume-Uni, XR revendique des actions de désobéissance civile non violentes.
Dans le live de franceinfo, vous avez rebondi sur cette actualité et nous avez interrogés sur la liberté de manifestation et de blocage d'Extinction Rebellion, mais surtout sur le traitement policier du mouvement, "sans la moindre répression (...) en comparaison aux manifestations interdites pour les 'gilets jaunes'". Sur les réseaux sociaux, plusieurs "gilets jaunes" ont d'ailleurs réagi à cela. "Ils débarquent après dix mois de mouvement social où nous on se fait démonter la gueule tous les week-ends ?" a ainsi asséné Maxime Nicolle, figure du mouvement, dans une vidéo publiée sur YouTube.
"Anne Hidalgo soutient le mouvement"
Les blocages des derniers jours se sont, en effet, déroulés dans une ambiance calme et sous une surveillance policière légère. A la très grande surprise des militants de XR. "Lundi, il y avait quelques cars de CRS garés boulevard du Palais. On s'est installé sans heurts, il n'y avait aucune pression policière", rapporte à franceinfo Franck, membre d'Extinction Rebellion présent aux actions du mouvement depuis lundi. La suite de la semaine s'est passée à l'identique : sans tension ni intervention des forces de l'ordre. Aucune déclaration préalable de manifestation n'avait pourtant été faite auprès de la préfecture de Paris, assurent à franceinfo plusieurs militants. Contactée à ce sujet, la préfecture n'avait toujours pas répondu vendredi après-midi.
"On peut émettre des théories, mais on n'a pas de réponse, pas d'explication, poursuit Franck. Visiblement, il y a une volonté délibérée de la préfecture de police de ne pas intervenir. On pensait vraiment être délogés rapidement à chaque fois." Selon Sacha, autre membre de XR contacté par franceinfo, cette vraisemblable indulgence des forces de l'ordre s'expliquerait par deux phénomènes : "L'écologie devient quelque chose de fondamental. Paris s'est déclaré en état d'urgence climatique, la maire Anne Hidalgo soutient le mouvement. Et puis on mène des actions de désobéissance civile non violentes."
Des actions qui ne sont "pas matière à scandale"
Pour Erik Neveu, professeur de sciences politiques et auteur de Sociologie des mouvements sociaux, la non violence d'Extinction Rebellion est en effet un élément de réponse. Le chercheur pointe également le contexte politique dans lequel s'inscrit cette modération : "Il n'est pas déraisonnable de penser qu'il n'est pas dans l'intérêt du ministre de l'Intérieur de s'ajouter un dossier de plus aux débats sur les violences policières. Il est aussi sans doute délicat d'agir d'une manière qui serait tenue pour trop brutale sur une forme de protestation qui n'est pas impopulaire dans ses revendications et qui, si elle gêne assurément les automobilistes parisiens, n'est pas matière à scandale."
Comme l'a également analysé un "gilet jaune" dans une longue publication sur Facebook, les militants d'Extinction Rebellion sont le plus souvent statiques et surtout peu nombreux. Une analyse partagée par Franck : "A Rivoli, jeudi, on était une cinquantaine au blocage de la route, ce qui – vous vous en doutez bien – ne constitue pas un réel problème pour les forces de l'ordre."
Mais ça ne se passe que rarement comme ça, il n'y a qu'à se rappeler le pont de Sully...
Franck, d'Extinction Rebellionà franceinfo
Fin juin, alors qu'ils occupaient le pont de Sully, à Paris, des membres de XR avaient été violemment délogés par les forces de l'ordre. Ces dernières avaient notamment utilisé à bout portant du gaz lacrymogène. Les images, largement partagées, avaient conduit à l'ouverture d'une enquête pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique", confiée à l'IGPN.
Une brève intervention de la police samedi
Samedi soir, les autorités ont également tenté de déloger les militants d'Extinction Rebellion qui occupaient, avec d'autres mouvements, un centre commercial du 13e arrondissement de Paris. Elles ont rapidement renoncé, avant que les manifestants ne quittent les lieux dimanche aux aurores. Franck tient d'ailleurs à éclaircir la situation : "Sur une occupation de dix-sept heures, ça a chauffé quelques minutes. Les forces de l'ordre – il y avait à peu près cinquante fourgons – ont essayé de rentrer dans l'enceinte du centre commercial aux alentours de 21 heures, puis sont parties brutalement. On n'a pas compris ce qu'il s'était passé !"
21 h 30 - Les forces de l’ordre sont pour l’instant tenues en échec malgré plusieurs tentatives de pénétrer dans le centre commercial.
— Extinction Rebellion France (@XtinctionRebel) October 5, 2019
Avec amour et rage, malgré quelques gaz, les militant.e.s, sans aucune violence, gardent leur calme et leur détermination... et chantent. ✊ pic.twitter.com/Ylg1s5V3jx
Quelles consignes ont donc été données aux forces de l'ordre ? La préfecture de police de Paris ne nous a pas non plus répondu sur ce point vendredi après-midi. David Michaux, secrétaire national du pôle CRS de l'Unsa Police, explique toutefois à franceinfo que des consignes de présence ont bien été données, mais qu'il n'a pas été question d'intervenir. "Il y a certes une entrave à la circulation, mais pas de dégradations, pas de troubles à l'ordre public, indique-t-il. Vendredi matin, il y avait une compagnie de CRS, près de la place du Châtelet. C'est vraiment peu ! On est sur de la réserve d'intervention, une présence 'au cas où'."
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