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Environnement : quatre chiffres à retenir du rapport de Greenpeace sur les "bombes climatiques" de TotalEnergies

L'ONG accuse le géant pétrolier d'être opérateur ou actionnaire de 33 sites d'extraction de gaz et de pétrole "super-émetteurs" en gaz à effet de serre, qui pourraient être responsables de l'émission future de 93 milliards de tonnes de CO2.
Article rédigé par franceinfo
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Le gisement de pétrole et de gaz de schiste de Vaca Muerta (Argentine), qui figure parmi les 33 "bombes climatiques" de TotalEnergies dénoncées par Greenpeace, ici le 9 décembre 2019. (EMILIANO LASALVIA / AFP)

À la veille de la publication des résultats financiers annuels de TotalEnergies, Greenpeace accuse, dans un rapport publié mercredi 25 octobre, le géant pétrolier d'être impliqué dans 33 sites d'extraction de gaz et de pétrole "super-émetteurs" en gaz à effet de serre, en tant qu'opérateur ou comme actionnaire. D'après l'ONG, ces "bombes climatiques" pourraient émettre plus d'un milliard de tonnes de CO2 si leurs réserves effectives de pétrole ou de gaz étaient exploitées (une autre définition des "bombes climatiques" juge leur impact sur leur durée totale d'exploitation).

Collectivement, Greenpeace fait l'estimation que ces 33 sites pourraient être responsables de l'émission future de 93 milliards de tonnes de CO2 s'ils fonctionnent aussi longtemps que prévu. L'ONG explique fonder ses calculs sur la base de données payante de Rystad Energy, une société d'analyse indépendante de l'industrie pétrolière et gazière.

"Depuis plusieurs années, TotalEnergies affiche officiellement son intention de devenir 'la major de l’énergie responsable'. En réalité, la multinationale est engagée, comme ses consœurs, dans une logique d'expansion fossile qui mène la planète au chaos climatique", dénonce Greenpeace. L'entreprise française a réagi mercredi, et assume de continuer à "investir dans de nouveaux projets pétroliers pour répondre à la demande mondiale encore croissante" et "au déclin naturel de [ses] champs actuels (4% par an)". Franceinfo fait le point sur le rapport de Greenpeace et les chiffres à retenir.

33Le nombre de "bombes climatiques" dans lesquelles TotalEnergies est impliqué

Sept sites gaziers et pétroliers aux Émirats arabes unis, six sites gaziers au Qatar, quatre sites pétroliers et gaziers au Mozambique ou encore trois sites de gaz naturel liquéfié en Russie. Le groupe français TotalEnergies est impliqué en tant qu'opérateur ou en tant qu'actionnaire dans 33 projets d'énergies fossiles "super-émetteurs" en gaz à effet de serre à travers 14 pays dans le monde, selon Greenpeace. Certains de ces sites sont déjà en opération, d'autres à l'état de projet.

L'ONG affirme que chacun est susceptible d'émettre au moins un milliard de tonnes de CO2 si leurs réserves encore effectives étaient exploitées. Un seuil au-delà duquel l'organisation écologiste les qualifie de "bombe climatique", un terme popularisé en 2022 par une étude scientifique de la revue Energy Policy. Ainsi, le gisement de pétrole et de gaz de schiste de Vaca Muerta, en Argentine, pourrait émettre jusqu'à 14,5 milliards de tonnes de CO2, selon les estimations de Greenpeace.

Alors que les énergies fossiles, dont la consommation est la principale cause du changement climatique, sont responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre, la revue Energy Policy révélait en 2022 que le monde comptait 425 "bombes climatiques", en opération ou à l'état de projet, dans 48 pays différents. Si elles étaient toutes exploitées, leurs émissions combinées représenteraient deux fois le plafond d'émissions total à ne pas dépasser pour espérer maintenir la hausse de la température à 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle.

93 Le nombre de milliards de tonnes de CO2 potentiellement émises par ces projets

Si les réserves encore contenues dans ces 33 "bombes climatiques" étaient entièrement exploitées, 93 milliards de tonnes de CO2 pourraient être émises à travers le monde, estime Greenpeace. L'ONG rappelle que ces "calculs estimatifs" couvrent les émissions de gaz à effet de serre liées à l'extraction, au transport, à la transformation et à la distribution du pétrole ou du gaz, ainsi que celles liées à la combustion de ces énergies par le consommateur final.

À titre de comparaison, les émissions de CO2 de toutes les énergies au niveau mondial sur l'année 2022 ont atteint plus de 36,8 milliards de tonnes, un record, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), et elles représentent plus des trois quarts du total des émissions de gaz à effet de serre.

19 Le nombre de "bombes climatiques" situées à proximité d'une zone de biodiversité protégée

Dans son rapport, Greenpeace alerte également sur le positionnement géographique de 19 des 33 sites super-émetteurs dans lesquels TotalEnergies est impliqué. "Ils sont situés à moins de 50 km d’une zone de biodiversité protégée, dont dix à moins de 10 km", s'alarme l'ONG.

Elle met en avant des risques de pollution aux hydrocarbures, qui ne sont cependant pas spécifiques aux "bombes climatiques". Le projet pétrolier contesté de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie, qui ne figure pas dans la liste, présente par exemple de nombreuses atteintes à l'environnement, selon une enquête de la cellule investigation de Radio France.

84 Le nombre de projets fossiles dans lesquels TotalEnergies a investi depuis l'accord de Paris

Au-delà de ces 33 "bombes climatiques", Greenpeace accuse TotalEnergies d'avoir continué à "s'engager dans une perspective d'exploration et d'ouverture de nouveaux champs pétroliers et gaziers" après l'accord de Paris en 2015, dont l'ambition était de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, idéalement sous 1,5°C.

L'ONG a ainsi listé 84 projets actuels d'extractions d'énergies fossiles dans lesquels le groupe français a investi via "l'acquisition de nouvelles licences d'exploration". Son implication dans onze de ceux-ci a eu lieu après 2021, date à laquelle l'AIE a appelé à cesser les investissements dans de nouvelles installations pétrolières et gazières.

À noter que, selon Greenpeace, le groupe français est également actionnaire ou opérateur de 674 projets dont la mise en production était prévue après 2021. Des projets qui seront exploités dans plusieurs années ou décennies, mais dont certains pourraient être abandonnés. Le mégaprojet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie figure parmi ces 674 projets.

Alors que l'AIE s'attend à ce que la demande de gaz, pétrole et charbon connaisse un pic d'ici à 2030 avant de baisser, ces investissements de Total dans les énergies fossiles s'apparentent à un mauvais signal aux yeux de l'ONG Reclaim Finance, qui milite pour mettre la finance au service du changement climatique. "Si TotalEnergies communique beaucoup sur des investissements dans les énergies vertes, on constate que la grande majorité de ses investissements se tourne vers les énergies fossiles, ce qui va nous enfermer pendant des dizaines d'années dans le pétrole et le gaz", juge Louis-Maxence Delaporte, analyste énergie au sein de l'organisation.

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