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COP21 : quatre mois après l'accord de Paris, l'ambition est-elle toujours la même ?

Quatre mois après la COP21, New York accueille vendredi la cérémonie de signature de l’accord de Paris sur le climat. Mais la dynamique initiée à l’époque est-elle toujours d’actualité ?

Article rédigé par franceinfo - Simon Prigent
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Publié
Temps de lecture : 9min
Ségolène Royal et Laurent Fabius en conférence de presse en préparation de la COP21, le 10 septembre 2015.  (PATRICK KOVARIK / AFP)

"Différencié, juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant." Très ému, le président de la COP21, Laurent Fabius, n'avait que des compliments à la bouche au moment de l’adoption du texte de l’accord final sur le climat, en décembre 2015 à Paris. Il avait alors qualifié de "tournant historique" le consensus adopté par les 195 pays pour limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2100.

Depuis, l'ancien ministre des Affaires étrangères a cédé sa place à la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal. Comme lui, d’autres personnalités engagées dans la lutte pour le climat vont bientôt tirer leur révérence alors que New York accueille, vendredi 22 avril, la cérémonie de signature de l’accord. C’est le cas du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dont le mandat s’achève au mois de juillet, ou de la très impliquée responsable climat à l’ONU, la Costaricienne Christiana Figueres qui devrait partir au même moment.

Ces départs conjugués à un contexte économique, politique et géopolitique particulier laissent planer un vent d’incertitude : quatre mois après le sommet parisien, à l’heure où l’accord s’apprête à être signé, la dynamique initiée à la COP21 est-elle toujours d’actualité ?

Non, certains pays ont reculé

Selon toute vraisemblance, la cérémonie de la signature de New York devrait être une formalité et l’accord devrait être signé. Quelque 160 pays sont attendus au siège des Nations unies. Parmi eux : les Etats-Unis, la Chine et l'Inde qui représentent à eux seuls 55% des émissions de gaz à effet de serre de la planète, soit le seuil à atteindre pour que l’accord soit validé. Seulement, apposer sa signature sur un document ne suffit pas. Les Etats doivent maintenant prendre des mesures fortes.

Et de ce point de vue, la France n’a pas vraiment donné de garanties sérieuses quant à son engagement en matière de climat depuis la COP21. La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, vient de repousser à 2019 la décision de s'engager à baisser de 75% à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité du pays. On lui reproche également la gestion du dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes jugé aberrant par certains à l’heure de la COP21, ou encore l’instauration du "prix carbone", destiné à faire payer les émetteurs de gaz à effet de serre. "En plus d’être inefficace en raison du faible prix du pétrole, la mesure 'prix carbone' est injuste car elle pénalise autant les pollueurs que les ménages", explique Célia Gautier, de l'Association réseau action climat (RAC).

D’une manière générale, on ne connaît même pas les objectifs de la France en matière d’écologie.

Pierre Radanne, expert des questions énergétiques et écologiques, et président de l'association 4D

à francetv info

Au niveau européen non plus, ça n’évolue pas dans le bons sens. "L’UE a annoncé une diminution de ses émissions de 40% en 2030 par rapport à 1990, mais ces objectifs ne sont pas déclinés au niveau national !", tempête Pierre Radanne. Et l’accord européen sera difficile à atteindre en raison des disparités entre Etats : "Des pays comme la Pologne qui exploitent encore le charbon, ne sont pas d’accord sur ces objectifs."

Oui, d'autres pays s'engagent

Ailleurs dans le monde, certains pays semblent avoir pris la question au sérieux, et pas nécessairement ceux qu’on attendait le plus. "En mars, la Chine a présenté son plan quinquennal et ils ont déjà pris des engagements forts", se réjouit Célia Gautier. Parmi les treize objectifs contraignants adoptés, dix concernent l’écologie. Par exemple, la part des énergies renouvelables devra atteindre 15% en 2020.

En Amérique de Nord aussi, les choses bougent. Justin Trudeau, le jeune Premier ministre du Canada a passé un accord bilatéral avec les Etats-Unis. Les deux pays s'engagent à réduire, d'ici 2025, de 40% à 45% les émissions de méthane causées par les forages pétroliers et gaziers par rapport aux niveaux de 2012, rapporte La Presse. Une avancée significative pour ces deux gros pollueurs, même si le "Clean power plan" de Barack Obama a été suspendu par la Cour suprême, le 9 février. Celui-ci prévoyait une réduction des émissions de CO2 des centrales thermiques de 32% d’ici 2030, mais il a rencontré l’opposition de 25 Etats, majoritairement républicains.

Même si certains pays peinent à se mettre en mouvement, "aucun n’a renié les engagements pris à Paris", positive Pierre Radanne.

Oui, les investissements sont là

Les engagements de certains de ces Etats passent par des investissements en matière d’énergies renouvelables. Le 10e rapport annuel du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) vient de révéler que les investissements dans les énergies vertes ont atteint des sommets en 2015 : 268 milliards de dollars, contre 130 pour les centrales à charbon et à gaz, comme le rapporte Les Echos.

Malgré cet engouement pour les énergies renouvelable, les émissions de gaz à effet de serre ne baissent pas encore. En 2013, 2014 et 2015, 35 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère.

Oui et non, le pétrole n’est pas mort, mais le charbon est moribond

L’industrie pétrolière ne semble pas prête à abandonner l’exploitation des énergies fossiles, malgré la forte baisse des cours du pétrole. Début avril, le congrès MCE Deepwater Development, a réuni environ 500 représentants de compagnies pétrolières du monde entier à Pau, suscitant les réactions de militants écologistes, comme le rapporte Sud Ouest. “Le thème des débats était : comment exploiter le pétrole offshore à moindre coût”, déplore Célia Gautier. Autre symbole fort : la tenue du sommet international du pétrole le 21 avril, à Paris, à la veille de la cérémonie de signature de l’accord sur la COP21.

Alternative à l’utilisation de l’or noir, le gaz est utilisé comme une énergie de transition par certaines entreprises comme le géant énergétique français, Engie. Mais le gaz “qui émet également du CO2” ne peut être présenté comme une source d’énergie propre, comme le font les pétroliers, souligne la spécialiste du RAC.

Si la fin du pétrole et du gaz n’est pas prévue pour demain, certains secteurs comme celui du charbon sont à bout de souffle, à l’image du géant américain Peabody qui vient de déposer le bilan. Une bonne nouvelle pour Célia Gautier, même si cette perte de vitesse est en partie provoquée par la concurrence des gaz de schiste.

Oui, les secteurs économiques et financiers se mobilisent

"On assiste à une déviation spectaculaire des investissements des banques, des fonds de pension ou des institutions financières", explique Pierre Radanne. Le 22 septembre 2015, à New-York, l’association Divest-Invest a annoncé que l’ensemble des actifs de 430 institutions financières ayant pris l’engagement de ne plus investir dans le charbon, le pétrole et le gaz, avait atteint un total de 2 600 milliards de dollars, raconte Le Monde. Et ce mouvement profiterait surtout aux programmes d’efficacité énergétique de la Chine, de l’Inde ou des pays en développement, selon l’expert.

Et les milieux économiques ne se font pas prier pour suivre le mouvement. Délaissant progressivement les énergies fossiles, les équipementiers se tournent progressivement vers l’économie verte. "Ils doivent apporter une réponse technique aux engagements pris lors de la COP21", commente Pierre Radanne.

En janvier par exemple, Solairedirect, la filiale photovoltaïque d’Engie, a remporté deux projets solaires de 70 mégawatts en Inde. Un programme d’avenir qui s’inscrit dans le plan énergétique indien, qui vise un objectif de 100 gigawatts de capacités solaires en 2022.

Alors, la révolution écologique est-elle en bonne voie ?

Le mouvement est en marche depuis quelques années déjà. Mais il est encore tôt pour tirer des conclusions, on y verra plus clair dans deux ou trois ans.

Pierre Radanne, expert des questions énergétiques et écologiques, et président de l'association 4D

à francetv info

Un temps d'adaptation nécéssaire pour le spécialiste du climat, qui conclut philosophiquement : "L'ancien monde ne veut pas mourir et le nouveau a du mal à naître".

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